Aigre culture

Ce n’est plus seulement la maison qui brûle. Mais aussi la terre, et ceux qui la travaillent. Consumés à petit feu par l’incendie d’une conjoncture géopolitique et climatique atroce, et de postures normatives et politiciennes intenables. Que ceux qui se bornaient autrefois à sourire des plaintes paysannes ouvrent les yeux. Ce râle n’est pas une nouvelle grogne, mais pour nombre d’exploitants le dernier soupir avant la mort. La terrible statistique nationale d’un suicide d’agriculteur tous les deux jours en 2023 prend une tournure encore plus effrayante. Depuis le début de l’année, un exploitant décide d’en finir avec la vie chaque jour, au comble de son désespoir. Les signaux d’alarme sont écoutés par la société avec une empathie de façade qui ne passe pas la nuit. Les objectifs et contraintes réclamés dans les étages de l’administration sont des jets de pierre sur les corps meurtris de ceux qui continuent de porter leur croix. Quand cette injustice va-t-elle enfin cesser ? Quand notre société se rendra-t-elle compte qu’elle cultive l’aigreur de son indifférence face à la détresse de ceux qui nous nourrissent ?

Charles Vigier