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Israël : qu’est-ce que le projet d’île artificielle au large de Gaza qui fait polémique ?

Cela devait être une réunion pour discuter de la situation à Gaza et d’un éventuel cessez-le-feu, ainsi que pour débattre d’une future solution à deux Etats entre Israël et la Palestine. Le ministre des Affaires étrangères israélien Israël Katz était à Bruxelles ce lundi, afin de rencontrer ses homologues de l’Union européenne et aborder l’épineux sujet de l’après-guerre entre l’Etat hébreu et le Hamas.

Si cette réunion ne fut pas le théâtre de grandes avancées diplomatiques, c’est surtout la présentation de deux vidéos de la part du chef de la diplomatie israélienne qui a marqué les esprits. La première portait sur un projet de ligne ferroviaire devant relier Israël à la Jordanie, l’Arabie saoudite, Bahreïn ou encore les Emirats arabes unis. L’autre, plus polémique, concernait un projet d’île artificielle au large de la bande à Gaza.

Très loin de l’ordre du jour, a estimé le chef de la diplomatie de l’Union européenne Josep Borrell, qui n’a pas caché son agacement devant la presse : "Israël Katz est venu présenter des projets qui n’ont rien à voir avec les discussions de paix. […] Le ministre (israélien) aurait pu mieux profiter de son temps et se préoccuper de la sécurité de son pays et du nombre élevé de morts à Gaza."

Une île partiellement contrôlée par Israël

Ce projet d’île artificielle au large de Gaza n’a rien d’une nouveauté, mais date en réalité de plusieurs décennies. Il y a quelques années néanmoins, l’idée fut développée de façon bien plus sérieuse et concrète par certains officiels israéliens. En particulier par le ministre des Transports de l’époque… le même Israël Katz, aujourd’hui le chef de la diplomatie israélienne.

Comme le rapportait le Times of Israël en 2017, Israël Katz avait alors présenté un nouveau projet concret pour cette île. Celui-ci tablait alors sur une plateforme d’une superficie de 534 hectares, au coût d’environ 5 milliards de dollars. L’objectif : installer des infrastructures destinées à fournir à Gaza des services essentiels qui lui font actuellement défaut à l’enclave. Sur cette île, reliée à l’enclave palestinienne par un pont, auraient ainsi été construits des installations de dessalement de l’eau potable et une centrale électrique, un port de marchandises et une zone de stockage de conteneurs… et même un éventuel aéroport, à terme.

Israël Katz présentait alors ce projet comme une solution pour répondre aux besoins économiques de l’enclave palestinienne, tout en préservant la sécurité d’Israël. Comme l’expliquait l’agence de presse américaine Reuters en 2017, Israël prévoyait alors de conserver le contrôle de la sécurité dans la mer autour de l’îlot et se réservait le droit de faire des inspections dans le port, tandis qu’une force militaire internationale serait responsable de la sécurité sur la plateforme et aux points de contrôle sur le pont la reliant à Gaza.

Mais cette proposition est restée au stade d’ébauche. En Israël, il a notamment rencontré une opposition ferme du ministre de la Défense israélien de l’époque Avigdor Lieberman, également responsable de la politique à Gaza, qui refusait que l’enclave fasse l’objet d’une quelconque politique de développement tant que le Hamas était en charge du territoire palestinien. Chez ces derniers, ce projet avait également été accueilli avec une grande méfiance. Comme le rappelle le média panarabe The New Arab, il avait été clairement rejeté par l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, le qualifiant de "pure fantaisie", notamment concernant le contrôle conservé par Israël et une coalition internationale indéfinie.

Pas de projet de relocalisation des Palestiniens, dit Israël

Près de sept ans plus tard donc, ce sujet a donc été remis sur la table des discussions par Israël Katz à Bruxelles, dans un contexte évidemment autrement plus tendu dans la région. La vidéo diffusée, probablement la même que lors de la présentation du projet en 2017, a également interloqué les représentants de l’UE : selon le New York Times, des officiels européens ont expliqué que celle-ci avait été diffusée à Bruxelles sans vraiment de contexte pour détailler l’apport et la pertinence de ce projet dans le cadre de discussions sur l’avenir de Gaza et des relations entre Israël et Palestine.

Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que certains voient dans la réminiscence de ce projet une volonté du gouvernement israélien d’expulser les habitants de Gaza afin de les relocaliser hors de l’enclave. Une idée chère à la frange la plus radicale de l’exécutif de l’Etat hébreu : début 2024, deux ministres d’extrême droite de la coalition au pouvoir dans l’Etat hébreu, Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, avaient créé la polémique en répétant leurs appels à "encourager l’émigration volontaire" des Gazaouis et leur soutien à la "construction de colonies" dans Gaza. Un document du ministère du renseignement israélien avait également été publié dans la presse israélienne en octobre dernier, révélant un projet concret de transfert de la population de Gaza en Egypte, dans le Sinaï.

Ce projet d’île artificielle a-t-il pour objectif d’accueillir des Gazaouis chassés de l’enclave ? Pas du tout, réplique Israël. Le ministère des Affaires étrangères de l’Etat hébreu a clarifié auprès du média Times of Israël que le ministre Katz n’avait "jamais déclaré" que l’objectif de cette île était d’accueillir temporairement des habitants de Gaza, et "qu’un tel plan n’existait pas". Toujours dans le New York Times, des officiels européens ont expliqué que "le projet ne mentionnait pas explicitement de relocaliser des Palestiniens sur l’île". Un fonctionnaire israélien accompagnant le ministre des Affaires étrangères aurait cependant déclaré que l’île pourrait "inclure des logements pour les Palestiniens", ajoutant que "l’objectif était d’augmenter le nombre de logements disponibles, et non de renoncer à la reconstruction de Gaza après la guerre ou de déplacer les habitants de Gaza à long terme".

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