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IVG dans la Constitution : la droite face au piège de Macron

IVG dans la Constitution : la droite face au piège de Macron

Eric Ciotti n’est pas conservateur. Le président des Républicains (LR) ne s’est jamais emparé de thématiques sociétales pour forger son identité politique. Question de tempérament. De stratégie, aussi. Le député des Alpes-Maritimes s’est frotté à Bruno Retailleau, très identifié sur ces sujets, lors de l’élection interne des Républicains. Il fallait bien se différencier.

Il lorgne surtout l’électorat macroniste de droite en vue de 2027, qu’il souhaite reconquérir grâce à un discours libéral plus que traditionaliste. Et puis, l’homme a de la mémoire. Il sait combien les réticences de François-Xavier Bellamy envers l’IVG ont eu un effet "repoussoir" sur des électeurs de droite lors des européennes de 2019. Quand la constitutionnalisation du droit à l’interruption volontaire de grossesse s’invite au Parlement à l’automne 2022, l’élu flaire le piège. Et assure aussitôt qu’il approuvera le texte. "Si vous ne le votez pas, vous apparaissez comme un anti-IVG", résume-t-il alors en privé.

L’héritage de Simone Veil

Le sujet a une charge symbolique lourde, il appelle une réponse simple. Etre sommaire, quitte à taire certains doutes. Assumer le débat juridique, au risque d’aiguiser le soupçon. Voilà la droite sur cette ligne de crête, à l’occasion de l’examen ce mercredi 24 janvier à l’Assemblée du projet de loi constitutionnel sur la "liberté" de recourir à l’IVG. Le projet prévoit d’inscrire dans notre loi fondamentale que "la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie" à la femme d’avoir recours à une IVG. Cette rédaction est un compromis entre la consécration d’un "droit" - initialement défendue par les députés - et celle d’une "liberté" - préférée par les sénateurs - à laquelle l’exécutif a ajouté le terme "garantie".

La droite est ici travaillée par des courants contraires. Les députés LR approuvent en grande majorité le principe d’une révision constitutionnelle, mais se montrent sceptiques sur la rédaction retenue par le gouvernement. Ils redoutent une rupture d’équilibre de la loi Veil, qui ménage les droits de la femme et ceux de l’enfant à naître. A la tribune, la députée LR de Savoie Emilie Bonnivard a mis en garde ce mercredi contre deux extrêmes : "La remise en cause de l’IVG […] et un IVG sans aucune limite." "Je ne laisserai personne avoir de propos réducteurs sur la droite républicaine", a-t-elle lancé, soucieuse de dissiper toute ambiguïté sur son message. Le patron des députés LR Olivier Marleix rappelait ce mercredi matin sur LCI son attachement à "l’esprit de la loi de 1975". "La liberté, si elle est inscrite dans la Constitution, ne doit pas être l’occasion d’écraser les autres droits."

"On a intérêt à purger le débat avant les européennes"

A droite, la loi Veil est érigée en totem. Personne ne la remet en cause. N’a-t-elle pas été votée avec le soutien du Premier ministre Jacques Chirac, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing ? Ne fait-elle pas partie de ces avancées sociétales qu’elle peut revendiquer ? Des voix s’opposent toutefois à toute révision constitutionnelle. La réticence ne se veut pas idéologique mais pratique. Le droit à l’IVG n’est pas remis en cause en France comme aux Etats-Unis et jouit déjà d’une protection constitutionnelle dans notre jurisprudence. Modifier notre loi fondamentale serait inutile et banaliserait ce texte.

"La Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux", assurait mardi sur France Info le président du Sénat Gérard Larcher. Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau est sur cette ligne, comme une majorité de sénateurs LR. A l’Assemblée, une poignée de députés d’obédience conservatrice ont déposé la quasi-totalité des amendements LR à l’occasion de l’examen du projet de loi constitutionnel (PJLC). Le plus souvent pour modérer la portée du texte de l’exécutif.

Cette droite n’est pas majoritaire, mais elle sait se faire entendre. "Ces forces conservatrices sont mises en échec de manière successive texte après texte, année après année, note un cadre LR. Alors, elles veulent faire capoter le truc quand elles en ont l’occasion." Au risque de brouiller le message global de LR sur l’IVG. L’examen du PJLC est incertain. Si l’Assemblée et le Sénat ne votent pas un texte en termes identiques en vue d’une convocation du Congrès, une navette s’engagera entre les deux chambres. Elle peut durer indéfiniment. La droite n’a guère intérêt à ce que le débat s’éternise. Les européennes approchent, François-Xavier Bellamy serait alors inévitablement interrogé sur le sujet. A droite, personne n’a envie que l’histoire se répète. "On a intérêt à purger le débat avant les européennes, note un dirigeant. Si on a une navette pendant le printemps, cela ne va pas aider Bellamy." Peut-être faudra-t-il alors assumer d’être "simple".

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