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Un agriculteur du Cantal nous ouvre ses livres de comptes : "Je ne veux pas faire de mon fils un esclave"

Un agriculteur du Cantal nous ouvre ses livres de comptes :

Selon lui, l’élevage français est « le grand perdant » de la réforme de la PAC. Gilbert Angelvy, président de la Coordination rurale du Cantal, manifestera ce vendredi 26 janvier, dès 14 heures à Aurillac, devant la préfecture. Pour illustrer son « ras-le-bol », il a accepté d’entrer dans les détails en décortiquant les comptes de sa ferme.

Son père et son grand-père étaient agriculteurs avant lui. Puis son fils, Nicolas, s’est installé en 2015 à ses côtés. À Sansac-Veinazès, Gilbert Angelvy élève des vaches salers allaitantes depuis 35 ans. Élu à la Chambre d’agriculture et président de la Coordination rurale, un syndicat minoritaire dans le Cantal, l’exploitant vient d’être reçu par le préfet, alors que l’État cherche des solutions pour calmer la colère paysanne.

Ses mots sont crus, mais traduisent un véritable cri du cœur. Si rien ne bouge, Gilbert Angelvy est prêt à se « suicider sur la place d’Aurillac ». C’est ce qu’il a dit par téléphone au préfet, puis qu’il lui a redit face à face.

« Je ne veux pas faire de mon fils un esclave », ajoute-t-il, terriblement inquiet pour l’avenir.

Emprunt sur emprunt

Et afin d’aller au-delà de l’expression du sentiment de « ras-le-bol » général, Gilbert Angelvy a accepté d’ouvrir les livres de comptes du Gaec, dont l’exercice s’achève chaque année au 31 mai.

Contrairement à tant d’autres exploitations, la relève y est assurée. En fondant le Gaec familial, Nicolas Angelvy, 28 ans, a emprunté 262.000 € sur vingt ans. Cette somme, qu’il rembourse tous les mois depuis 2018, a servi à construire une nouvelle stabulation de 2.500 m². Pour que le père et que le fils soient à 50-50, Nicolas Angelvy a par ailleurs investi dans une soixantaine d’hectares de terres à Lafeuillade-en-Vézie. Au début, il louait. En 2022, il est devenu propriétaire, et a encore emprunté pour cela 260.000 € sur vingt ans.

L'envolée des charges

Aujourd’hui, le Gaec du Veinazès s’étend sur 115 hectares, où paissent 155 vaches allaitantes. Pour vendre leurs bovins, les Angelvy passent par six différents négociants en bestiaux. En théorie, depuis la loi Égalim 2, ils sont obligés de signer un contrat écrit sur trois ans. Mais en pratique, et à l’instar de nombreux éleveurs allaitants, ils ne signent aucun contrat. En clair, cette loi n’est pas appliquée.

La grogne agricole s'étend à l'Auvergne

Entre le 31 mai 2021 et le 31 mai 2022, le Gaec a dépensé 36.000 € pour ses cultures. En 2022-2023, ces charges ont représenté 47.000 €, soit + 30%. « L’azote a atteint un prix complètement fou, décrypte Gilbert Angelvy. Il y a eu une très forte hausse des engrais. » Le budget consacré à l’alimentation des animaux a aussi bondi, de 38.000 € à 49.000 € (+ 29%). La faute au prix du complément donné à ses bovins, tiré par le haut suite à « une forte hausse du soja ou du colza ».

Les frais vétérinaires assombrissent l'horizon

L’avenir s’assombrit aussi avec l’envolée des frais vétérinaires liés à la FCO (fièvre catarrhale ovine), qui n’entrent pas encore dans la comptabilité.

En revanche, l’exploitation a réussi à faire diminuer sa facture d’eau… et même à renégocier, à la baisse, son assurance, de 9.400 € à 7.400 €. « Quand on veut, on peut ! » lance Nicolas Angelvy.

La PAC 2023 entraîne un net manque à gagner

Côté recettes, le Gaec a profité d’une embellie du marché. La vente des bovins lui a rapporté 113.000 € en 2021-2022, puis 132.000 € en 2022-2023, soit + 17%. « Mais il a suffi que la MHE (maladie hémorragique épizootique) arrive en août 2023 pour faire dégringoler les cours », déplore Gilbert Angelvy.

Enfin, les aides de la politique agricole commune, réformée en 2023, ont diminué de 14%. Sur 2022, le Gaec avait touché 80.000 € au total, contre 68.900 € en 2023. C’est le changement de calcul des aides bovines qui lui a surtout été fatal.

Les « orientations contradictions » d’« une politique agricole commune mortifère », dénonce la Coordination rurale.

Romain Blanc

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