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Serge Rousseau, Vichyssois et résistant

Serge Rousseau, Vichyssois et résistant

Serge Rousseau a vécu la détention en Allemagne, l’Occupation puis la Résistance à Vichy sans se départir d’une solide dose d’humour. Retour sur son parcours, à travers un récit autobiographique paru dans les pages de l’Académie du Vernet en 1973…

Vichy vit actuellement au rythme des différents rendez-vous proposés dans le cadre d’Histoire et mémoire(s). Une semaine forte, débutée avec un hommage à Marc Juge, policier et résistant, fusillé à Clermont-Ferrand en 1944.

Aujourd’hui, rencontre avec l’un de ses compagnons d’héroïsme, le Vichyssois Serge Rousseau, grâce à un récit autobiographique paru au début des années 70.

Janvier 1942 : on fait connaissance avec Serge Rousseau à la Gare de Bourg-en-Bresse où se trouve un centre de démobilisation pour les évadés. On lui offre une place dans un baraquement de l’armée. « Mais de la vie commune et de l’ambiance militaire, j’en avais ma claque », assure notre homme.

« Il s’y mêla une douce jubilation supplémentaire, celle d’emmerder les Allemands »

Alors fort d’un « pécule auquel venait s’ajouter une prime pour « services exceptionnels rendus à la patrie », euphémisme administratif pour désigner ma qualité d’évadé », Serge Rousseau s’installe dans un des meilleurs hôtels de la ville. « Je poussai même le luxe à bouder la cantine. Je n’avais ramené que quelque 52 malheureux kilos d’Allemagne », plaisante-t-il.

Vite, il ressent un sentiment de désœuvrement. De ses quatre tentatives d’évasion en quatre mois lui restait « une espèce de nostalgie de l’action. » Il décide de partir pour la Capitale… Vichy à l’époque. « Mieux vaut s’adresser au Bon Dieu qu’à ses saints ! », pense-t-il alors.

« Je n’avais jamais vu Vichy, je savais seulement que c’était une ville d’eaux. Confirmation, il y pleuvait à verse à mon arrivée. » Son plan est simple, demander à être reçu par le maréchal. Il sursoit « parce qu’on ne se rend pas chez un vieil homme à la tombée de la nuit. »

Le lendemain, bouté par un huissier qui lui refuse l’accès à Pétain, il affirme avec force : « c’est personnel ! » Pas plus convaincant. Laval pourquoi pas ? « Je compris vite que le président du conseil, de mon cas, s’en tamponnait les moustaches ».

« Si de Gaulle se fut trouvé là, sûr je serai allé le voir. Je ne faisais aucune différence entre le maréchal et le général. » Le jeune homme semble alors totalement ingénu.

Sa seule conviction, « foutre les Allemands dehors, ramener les prisonniers. Chacun chez soi. »

Un tempérament à devenir un héros de la Résistance ? Avec plus d’humilité, Serge Rousseau réplique : « On a voulu me faire dire par la suite que je m’étais évadé d’Allemagne pour servir la Résistance. Non… Je me suis évadé parce que je n’ai pas une âme domestique et que mon pays est la France. Il s’y mêla une douce jubilation supplémentaire, celle d’emmerder les Allemands. »

On finit par lui indiquer un personnage à l’Hôtel International. Comment retrouver l’adresse ? « Il y avait tellement d’hôtels…. Il y avait surtout un tas d’individus qui ne semblaient pas du cru… Je leur parlais hôtel, ils me répondaient ministère et c’est seulement plus tard que je compris pourquoi. » Le galonné en question lui écrit « un patronyme sur un bout de papier qu’il devra expressément déchirer une fois rendu. » Prudence déjà !

Enfin casé dans un bureau boulevard Gambetta, on lui explique ses tâches. « Tu sais que toutes les matières premières sont contingentées à cause de ces messieurs qui en prennent leur part. On a besoin de quelqu’un qui s’occupe de la répartition des bons-matières. C’est un travail de bureau. »

« La Gestapo fit irruption un jour ...»

Son destin prend là - sans qu’il le sache - un tournant qui va l’amener à un engagement fort. « C’est ainsi que je devins Vichyssois et entrai du même coup dans la Résistance car nous nous mîmes dès lors à fabriquer des faux papiers de travailleurs civils que nous envoyions à nos camarades de stalags dans des montures de brosse, dans des semelles de chaussures, les talons étant réservés à des boussoles. » Serge Rousseau ne se prend pas pour un héros. « Franchement, c’était plus une œuvre d’assistance que de résistance que j’avais alors conscience d’accomplir. »

L’Occupant finit par envahir la zone libre et donc Vichy. Serge Rousseau et ses compagnons, obligés de fuir, trouvent refuge dans un coin perdu du Puy-de-Dôme mais gardent contact avec des amis restés sur place.

Finalement, il revient rue Gambetta car « il fallait fournir à ceux qui revenaient des cartes de ravitaillement ou d’habillement, des faux papiers. » Cette activité se fait en plein de cœur de Vichy. Pas sans risque. D’ailleurs, « la Gestapo fit irruption un jour boulevard Gambetta et emmena quatre d’entre nous qui moururent en déportation. »

Avec le STO vient « le temps des réfractaires que l’on envoie dans les Alpes (maquis Mauduit), au Cantal (maquis Leduc) ou plus simplement dans les Bois-Noirs dont était chargé mon frère ». « Des contacts sont établis avec Londres, alors on put vraiment parler de résistance intérieure à laquelle de Gaulle ne comprit d’ailleurs jamais rien. »

C’est à cette époque que Serge Rousseau fait connaissance avec François Mitterrand « arrivé d’Allemagne dans les mêmes conditions que moi. Il devint très vite un membre actif de notre groupe dont sa personnalité ne tarda pas à le faire émerger. » Serge Rousseau l’invita au restaurant. « Mais comme il ne m’a jamais rendu l’invitation, j’attendrai qu’il soit président de la République pour le lui rappeler », plaisante-t-il. Nous sommes en mai 1973, huit années plus tard… 

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