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Abba Diourte, l'homme de la Chambre régionale d'économie sociale et solidaire d'Auvergne-Rhône-Alpes à connaître !

Avec lui, pas de chichi. L’économie sociale et solidaire (ESS) devient limpide. Tant dans son essence que dans sa mise en œuvre. Abba Diourte est un technicien, chargé de mission à la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) d’Auvergne-Rhône-Alpes sur les départements du Puy-de-Dôme, de l’Allier et du Cantal. Nous l’avons rencontré dans ses tout nouveaux bureaux montferrandais de la Maison Napoléon à Clermont-Ferrand.

Quelles sont vos missions ?

Je suis l’interlocuteur privilégié des acteurs de l’Économie sociale et solidaire, des élus et de toute personne qui s’y intéresse. J’ai aussi un rôle d’animateur de la dynamique territoriale. Avec pas mal d’actions en Auvergne, comme des événements de rencontre entre acteurs ESS, ou encore le concours Les Graines de l’innovation sociale. Ici, nous avons notamment un réseau qui fonctionne bien : ACC’ESS. Il rassemble des acteurs de l’accompagnement à la création d’entreprises ESS, par exemple des incubateurs, tels CocoShaker ou Appuy Créateurs, ou des acteurs comme France Active Auvergne…

Cet article entre dans le cadre du dossier consacré à l'économie sociale et solidaire traité dans notre supplément économique La Montagne Entreprendre du mois de janvier. Vous pouvez lire les autres articles en cliquant sur ce lien ici.

Pourquoi ce réseau ?

Ce réseau poursuit trois grands objectifs qui sont d’améliorer la communication et l’accès à l’information vis-à-vis des porteurs de projet et des partenaires externes ; être plus efficace ensemble pour offrir une complémentarité de compétences aux porteurs de projet, développer des outils de coopération et optimiser les temps de travail et enfin mieux se connaître pour mobiliser les réponses adéquates au meilleur moment au sein du réseau.

Vous-même accueillez des porteurs projet qui s’intéressent à l’ESS ?

Oui. Dans le cadre d’une mission centrale qui s’appelle l’AIO pour Mission accueil, information et orientation. Je suis toujours en lien avec le réseau régional de la Cress. À chaque fois, je suis en capacité de réorienter mon interlocuteur en fonction de ses besoins. Y compris une collectivité territoriale puisque nous sommes aussi là pour les aider à développer l’ESS sur leur territoire.

À partir de quand un porteur de projet lambda peut-il se poser la question d’entrer dans le champ de l’ESS ?

Souvent, c’est lié à la nature du projet. Dans sa forme juridique, si, dès le lancement, la forme associative ou coopérative est privilégiée par exemple ou s’il y a quelque chose dans le projet qui est d’ordre social, environnemental… Dans ses recherches, le porteur de projet va un jour ou l’autre tomber sur cette notion d’ESS. Mais, souvent, il ne sait pas trop ce que c’est. Nous sommes là pour l’informer.

Quel est l’intérêt de s’inscrire dans le champ de l’ESS ?

Selon la loi de 2014, l’ESS est avant tout un mode d’entreprendre. Avec quatre statuts juridiques historiques : les associations, les mutuelles, les fondations et les coopératives. Un cinquième est créé en 2014 : les sociétés commerciales de l’ESS. Ce sont des structures classiques, SA, SAS, SARL, qui adhèrent aux principes de l’ESS via leurs statuts : la gouvernance démocratique, la lucrativité limitée et la recherche d’une utilité sociale comme objectif principal.

Qu’est-ce que la lucrativité limitée ?

Les statuts doivent mentionner que les bénéfices ont pour affectation majoritaire le maintien ou le développement de l’activité de la société. Il y a également un caractère impartageable et non distribuable des réserves obligatoires constituées. Et l’interdiction d’amortir le capital et de procéder à une réduction de capital non motivée par des pertes. Pour faire simple, l’objectif principal d’une entreprise de l’ESS n’est pas de faire du profit.

Et la gouvernance démocratique ?

Cela veut dire que, pour la prise de décision, c’est “un homme, une voix”. C’est décorrélé de l’apport au capital. À l’inverse d’une entreprise classique.

Et cette notion d’utilité sociale, vous pouvez préciser ?

Il faut que l’objet social de l’entreprise, c’est-à-dire ce qu’elle compte faire en vue de faire des bénéfices ou des économies et d’en faire profiter ses membres, soit reconnu d’utilité sociale.

Autrement dit ?

L’utilité sociale est définie par quatre conditions. On va regarder quelle est la contribution de l’entreprise pour soutenir les personnes en situation de fragilité (pauvreté, handicap…) et réduire les inégalités (accès aux soins par exemple). Ou on va aussi observer comment l’entreprise, par son activité, va aider au renforcement de la cohésion sociale et territoriale. Ou comment elle va contribuer à l’éducation à la citoyenneté. Et enfin, la quatrième, tous les sujets liés au développement durable, à la transition énergétique, à la promotion culturelle, mais cette quatrième condition est spécifique puisqu’elle ne se suffit pas à elle-même, il faut qu’elle ait un lien avec l’une des trois autres conditions.

Comment savoir si les statuts sont bien respectés ? En réalité, tout cela a des applications comptables. Et le fait qu’une entreprise se réclame de l’ESS doit se voir dans les comptes.

Il y a une vérification des comptes rendus obligatoires dans le cadre de l’agrément ESUS ?

Oui. ESUS pour Entreprise solidaire d’Uutilité sociale est délivré uniquement aux entreprises de l’ESS. C’est le seul agrément d’État existant qui démontre l’utilité sociale d'une entreprise. Il est très engageant et ajoute des contraintes spécifiques pour pouvoir justifier de son utilité sociale.

ESUS est vraiment très contraignant ?

Par exemple, pour être agréée ESUS, l’entreprise doit avoir une politique salariale encadrée. Le plus gros salaire ne peut excéder dix fois le Smic et la moyenne des cinq plus gros salaires ne peut excéder sept fois le Smic. De même, l’objet d’utilité sociale mentionné dans les statuts doit représenter 66 % des charges d’exploitation. Plus de la moitié des charges d’exploitation doivent être allouées à la recherche de l’utilité sociale. Les titres du capital ne doivent pas être négociés sur un marché financier… Encore une fois, ce sont des entreprises qui ont un autre objectif que de faire de l’argent… Mais qui ont besoin d’être rentables. L’ESS doit relever le défi d’allier utilité sociale et performance économique.

Quel intérêt de s’afficher comme entreprise de l’ESS ?

De nos jours, être dans le champ de l’ESS permet à une entreprise de valoriser son image auprès de ses clients, de ses prospects, de ses salariés ou futurs salariés lors des phases de recrutement, etc. C’est aussi affirmer que la volonté de poursuivre un objectif autre que de faire de l’argent. Il s’agit de répondre aux besoins du territoire. Et, pour réaliser cet objet-là, les entreprises de l’ESS développent un modèle économique.

Il y a des financements spécifiques toutefois pour les entreprises de l’ESS agréées ESUS ?

Oui. L’avantage premier de l’agrément Esus est par exemple de donner accès à la finance solidaire. Les organismes qui collectent de l’épargne solidaire ont l’obligation de l’investir dans des projets d’utilité sociale. Mais ce n’est pas parce qu’elles ont le droit à ce financement qu’elles l’obtiendront. Il faut faire une demande et c’est très contrôlé.

Combien y a-t-il d’entreprises agréées ESUS en Auvergne-Rhône-Alpes ?

En 2023, il y avait 266 entreprises agréées ESUS dans la région. On travaille, notamment avec les collectivités, pour qu’elles intègrent les entreprises de l’ESS dans leurs appels d’offres, et le fait d’avoir l’agrément ESUS constitue un élément important. Ce qui pourrait motiver les entreprises à demander l’agrément. Et engager un cercle vertueux.

D’autant que l’entreprise de l’ESS est taillée pour le territoire…

Tout à fait. Elle répond à des besoins de proximité. Et donne du sens. Ce que recherchent de plus en plus de gens, que ça soit sur le plan personnel, mais aussi dans le milieu du travail. Du sens et un cadre de travail bienveillant. L’ESS permet ça. Dans une coopérative, les salariés sont propriétaires de l’outil de travail. Malgré tout, c’est une économie avec beaucoup d’acteurs, de secteurs, de préjugés… Il y a un gros travail de pédagogie à faire. Et surtout ne pas mettre de barrière, il y a des coopérations à développer entre l’économie traditionnelle et l’ESS. Ce n’est pas l’une contre l’autre, mais l’une avec l’autre.

Propos recueillis par Cécile Bergougnoux

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