Pourquoi cette couturière clermontoise a-t-elle participé à la campagne anti-soldes d'Extinction Rébellion ?

Le début d’année est dense pour Louise Bossellier, créatrice de la marque textile Piment Banane. Installée depuis 2020 dans la rue du Port, la couturière s’apprête à déménager de l’autre côté de la rue, à quelques mètres, pour ouvrir un atelier boutique partagé avec l’une de ses voisines, Nathalie Rixain, qui tient la maroquinerie. Avant de faire ses cartons, l’artisane a participé à la campagne anti-soldes du groupe clermontois d’Extinction Rébellion.

Pourquoi participer à cette campagne anti-soldes??

Aujourd’hui, quand on voit toutes les marques qui disparaissent, c’est la preuve que ce modèle économique ne fonctionne plus et c’est en partie parce que les gens prennent conscience de la façon dont c’est fabriqué. Moi qui fais très peu les boutiques, quand j’ai voulu acheter des bottes en cuir à Clermont, je me suis rendu compte que tous les magasins que je connaissais avaient fermé : Minelli, André, San Marina… Il n’y a plus que des baskets?! Finalement, je me suis tournée vers Vinted et j’ai trouvé une paire quasiment neuve pour quatre fois moins cher. Je préfère consommer comme ça.

"Le projet "Faites l’amour, pas les soldes" m’a plu d’abord pour son ton humoristique et pour son message que je partage entièrement : consommer moins et mieux."

En tant que créatrice de vêtements, comment vous démarquez-vous??

D’abord, mes matières premières sont originales car je travaille le wax, le tissu dit "africain" avec des motifs très colorés, que j’achète principalement à une entreprise hollandaise qui fait fabriquer en Europe et un peu à une entreprise chinoise, mais dont la qualité est contrôlée et qui est l’une des seules à produire des motifs traditionnels. Ensuite, mes créations sont uniques. Quand on achète chez moi un vêtement (veste, robe, pantalon, jupe) ou un gros sac à main, que ce soit en prêt-à-porter déjà fait ou sur commande, on est sûr de ne jamais le retrouver ailleurs. Et bien sûr par le conseil et l’adaptation de la taille et de la coupe à chaque morphologie.

Pour mieux consommer, Extinction Rébellion conseille notamment d'acheter local, une solution incarnée par la couturière Louise Bossellier (à droite) dans l'un des romans photos mis en ligne sur les réseaux sociaux depuis le 10 janvier.  Photo Extinction Rébellion Clermont-Ferrand

C’est du sur-mesure??

Pas tout à fait, je dirais plutôt du demi-mesure. Le client choisit le modèle, le tissu, la doublure, les accessoires et on détermine ensemble la taille.

Mais ça a un coût…

Forcément. Au début, j’avais du mal à afficher des prix qui peuvent paraître indécents. Le blouson à 229 €, je ne pourrais pas me l’acheter?! Pourtant, depuis trois ans que je me suis reconvertie dans cette activité, ça ne me permet toujours pas de me verser un salaire. Aujourd’hui, je vis grâce à la pension d’invalidité que je touche suite à un burn-out.

"Mes prix sont calculés en tenant compte du coût des matières premières et du temps de travail, 30 € de l’heure pour moi, ce qui est le minimum conseillé par la chambre de métiers."

Que pensent les gens qui franchissent votre porte de ces prix??

Beaucoup viennent pour le principe de la pièce unique et comprennent mes tarifs. Pour ceux qui sont surpris, je prends le temps de tout expliquer.

En étant en première ligne, avez-vous constaté des changements d’habitude de consommation??

Au début, j'avais une clientèle déjà installée dans la vie, qui avait les moyens de ce type de vêtements. Aujourd’hui, j’ai de plus en plus de jeunes dans une nouvelle démarche, des gens de moins de 30 ans qui veulent s’offrir quelque chose de spécial, d’unique, qu’ils vont conserver et qui va durer dans le temps.

Vous allez déménager d’ici quelques semaines, qu’est-ce que ça va changer pour vous??

Étant deux artisanes, nous allons pouvoir partager les frais et le temps de présence dans la boutique pour ouvrir sur une plus grande amplitude horaire et prendre des week-ends de repos. Nous allons aussi proposer des produits complémentaires et peut-être des créations communes.

Extinction Rébellion mise sur l’artivisme, un mélange d’art et d’activisme

"Faites l’amour, pas les soldes." C’est drôle et ça questionne. C’est avec ce slogan que le groupe clermontois d’Extinction Rébellion a choisi d’interpeller la population depuis le 10 janvier, date du début des soldes d’hiver. Ce jour-là, le mouvement qui prône "la désobéissance civile pour lutter contre l’effondrement écologique et le dérèglement climatique" a lancé une action originale sur les réseaux sociaux. Son objectif : rappeler que la mode est l’une des industries les plus polluantes de la planète.

Le message inscrit brièvement avenue des États-Unis, à Clermont-Ferrand, est développé avec humour sur les réseaux sociaux. Photo Extinction Rébellion Clermont-Ferrand

À travers quatre romans-photos mettant en scène "quatre personnes comme vous" dans le centre-ville de Clermont-Ferrand, Extinction Rébellion veut promouvoir d’autres manières de consommer du vêtement : "L’objectif est de montrer qu’il est possible de faire durer ses vêtements, les réparer, les relooker, qu’on peut aussi acheter un produit qui a du sens en privilégiant le local et le seconde main."

"L’idée, c’est d’intéresser les gens de façon ludique et pédagogique, sans les culpabiliser. On a choisi d’utiliser un ton humoristique pour faire passer notre message. Notre credo, c’est l’artivisme, un mélange d’art et d’activisme, pour marquer les esprits."

Le ton est léger mais le propos sérieux et les chiffres précis : 20 % de la pollution industrielle des eaux proviendrait du traitement et de la teinture du textile. Quatre milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an sont générés par l’industrie textile, soit plus que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. Si la tendance se poursuit, en 2050, le secteur textile pourrait émettre 26 % des émissions globales de gaz à effet de serre.

Pour en savoir plus : Facebook Extinction Rébellion Clermont-Ferrand ou instagram xrclermontferrand.

Maud Turcan