Blindés contre tracteurs
Alors que la FNSEA, débordée par les Jeunes Agriculteurs, a annoncé le «siège» de Paris pour une «durée indéterminée», le ministre de l’Intérieur a mis en place «un dispositif défensif important afin d’empêcher tout blocage» du marché de Rungis, et appelle les Français «à anticiper et à ne pas encombrer les routes» face aux blocages.
« Touche pas à mon paysan ! » Le choix de Gérald Darmanin de mobiliser, dès ce lundi, des blindés et 15 000 policiers et gendarmes pour protéger Paris et Rungis des agriculteurs en colère fait craindre un possible affrontement de l’Etat jacobin face au monde rural.
Le monde technocratique bousculé
Le ministre de l’Intérieur est certes dans son rôle. Mais un recours à la force publique, dans un tel contexte de révoltes généralisées, aurait pour conséquences d’attiser les incendies partout déclarés. L’habileté apparente de Gabriel Attal, qui a su vendredi pactiser avec le leader Jérôme Bayle sur fond de bottes de foin à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), a vite montré les limites de la communication du Premier ministre.
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Derrière la cause agricole, c’est tout un système technocratique producteur de planifications, de normes et de surveillances qui est remis en question, y compris à l’échelle européenne. De surcroit, le monde rural apparait comme le dernier dépositaire d’une identité française menacée par la mondialisation et des dirigeants amnésiques, insensibles au besoin d’enracinement des peuples. Les noms des petites villes qui s’égrènent au fil des barrages routiers rappellent le poème des « cent villages » d’Aragon : Montesquieu-Volvestre, Carbonne, Sourniac, Saint-Félix-de Tournegat, Parcay-Meslay, Cannectancourt, Pamiers, etc. Comme l’écrit Robert Redeker dans Le Figaro de ce lundi[1] : « La révolte des agriculteurs (…) est le véritable soulèvement du peuple de la terre, loin du pitoyable folklore écologiste qui s’est approprié cette appellation », en effaçant le mot peuple pour ne retenir que « soulèvement de la terre ».
L’Agriculture au-dessus de tout ?
Le saccage des richesses françaises, commis au nom d’idéologies irréalistes, a assez duré. Après les destructions de l’industrie et de l’énergie, il est urgent de préserver l’agriculture de cette perspective. Son affaiblissement est déjà entamé quand la France importe aujourd’hui 70% des fruits, 30% des légumes, 84% de la pêche ! « On a décidé de mettre l’agriculture au-dessus de tout », a promis Attal vendredi, avant de reconnaitre dimanche qu’il fallait aussi « changer d’état d’esprit ». Si les mots ont un sens, cela oblige le gouvernement à s’extraire, à la fois, de la tutelle soviétoïde de l’Union européenne et de ses diktats absurdes sur la décroissance, mais aussi de la tyrannie écologiste qui, au nom de ses démentes utopies, en est venue dimanche à jeter de la soupe sur le portrait (protégé) de la Joconde, au musée du Louvre.
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Or toute la politique présidentielle a été construite en soutien à l’UE supranationale et à une écologie punitive. C’est pour plaire aux Verts que Macron a avalisé dans un premier temps le sabotage du parc nucléaire français et a accéléré l’enlaidissement des paysages par la multiplication des éoliennes, y compris en mer. Mardi dernier, la porte-parole du gouvernement, Priscat Thevenot, parlait de « colère légitime » à propos des jacqueries. De fait, l’opinion est derrière les agriculteurs. Mais, non, les blindés n’auront pas raison des tracteurs.
[1] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/robert-redeker-la-revolte-des-agriculteurs-est-le-veritable-soulevement-du-peuple-de-la-terre-20240128
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