Moyen-Orient : l’Iran dans le piège de sa propre spirale de violence
En trois mois, l’Iran a décidé d’entrer en conflit direct avec quatre puissances nucléaires. Avec Israël, d’abord, attaqué par le Hamas au sud et par le Hezbollah au nord, deux groupes terroristes financés et armés par Téhéran. Le Pakistan, ensuite, touché par des frappes iraniennes à la mi-janvier en représailles d’un double attentat dans le sud de l’Iran. Le Royaume-Uni aussi, qui voit ses navires pris pour cibles par les houthistes du Yémen en mer Rouge. Et, enfin, les Etats-Unis.
Une nouvelle phase de la guerre régionale ?
Depuis son avènement, en 1979, la République islamique rêve d’expulser toute présence américaine du Moyen-Orient, par crainte de la puissance du "grand Satan". Le 7 octobre et la guerre à Gaza ont réveillé la galaxie de ses affidés : en quelques semaines, les milices pro-iraniennes ont mené plus de 160 attaques contre des bases américaines en Irak, en Syrie et en Jordanie. Le 28 janvier, une offensive de drones a percé les défenses d’un de ces bastions, la Tour 22, tuant trois soldats américains et en blessant 25 autres. "Cet événement énorme, dramatique, peut entraîner un basculement du Moyen-Orient dans une nouvelle phase de guerre, confie une source diplomatique de la région. Quand les Américains sont touchés directement, ils répliquent et font en sorte d’éradiquer toute future menace."
La réponse militaire promet d’être à la hauteur de l’émotion suscitée à Washington. Après l’annonce de la mort des trois soldats, l’opposition républicaine et une partie de la presse américaine ont attaqué la "faiblesse" de Joe Biden, accusé d’avoir tardé à répliquer aux provocations iraniennes. Plusieurs sénateurs réclament désormais de frapper directement Téhéran… A neuf mois d’élections délicates, ces reproches touchent un point sensible pour Biden, dont l’âge et la fragilité apparente ne collent plus à la superpuissance américaine.
Mais l’image du président des Etats-Unis ne peut faire oublier la force réelle de ses 45 000 soldats postés au Moyen-Orient. "Avec son réseau de milices, ses drones et ses missiles, le régime iranien peut avoir l’impression de projeter sa toute-puissance dans la région, note Alex Vatanka, du Middle East Institute. Mais ses dirigeants ont les yeux plus gros que le ventre et se trouvent, en réalité, dans une situation particulièrement précaire : ils ne contrôlent pas vraiment leurs milices, et celles-ci ne servent plus vraiment les intérêts iraniens…" Le retour à la réalité pourrait être douloureux.