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Michel-Edouard Leclerc : enquête sur le plus politique des patrons français

Baskets, jean, pull marine, l’adolescent de 71 ans virevolte, tournicote, attrape notre sac à ordinateur qu’il déplace pour plus de commodité jusqu’au canapé, puis, ayant attendu que sa communicante se soit assise – à sa place, devant ses dossiers présidentiels –, il se choisit un fauteuil, dos à la baie donnant sur le triste quai d’Ivry-sur-Seine. Yeux varech, hâle de propriétaire concarnois habitué au TGV Paris-Brest, (où il salue chaque voyageur de la rame d’un "bonjour, comment vas-tu ?"), il pose ses coudes sur la table. Sans façon le tourbillon. La veille au soir, Michel-Edouard Leclerc accompagnait son épouse, Natalia Olzoeva, quadragénaire et pianiste, à un spectacle d’hypnose, et ceci le turlupine. Comment un type parvient-il, en trois claquements de doigts, à faire faire tout ce qui lui passe par la tête à des spectateurs ? Il décrit ses voisins de rangée levant les bras tels des automates, le cobaye persuadé de s’appeler "jean émar", la dame se trémoussant… il aimerait poursuivre cette conversation, deviser de l’inconscient et de ses résistances, explorer l’histoire de la psychanalyse confrontée d’emblée à l’hypnose rivale.

Las !, le président du comité stratégique de Leclerc, diplômé d’un master de philosophie et de sciences politiques, reçoit pour parler du groupe qui porte son nom, celui de son père, le fondateur, soit la plus grande coopérative alimentaire du monde, 555 adhérents indépendants, 140 000 salariés dans 734 magasins, un chiffre d’affaires de plus de 44 milliards d’euros (en 2022), en hausse chaque année depuis une décennie. Leclerc, l’enseigne nourrissant près de 1 foyer sur 3, premier distributeur de France, premier bijoutier de France, premier voyagiste de France, premier loueur de voitures de France, un mastodonte résumé dans cette phrase qu’il prononça, en janvier 2022, lors d’une audition au Sénat : "Mon électorat, c’est 18 millions de personnes qui viennent faire leurs courses chez moi." Et bing !

Collectionneur de boîtes de sardines

Un "électorat" auquel le porte-étendard de la distribution alimentaire jure, couteau entre les dents, tout faire pour éradiquer la hausse des prix. Le 15 janvier, matinale de TF1 : "On va casser l’inflation". Douze jours auparavant, France 2 : "On va aller casser la gueule à l’inflation". La veille de Noël, au micro de RMC : "On va casser le rythme de l’inflation". A raison de trois interventions médiatiques par jour en moyenne, (selon la biographie de Magali Picard, publiée chez Plon), il le martèle : l’inflation, il va lui faire la peau. Evoquant la bête, son corps tressaille comme si la mauvaise entrait dans le bureau, longeant les échantillons de sa collection de boîtes de sardines (800 pièces en tout, promises au musée de la pêche de Concarneau). L’inflation, il raconte l’avoir connue "jeune homme" "quand j’ai dû emprunter à 17 % pour payer mon premier appart".

A l’automne 2021, il prédit son retour. "Ni madame Christine Lagarde, ni les économistes de banque, ni le gouvernement, ni les parlementaires qui n’y comprennent rien ne l’ont vu, j’étais tout seul." Le patron belge de l’enseigne Delhaize lui décrit alors la galopade des prix alimentaires aux Etats-Unis, la commission d’enquête exigée par Joe Biden sur les conditions de transports des denrées, les rayons vidés de leurs chalands. Aussitôt, coups de fil chez des économistes de Harvard, lectures. Bientôt, le docteur en économie (thèse soutenue en 1978 sous la direction de Raymond Barre) en est assuré : "Elle va nous tomber dessus" - d’ailleurs il le confie à Emmanuel Macron, l’invitant à tenir compte de cette donnée dans sa seconde campagne présidentielle.

Novembre 2022, les faits se confirment, les prix grimpent. "Bruno Le Maire me reproche d’angoisser les Français, je passe pour l’agité", se souvient-il. Puisque d’après lui les responsables sont aux abris, et que "les députés qui n’ont jamais dirigé ne serait-ce qu’une cantine ne pigent rien", il sonne le tocsin. "Je passe par les médias", puis "j’alerte les adhérents, on renégocie tout. Ma première motivation c’est de protéger les centres Leclerc". La phrase est cruciale. Promettre aux consommateurs de décapiter l’inflation en leur offrant des prix bas, c’est inviter les clients dans les hypermarchés portant son nom et ceci relève de son profil de poste. Pour le "Mouvement", l’appellation interne donnée à l’association des adhérents, (chacun propriétaire d’un ou deux magasins, bosseurs acharnés, la plupart devenus millionnaires en une génération), Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique, l’organe politique du groupe, officie comme publicitaire, lobbyiste, porte-parole, stratège et communicant surdoué. Jusqu’en 2013, il était salarié pour ces tâches. Dorénavant, il facture ses prestations via sa société MEL stratégie développement et communication. Ses interventions médiatiques constituent donc son gagne-pain, le seul car il ne détient aucune action (la coopérative n’est pas cotée), ne possède aucun magasin, et qu’il a, aux côtés de son père, en 2004, revendu le nom Leclerc aux adhérents. Plus il prend la lumière médiatique, plus il fait parler du groupe, plus il appâte la clientèle satisfaisant ainsi les adhérents qui lui règlent ses honoraires. Schéma peu propice à des exposés nuancés…

Robin des Bois contre les méchants

"Il faut que les Français comprennent que si, comme il le promet, on ramenait l’inflation à 4 %, toutes les entreprises agricoles du pays crèveront, car les importations exploseront", s’insurge, langue déliée, le sénateur (LR) Laurent Duplomb, ancien président de la chambre d’agriculture de Haute-Loire et éleveur laitier, trayant chaque jour ses 100 vaches. "En huit années de baisse des prix, 100 000 exploitations agricoles ont fermé, la pédagogie du vrai prix est difficile, souligne l’ancienne présidente de la FNSEA, Christiane Lambert. Le prix juste doit correspondre à une production française." Or dans ce bras de fer avec les agriculteurs, l’enseigne sait se faire aimer de ses petits voisins paysans. Dans tous ses magasins, elle s’engage à vendre leurs produits, locaux, à hauteur de 7 % de son chiffre d’affaires. Un débouché vital donc. En revanche, les producteurs écoulant leurs marchandises via des coopératives doivent, eux, accepter des négociations rudes, au nom du combat atavique contre la vie chère.

"Il dit défendre l’intérêt général mais en réalité ce n’est pas toujours le cas, il défend toujours ses intérêts", note l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui fit sa connaissance grâce à Raymond Barre. Dix-sept ans durant, les deux provinciaux ont partagé les rames du train Paris-Poitiers le vendredi - Michel-Edouard Leclerc pour retrouver sa première épouse, mère de leurs quatre enfants, dans la campagne d’Angoulême, où celle-ci élevait un cheptel de 800 brebis "rouge de l’ouest", l’élu en route lui vers sa commune de Chasseneuil-du-Poitou. Un soir de ces voyages vers la Dordogne, le politique le questionne : "Comment toi, héritier de la grande distribution, te débrouilles-tu pour être si populaire ? Vois-tu, lui répond ce dernier, Robin des bois passe pour un détrousseur jusqu’à ce qu’il tombe sur le méchant prévôt, et là les villageois se mettent à l’aimer."

Vingt ans plus tard, la recette fonctionne. Les méchants prévôts ? D’abord, les industriels. "Des goinfres, des spéculateurs, songez que l’huile de tournesol a pris 37 % en deux ans, mais ils nous prennent pour des cons ?" La litanie, imagée, est longue, elle inclut les vendeurs de blé dur, de graines de moutarde, de cacao, etc. Ensuite, les transporteurs, dont les tarifs explosent pendant la crise du Covid. "On s’est fait avoir sur les containers, comme des bleus", peste-t-il, racontant, guilleret, sa conversation téléphonique avec Rodolphe Saadé, le PDG de CMA CGM, la compagnie de fret maritime. Il fallut la délicate médiation de l’avocat Antoine Gosset-Grainville, ancien directeur de cabinet adjoint de François Fillon, pour que les décibels retombent entre le Marseillais et le Breton. Ils se sont depuis revus, mer calmée. Enfin, dernier lot de prévôts, les politiques. "Bruno Le Maire a essayé de se refaire une image avec le panier anti-inflation, j’ai refusé d’y participer. De toute façon, il n’avait pas le poids politique, c’est nous qui avons dû faire le job, mais ils se sont tellement emballés qu’ils ont fait notre notoriété", dit-il, sourire gourmand. "Il pratique le populisme consumériste, observe Serge Papin, l’ancien patron de Système U. Les responsables politiques le respectent à l’aune de sa puissance médiatique."

Le patron du géant de la distribution Michel-Édouard Leclerc a dénoncé un "enfumage" et une "ponction" sur les consommateurs.

Manifs écolos à vélo

En s’autodésignant ennemi n°1 de l’inflation, et tant pis pour la souveraineté agricole, Michel-Edouard Leclerc cherche-t-il seulement la publicité ? "90 % de lui est sincère, il a été biberonné par la vocation sociale du discount au point d’en être illuminé", analyse Olivier Dauvers, journaliste spécialisé, qui rappelle que chaque hyper distribue 25 % de son résultat net à ses salariés. Quand son père, Edouard, ouvre en 1949 son premier magasin à Landerneau, inventant le libre-service et cassant les prix pour vendre aux communautés religieuses puis aux familles des environs, autour de l’échoppe - sise au domicile familial – c’est l’émeute. Barrage de CRS, caméras de l’émission Cinq colonnes à la Une, et foule hurlante, pavés jetés, vitres fracassées ; la coopérative laitière du coin a juré sa fin. Le petit Michel est envoyé en pension ; il a 9 ans et ne fêtera aucun anniversaire entouré des siens. Eduqué par les pères du petit séminaire de Viry-Châtillon (Essonne), il lit avec frénésie, dévorant ses premières bandes dessinées et chérissant son grand-père maternel, ancien pilote de la Grande Guerre, "proche du personnalisme de la revue Esprit", précise-t-il. Car, côté paternel, c’est maurassien, catho tradi, et la section bretonne des Croix-de-Feu, une organisation politique nationaliste.

Dans la vingtaine, le voici happé par les balbutiements hippies de l’écologie. Engagé chez Les Amis de la Terre, cheveux longs, bicyclette et tracts, il rêve d’un monde plus vert aux côtés de Brice Lalonde, futur ministre de l’Environnement, tandis que la marque bleue et orange construit partout ses hypermarchés. Brice et lui refont le monde, puis ils dînent au manoir. La famille a fait fortune, granit sombre et paons hurlant dans les arbres. Le patriarche Edouard est un drôle de bonhomme, rachetant les fonds des études notariales (il récupère ainsi l’acte d’abdication de Charles Quint), entassant des kilomètres de grimoires, fouillant les puits pour y retrouver des statues religieuses cachées pendant la Révolution, explorant des cartes cabalistiques en quête du trésor des Templiers. Savoureux mélange dans lequel son fils l’accompagne, conservant depuis lors le goût de l’éclectisme.

Dans les années 1970 finissantes, il change son prénom. Né Michel-Marie, il se fait appeler Michel-Edouard, "c’est ce qu’il a fait de plus fort, ainsi il s’est rendu légitime", note à propos Vincent Leclabart, fondateur de l’agence Australie, qui fut dix-huit ans durant son publicitaire et ami, partageant apéros du dimanche soir dans leurs maisons voisines de Saint-Cloud. Pour autant, il ne veut pas ouvrir de magasin. Son père lui confie une mission : obtenir le droit de vendre des lubrifiants et de l’essence. Giscard préside la France, et le voici, à 25 ans, grenouillant dans les cabinets du gouvernement Barre (décidément) pour réclamer la licence dont les pétroliers ont le monopole. Au passage, il y fait la connaissance d’un autre Breton fils de famille, Vincent Bolloré, qui veut lui aussi vendre de l’essence. Leclerc junior embauche un juriste et décide de contourner la loi pour la faire plier à son avantage. Il invite les adhérents à se mettre en infraction en vendant illégalement de l’essence. La guérilla vaudra au groupe 467 procès. 1981, élection de Mitterrand. Un soir de 1985, Pierre Bérégovoy, ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, l’appelle, goguenard : "Vous allez m’en vouloir Michel-Edouard, je vous pique votre effet, j’annonce à 20 heures la libéralisation du prix de l’essence". Michel-Edouard Leclerc comprend à cet instant qu’il peut, à la longue et à l’usure, faire céder les politiques et, qu’entre son enseigne et le pouvoir, ce sera toujours la course à l’échalote. Sans rancune, Pierre Bérégovoy l’invitera par la suite à venir bavarder de ses affaires devant un match de foot à la télévision.

Ses carnets secrets

Dossiers suivants : s’attaquer au monopole des pharmaciens (un échec), à celui des libraires (un échec transformé en réussite avec l’ouverture en 1994 des Espaces culturels). Depuis, il a vu défiler 25 ministres de l’Economie, six présidents de la République, et cette longévité nourrit son amusement altier. Ils peuvent tous lui reprocher son populisme malin, son discours univoque et tordre le nez face aux négociations de ses acheteurs (surnommés dans la profession, les "garçons bouchers"), peu lui chaut. Il les sait fragiles, éphémères et tétanisés par le pouvoir d’achat. Des papillons bavards et évanescents dont il épingle les roueries et moulinets dans ses carnets de notes, remplis chaque jour depuis cinquante ans. Comment François Mitterrand le pria, en 1995, de faire semblant de vouloir investir à Cuba pour séduire Fidel Castro, invité à Paris par sa fantasque épouse, ou quand Lionel Jospin l’emmena en compagnie de l’avionneur Serge Dassault visiter Auschwitz, les premiers voyages en Pologne, en Russie soviétique, et la visite de l’usine d’Oufa, dont il épousera la fille du directeur, son actuelle compagne, tellement heureux de voir le neveu de celle-ci intégrer Polytechnique voici peu. Ce palimpseste, riche de secrets, ses deux filles ont récemment pris soin de le mettre de côté. Diantre…

Tout ça pour dire que Michel-Edouard Leclerc sait ce qu’il dit, et ce qu’il oublie de dire, tandis que les campagnes s’embrasent. En promettant d’être le moins cher, il invite fournisseurs et industriels à se préparer à rogner leurs marges. "La grande distribution stagne depuis 2015, analyse Olivier Dauvers. Les grosses enseignes sont trop nombreuses. Pour continuer à gagner de l’argent, il n’y a que les prix bas avec un gros volume." Or, sur son créneau, la marque Lidl mordille les mollets. Tandis que le modèle des hypermarchés ralentit, les lois Egalim (2018 et 2021), s’efforcent dans le même temps de soutenir les agriculteurs face à ces vendeurs agressifs. Depuis leur application, l’ancien ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, entoure au feutre rouge dans le catalogue Leclerc toutes les promos contournant ces règles, catalogues raturés qu’il lui poste. Ce dernier les range dans une armoire qu’il invite à visiter, comme un enfant sa collection de lance-pierres. Pichenettes sur son costume de Robin des bois.

Patatras, printemps dernier, Egalim 3, défendue par le député (Renaissance) Frédéric Descrozaille et votée à l’unanimité. Interdiction de négocier la matière agricole dans les marques distributeurs, suspension, pendant deux ans, des promotions au-delà de 34 % dans les produits non-alimentaires. Quand, en amont du texte, le député l’invite, comme tous ses concurrents, à venir exposer son point de vue, pas de réponse. Et toujours pas de réponse quand le même élu se fend d’une lettre réitérant son souhait. Le mastodonte ne traite pas avec l’échelon parlementaire, il s’adresse à Matignon ou à l’Elysée. Comme son père, qui, en 1958, réclamant à Fontanet, secrétaire d’Etat sous de Gaulle, d’imposer aux grossistes l’obligation de lui vendre, déboulait au volant de sa camionnette Citroën sur les graviers du palais de la présidence de la République. Ce tempérament le conduit à de – rares – fautes de carre, en témoigne cette photo publiée en septembre sur le réseau X, où il pose, affable, aux côtés du sénateur (RN) Sébastien Chenu, qu’il voulait voir voter contre Egalim 3. "De toute façon, il se contrefiche des lois, il les méprise et il ne les applique pas, gronde le sénateur agriculteur Duplomb. Il raconte se battre pour le pouvoir d’achat, en réalité, il contourne nos réglementations, il négocie via sa centrale Eurelec à Bruxelles." Il est vrai que le champion français de la distribution fait venir ses fournisseurs en Belgique, détour qui rend toutes les rodomontades et réglementations un peu vaines. Il n’est pas le seul, Carrefour négocie à Madrid, Système U à Amsterdam. Cette échappée exaspère Bercy, qui lui adresse sept assignations en justice entre 2015 et 2019. Pfff, il fait appel devant la Cour de justice européenne et y obtient gain de cause.

Le plus libéral des patrons français

L’érudit et cultivé Michel-Edouard Leclerc est "un grand libéral", selon Michel Sapin, ancien ministre de l’Economie, "un vrai libéral pour une concurrence libre et non faussée", ajoute Guillaume Garot, ancien ministre de l’Agriculture, "le seul patron français libéral social", applaudit l’ancien ministre Alain Madelin, qui en 1986 prit l’habitude de le recevoir chaque mois avec trois autres trentenaires déterminés, (Jean-Michel Aulas, aujourd’hui vice-président de la Fédération française de football, Louis Le Duff, leader mondial des cafés-boulangeries, et le patron de Vivendi, Vincent Bolloré), "tous les patrons français sont protectionnistes, il aurait fallu depuis longtemps le nommer ministre, il est mille fois plus efficace que tous".

Ministre, vraiment ? Régulièrement, il bavarde avec Gabriel Attal, il le faisait quand celui-ci était ministre des Comptes publics, continua quand il passa à l’Education nationale, et là il attend un peu pour le féliciter. "Tout le monde se précipite, je prends mon temps." Que partage le trentenaire parisien nommé chef de gouvernement et son aîné fou de Bretagne se bagarrant pour le prix des coquillettes ? "Je me reconnais dans sa construction défensive, j’admire sa résistance aux attaques." Le plus politique des patrons français dévore en version originale les séries Downton Abbey, The Crown et la dernière saison de True Detective, soucieux d’améliorer son anglais. Il souhaite échanger de façon fluide avec les galeries américaines, les artistes anglophones, tous ceux qu’il chérit pour que prospère sa collection de bandes dessinées, une des plus belles au monde, dont celle de mangas, la plus importante de la planète aux dires des experts, abritée dans un entrepôt sécurisé. Une passion entamée bien avant que le marché ne devienne spéculatif, fidèle à son image singulière, se fichant des modes élégantes.

Il faut se faire raconter par un témoin sa visite de l’atelier de l’artiste Philippe Druillet à Montparnasse, y respirant les odeurs d’encres, touchant les presses, partageant un frichti avec les ouvriers assis autour de la grande table, pour mesurer en l’espèce sa sincérité éblouie. Fin mai, Beaubourg accueillera sur ses six étages une exposition à la bande dessinée, avec les planches originales de 131 artistes, dont beaucoup lui appartiennent, la dernière exposition avant la fermeture pour travaux. A un ami, le croisant sur les marches de l’Opéra, qui lui demanda quand il envisageait de raccrocher de la grande distribution pour ne se consacrer qu’à la bande dessinée, le collectionneur répondit : "Je ne peux pas, si je ne suis pas là, ils feront n’importe quoi". Robin des bois n’a jamais été remplacé. Dans les champs, et sur les barrages, les agriculteurs français n’ont qu’à s’en souvenir.

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