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"As-tu connu la guerre ?", "ton papa était-il sévère ?" : un carnet pour recueillir les souvenirs de nos grands-mères

Charlotte Ligny vient de lancer « De Mains en Mains », une entreprise qui fabrique des carnets destinés à recueillir les souvenirs de nos grands-parents.

La première vague du Covid a apporté avec elle une grosse frayeur et laissé, en se retirant, une idée qui a doucement mûri dans l’esprit de Charlotte Ligny. Jusqu’à ce 1er janvier 2024 où cette institutrice – en pause pour un an au moins – a officiellement lancé son entreprise, De Mains en Mains.

« J’ai été confinée à la campagne et ma grand-mère chérie a chopé le Covid avant d’être placée en réanimation, se rappelle Charlotte Ligny. Je lui ai passé ce que je croyais être un dernier coup de fil et je me suis rendu compte que je ne l’avais écoutée que d’une oreille. J’étais débordée par mon boulot, mes enfants, et j’ai une mauvaise mémoire. Je me disais que j’allais avoir tout oublié de sa vie. »

Roseline, la grand-mère chérie, a survécu. Et Charlotte s’est promis de collecter ses souvenirs. Pour le premier Noël qui a suivi le confinement, masqué mais synonyme de retrouvailles, l’institutrice a cherché un carnet pour que « Mamette » couche sur papier les petits comme les grands moments de sa vie. « Cela existait dans le commerce mais le graphisme ne me plaisait pas et je ne me retrouvais pas dans les questions qui étaient suggérées. » Avec les trois plus grands de ses cinq enfants, Charlotte a listé de nombreuses questions dans un carnet vierge à la bordure dorée.

Son papa était-il sévère ? A-t-elle connu la guerre ? Que rêvait-elle de posséder quand elle était petite ? À quoi jouait-elle avec ses frères ?

"Sa joie de vivre à chaque page"

À cette dernière question, Roseline a répondu : « Je me souviens très bien du tir aux pigeons. Mais c’était parfois dangereux. » Certaines d’entre elles ont demandé davantage de temps de réflexion. « Parfois, elle a eu besoin d’une pause. » Roseline a rendu le carnet au bout d’un mois. « Les enfants avaient hâte de le récupérer et de découvrir les souvenirs qu’elle gardait avec chacun d’entre eux. Moi, pour le lire, j’ai eu besoin de m’isoler. »

« Sa joie de vivre transparaît à chaque page, poursuit Charlotte Ligny. Ce qui m’a frappée, c’est la façon dont le consumérisme est entré dans nos vies. Elle prenait un masque à gaz pour aller à l’école, avait très peu mais a passé une enfance joyeuse. Chez nous, après Noël, les chambres des enfants débordaient de jouets. »

Roseline, « une femme bavarde qui ne sentait pas écoutée », a été « très touchée qu’on s’intéresse à elle », selon sa petite-fille, et étonnée quand cette dernière lui a annoncé qu’elle souhaitait aller plus loin dans l’aventure. Charlotte Ligny a peaufiné ses questions et lancé sa propre marque de carnets destinés à transmettre son expérience d’une génération à l’autre.

« J’avais la volonté que ce soit un bel objet », dit-elle, en feuilletant un carnet prêt à être expédié qui comporte un marque-page destiné à recevoir du parfum et qui prévoit des pages supplémentaires pour y ajouter des questions personnelles. La bordure, comme le carnet originel, est dorée. Reste à choisir quand l’offrir. « L’important, je pense, c’est de sauter une génération, car il y a un monde entre celle des enfants et celle des grands-mères. »

Les grands-pères, aussi, auront droit à leur « carnet de mains en mains ». « Le manuscrit est quasiment bouclé » et devrait être mis en vente avant Pâques.

Texte : Pauline MareixPhotos : Franck Boileau

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