Gabriel Attal : 43 % des Français pensent qu’il peut « apporter des solutions utiles »
Rome ne s’est pas faite en un jour. En buvant le vin chaud avec Jérôme Bayle, tête de pont de la fronde agricole dans le Sud-Ouest, et en troquant le pupitre pour une botte de foins, Gabriel Attal a imposé son style – une proximité sans familiarité – et son sens de la communication.
Mais pour fumer le calumet de la paix avec un monde paysan chauffé à blanc, il ne suffit pas de « poser le constat et dire la vérité ». Il faut « agir sans tarder » et c’est sur ce troisième pilier de sa méthode qu’il sera jugé, en monnaie sonnante et trébuchante.
Un « bon sens » qui fait moucheDans ce baptême du feu au contact d’un milieu très éloigné du Paris chic où il a grandi, le nouveau locataire de Matignon a néanmoins marqué des points. ll a notamment développé un « bon sens » auquel l’opinion française n’est pas insensible. Ainsi, 43 % des Français pensent qu’il peut « apporter des solutions utiles », selon le baromètre politique Viavoice-Libération publié mardi. En particulier sur le pouvoir d’achat, la santé et l’éducation, qui restent en tête des préoccupations.
« Avec Gabriel Attal, le pari d’Emmanuel Macron est de renouer avec l’action, ne pas passer pour un président empêché par la succession des crises », relève Adrien Broche, responsable des études politiques à l’Institut Viavoice. La popularité du plus jeune Premier ministre de la Ve République tranche avec l’essoufflement du mandat d’Élisabeth Borne : 39 % d’opinions positives contre 23 %, et 40 % d’opinions négatives contre 66 % pour celle qui restera associée au 49-3.
Alors que l’ancienne Première ministre est restée engoncée dans son costume de techno, Gabriel Attal apparaît « proche des gens » pour 41 % des sondés. « Rachida Dati, que l’on présente comme une ministre populaire, n’est qu’à 22 % sur cette question », note Adrien Broche.
Le parcours du Premier ministre, entre le Quartier latin, Saint-Germain-des-Prés, Sciences Po et les cabinets ministériels, ne l’empêche pas, en raison de son dynamisme, et de son pragmatisme, de parler à une tranche non négligeable de la population
Et de se faire comprendre, pourrait-on ajouter, avec des mots et des notions simples. Mais aussi par des phrases chocs dont il était déjà friand comme porte-parole du gouvernement.
Autorité naturelleFace à la colère agricole, le chef du gouvernement a eu des accents pompidoliens sur l’air du fameux « N’emmerdons pas les Français ». À l’Éducation nationale, il s’était révélé intransigeant sur les valeurs de la République, en droite ligne d’un Manuel Valls mais sans ses coups de menton. En agissant sur des symboles – l’abaya, l’uniforme… – a-t-il marqué le retour d’une certaine autorité de l’État, qui semble échapper au président de la République ?
« Cette perte d’autorité, ressentie dans toutes les sphères, parle à une extraordinaire majorité de la population française, confirme Adrien Broche. Durant son bref passage à l’Éducation nationale, il aura fait preuve de courage sur la laïcité. En même temps, ça ne l’engageait à rien sur le plan des finances publiques. Il a habilement joué. »
« Super produit du macronisme »Parviendra-t-il pour autant à dépasser les clivages, promesse initiale du macronisme et jamais atteinte ? Les Français le perçoivent « moins à droite » que la pratique macronienne (32 % contre 47 %) mais ne le situe pas pour autant à gauche (9 % des sondés du baromètre politique Viavoice).
« Gabriel Attal apparaît comme un super produit du macronisme : libéral sur le plan économique et sur le plan des mœurs et républicain sur les questions régaliennes », synthétise Adrien Broche. Un profil qui pourrait conforter la base électorale macroniste en prévision des européennes. De là à pouvoir l’élargir pour contrecarrer le cavalier seul du RN et de Jordan Bardella, l’adversaire désigné du jeune Premier ministre, c’est une autre histoire.
Nathalie Van Praagh