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Les agriculteurs, Attal, la gauche et le RN : si tout est "priorité", rien ne l’est

Les agriculteurs, Attal, la gauche et le RN : si tout est

"Claquer le cul des vaches (sic)" fut longtemps un geste obligé en politique, sorte de rite chiraquien qui démontrait une proximité supposée avec les agriculteurs. Qu’il était alors facile de s’en revendiquer à chaque Salon de l’agriculture. On moquait même Marine Le Pen qui un jour prit peur devant un bovin qui se secouait les mouches. Les gestes ont ceci de commun avec les mots qu’ils s’usent avec le temps à force d’être répétés, rabâchés. Après avoir annoncé dix mesures visant à faciliter le quotidien des exploitants, et la fin de la hausse de la taxation sur le gazole non routier (GNR), le Premier ministre Gabriel Attal a promis un "choc de simplification".

Un de plus, près de cinq ans après celui promis par Emmanuel Macron en 2018. "On a décidé de mettre l’agriculture au-dessus de tout", a renchéri le nouveau locataire de Matignon. C’était aussi le sort promis à l’Education ("la mère des batailles"), l’environnement ("ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas"), l’égalité femmes-hommes ("grande cause"), etc. Les chocs et les urgences, des ritournelles aussi vieilles que la politique. Si tout est priorité, rien ne l’est. Si tout est en haut, qu’est-ce qui est en bas ?

La parole performative est une vue de l’esprit du gouvernant, au même titre que les mille et une promesses d’une opposition qui n’hésite pas à flirter avec le "yakafokon" sinon le populisme. Ainsi les écologistes exhortent à mettre fin aux traités de libre-échange. Tous les traités ? François Ruffin et Raphaël Glucksmann en appellent au "protectionnisme", franco-français pour le premier, européen pour le second. Il y a une nécessité à réguler le marché mais l’agriculture française vit aussi de ses exportations. La fameuse "Ferme France", longtemps "grenier de l’Europe", est le sixième exportateur agricole mondial, et le troisième européen. Moins d’accords commerciaux, c’est l’assurance de fragiliser un colosse aux pieds d’argile : en 2022, la France a certes exporté plus de 83 milliards de produits agricoles et alimentaires [données de France Agrimer, publiées le 1er juin 2023] - un record – mais l’excédent a été porté avant tout par les vins, les spiritueux, les céréales et les produits laitiers ; la filière viande et celle des fruits et légumes étaient, elles, déficitaires.

Qui un agriculteur peut-il encore croire ? Le Rassemblement national n’en a pas raté une miette. Jordan Bardella se voit même en "lanceur d’alertes […] de ce qui se trame au sein de la Commission européenne". Le parti, comme l’ont fait ses partenaires de jeu d’extrême droite en Allemagne (AfD) et aux Pays-Bas (Parti pour la liberté), se considère comme un réceptacle de la désespérance paysanne. A qui profite la colère ? "A nous", répond sans hésiter Philippe Olivier, le conseiller de Marine Le Pen. Début décembre pourtant, quand les agriculteurs grondaient déjà et retournaient sens dessus dessous les panneaux des villages, les mêmes élus frontistes bataillaient jusqu’à plus soif sur la loi immigration. Et là aussi, les contradictions : début décembre, le même Bardella a eu toutes les difficultés du monde à expliquer un amendement d’un député RN qui facilitait le recours à la main-d’œuvre étrangère dans le secteur agricole, un secteur en tension s’il en est. Le genre de dispositif réclamé par les exploitants agricoles que le RN jugeait jusque-là comme une "pompe aspirante" de l’immigration. "En politique, une absurdité n’est pas un obstacle", disait Napoléon. Mais en voilà beaucoup…

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