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"Laprugne a peur !" : en Montagne bourbonnaise, l'ombre des Hauts de Cordat se fait plus pesante que jamais

La formule est limpide : « Laprugne et ses habitants ont peur ». Ils ont peur et demandent « de l’aide ». C’est ainsi, en tout cas, que débute le courrier rédigé, en fin d’année dernière, par la municipalité de Laprugne et ayant pour destinataire un certain… Gerald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur en personne que la commune de la Montagne bourbonnaise a voulu sensibiliser à une problématique qui, là-haut, fait parler depuis bien longtemps : celle de la résidence des Hauts de Cordat. Une résidence?? Un vaisseau fantôme plutôt, dessinant un tableau de désolation dont les lignes n’ont plus bougé, ou si peu, depuis 2007.

L'affaire du Cordat : « Ils sont victimes d'une escroquerie organisée »

Un rêve qui a tourné au cauchemar depuis bien longtemps

L’ancien lotissement pour mineurs devait devenir un paradis immobilier au pied des montagnes au prix d’une vaste réhabilitation. Mais le promoteur du vaste projet de restrucuration a fait faillite, l’affaire a tourné au cauchemar pour des dizaines d’investisseurs (lire par ailleurs) et depuis l’arrêt du chantier, voici plus de quinze ans, le site ne vit plus qu’au rythme d’une inéluctable déshérence. 

Depuis l'arrêt du chantier de réhabilitation à la fin des années 2000, le site est à l'abandon le plus total. Alors, Laprugne en a marre. Parce que, régulièrement, « des personnes malveillantes vont et viennent dans ces locaux privés, font des tags et volent sans vergogne les derniers matériaux qui se trouvent encore sur place », décrit la maire, Séverine Thomas-Mollon, dans le courrier transmis à Beauvau. « Certaines de ces personnes extérieures à la commune se font même menaçantes lorsque des habitants leur demandent ce qu’elles font là. Des conseillers municipaux doivent parfois intervenir avec des gendarmes. Il y a un véritable risque?! »

« Il faut agir. Mais on commence vraiment à trouver le temps long… »

un élu de la commune

Un « risque » auquel un voisin du Cordat s’expose régulièrement. Voici cinq années que Laurent a choisi de venir vivre ici, dans la quiétude prugnarde. Mais le calme est une notion relative quand on habite à quelques mètres de l’entrée de la friche géante. « Ici, c’est devenu un vrai magasin de bricolage, préfère-t-il en sourire. Il y a des gens qui viennent avec des sacs, de jour comme de nuit, avec des cagoules ou même le visage découvert. Ils repartent avec des matériaux, des câbles électriques. L’autre soir encore, des personnes sont venues avec un camion, comme si c’était un dépôt… » Pour la quiétude, il faut donc repasser, considère un voisin qui a pourtant tenté de trouver des solutions. « J’ai proposé de rajouter des panneaux, de mettre des arbres pour occulter la vue, des dos-d’âne. Mais pour l’heure, rien ne bouge. »

Régulièrement, les appartements, dont certains étaient presque terminés, font l'objet de pillages. Même s'il ne reste plus grand-chose à voler... Car voilà, le site, même sclérosé de longue date, reste une propriété privée. Même les gendarmes, régulièrement sollicités lorsque surviennent des vols ou des saccages, sont impuissants à résoudre cette problématique de tranquillité publique sur le long terme. C’est pourquoi la municipalité a jugé bon de s’adresser directement au ministère de l’Intérieur. Pour qu’une solution puisse, enfin, être trouvée. « Et parce que la commune a des responsabilités, abonde Jean-Luc Fontaine, adjoint au maire. Avec tout ce qu’il se passe, il pourrait un jour y avoir un problème, un accident. Donc il faut agir. Mais on commence vraiment à trouver le temps long… ». 

Quarante ans après la fermeture de la mine, le sujet reste toujours aussi explosif

Plus que jamais, pour les propriétaires lésés comme pour les habitants, le Cordat est donc devenu synonyme de « plaie ». Celle-ci pourra-t-elle se refermer un jour?? L’affaire, en tout cas, a connu quelques rebondissements ces dernières semaines. Le courrier signé des élus prugnards serait passé des bureaux de Bauveau à ceux du ministère de la Justice, lequel aurait ensuite laissé la préfecture de l’Allier (re)prendre la main. Ce que confirme le nouveau sous-préfet de Vichy, Michel Tournaire, qui entend pouvoir « réunir élus et services de l’État au plus vite » pour faire un nouveau point de situation. Et voir quelles mesures peuvent être prises pour enrayer cette spirale de méfaits dans laquelle le site du Cordat est englué depuis tant d’années.

Un site qui a, au moins, eu le mérite de devenir un paradis pour les amateurs d’exploration urbaine (urbex) ou de photographies de lieux fantômes. Pas de quoi consoler des habitants qui se demandent bien comment la situation, au Cordat, va pouvoir évoluer. Statu quo?? Réhabilitation totale ou partielle?? Démolition pure et simple?? Une chose est sûre : près de quarante ans après la fermeture de la mine voisine, le dossier du Cordat reste plus explosif que jamais. 

Des investisseurs lésés  qui « paient toujours »

Fin 2016, au terme d’une audience particulièrement technique, la cour d’appel de Riom avait acté que si la responsabilité des acheteurs d’appartement pouvait être engagée, banques et notaires pouvaient en revanche être dédouanés. Une décision qui avait été confirmée en cassation. Ainsi, certains ont dû soit continuer d’honorer leurs mensualités, soit rembourser leurs prêts… d’un coup.« Ça aura donc été un scandale jusqu’au bout », déplore Patricia Marchand, présidente de l’association des victimes du Cordat, qui avait engagé une procédure collective dès le début de l’affaire. « Il y en a qui paient toujours. Certains se sont retrouvés à la rue. Et dire qu’au début, ils voulaient juste investir pour leur retraite. Mais désormais, même si l’association continue d’exister, on ne peut plus faire grand-chose. »

Textes Pierre Geraudie

Photos François-Xavier Gutton

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