Un chantier majeur de 43 M€ lancé pour la survie de la ligne Aubrac
Colossal. Le terme n’est pas trop fort pour qualifier le chantier qui va débuter le 4 mars sur la ligne ferroviaire de l’Aubrac. Le coût des travaux l’est tout autant. 43 M€, exclusivement financés par l’État, et 3 M€ d’études préalables payées par les régions Auvergne Rhône-Alpes et Occitanie et l’État à hauteur de 1 M€ chacun. « Un mode de financement tout à fait exceptionnel en France », précise Philippe Delort, le maire de Saint-Flour, à l’issue d’une réunion d’information en sous-préfecture de Saint-Flour, à l’initiative de SNCF Réseau.Photo Jeremie Fulleringer.
L’objectif?? Renouveler les traverses et remplacer les rails dits à double champignon, qui datent de 1932, le long de 26 km sur la portion de voie entre Andelat et Loubaresse, offrant ainsi à la ligne Neussargues-Saint-Chély-d’Apcher une cure de jouvence, devenue urgente pour maintenir la ligne ouverte et la pérenniser. Ce sera donc chose faite à la fin des travaux, le 1er novembre prochain. Et pour quarante ans?!
Si cette opération de grande ampleur est donc bel et bien lancée, elle a longtemps joué l’arlésienne. Car bien que SNCF Réseau annonçait devoir fermer définitivement la ligne le 31 décembre 2023, pour des raisons de sécurité, les régions Aura et Occitanie refusaient, elles, de mettre la main à la poche arguant que « l’infrastructure ferroviaire est une compétence de l’État ». État qui a finalement accepté de débloquer les fonds.
En quoi consistent les travaux??
55 kilomètres de rails, 40.000 tonnes de ballast, 46.000 traverses et deux aiguillages seront entièrement remplacés. Des travaux en amont et en aval de la portion de 26 km seront aussi réalisés : sur les quais de Talizat, Saint-Flour, Ruynes-en-Margeride et Loubaresse, sur 8 passages à niveau et sur quatre ouvrages.55 kilomètres de rails, 40.000 tonnes de ballast, 46.000 traverses et deux aiguillages seront entièrement remplacés. Photo Jérémie Fulleringer.
Si les travaux débuteront réellement lundi 4 mars, le chantier est déjà en cours d’installation depuis la fin de l’année, avec l’aménagement indispensable de quatre bases logistiques à Talizat, Ruynes et Loubaresse, et une à Saint-Flour qui accueillera également la base de vie principale du chantier dans le bâtiment des voyageurs de la gare. Le tout sous la houlette de Nicolas Majcherczyk, responsable maîtrise d’ouvrage chez SNCF Réseau, qui insiste par ailleurs sur « la démarche éco-responsable du programme, via la réutilisation de matières in situ, la valorisation des matériaux en filières agréées, et le traitement des déchets. Environ 30 % du ballast sera réutilisé, l’acier sera recyclé par refonte, les traverses de bois seront traitées pour une valorisation énergétique… ».
Quel impact sur le trafic??
Ainsi, pendant huit mois, « la ligne sera fermée », déclare Nicolas Majcherczyk, avec une « interruption totale des circulations entre Neussargues et Loubaresse, et donc Saint-Chély ». Mais SNCF Voyageurs, en concertation avec les autorités organisatrices, va adapter son plan de transport, avec des bus pour les usagers et la mise en place d’un FERCAM (transbordement camion-train) à Arvant (Haute-Loire) pour la desserte de l’usine ArcelorMittal.
La ligne Aubrac (Cantal), reconnue train d’équilibre du territoire
Les huit passages à niveau qui seront rénovés engendreront, eux aussi, des fermetures temporaires, « variables selon les zones », précise Nicolas Majcherczyk, « et des déviations routières seront proposées en concertation avec les collectivités ».
Quelles nuisances??
Aussi bien préparé en amont qu’il soit, le chantier aura inévitablement un impact sur les riverains des zones concernées par les travaux, notamment au niveau sonore dû aux engins de chantier et aux trains travaux. « Mais il restera limité dans le temps avec un avancement linéaire et la réalisation des travaux en journée », assure le responsable de la maîtrise d’ouvrage.Photo Jeremie Fulleringer. Le chantier qui débutera par le nord de la zone, sera approvisionné en matières premières et matériaux via des camions, dont le nombre est estimé à cinq par jour depuis janvier et jusqu’à début mars, puis à 20 quotidiens jusqu’à mi-juin.
Si le chantier a été confié à l’entreprise Unifer, spécialisée dans les travaux ferroviaires, elle fera, elle, appel à de nombreux partenaires, dont notamment la société locale de travaux publics Roger Martin.
À l’inverse, ce programme aura de forts atouts avec « des retombées économiques directes pour le territoire », se satisfait Philippe Delort. Car la présence d’une centaine d’agents issus des entreprises intervenantes, mobilisés sur le chantier pendant près d’un an, générera des revenus supplémentaires aux propriétaires de logements, restaurateurs et autres commerces de proximité. « Une manne pour l’activité économique locale non négligeable », insiste SNCF Réseau. « Et puis ça va permettre de maintenir la ligne ouverte. Ce sont donc de très très bonnes nouvelles », ajoute le maire de Saint-Flour qui voit là « l’un des plus gros chantiers sur le secteur depuis l’autoroute », qui, qui plus est, « va dans le sens de l’histoire pour décarboner ».
Quelle ambition?? Cette opération inédite a un double objectif, tant pour la desserte interrégionale que pour la partie Auvergne Rhônes-Alpes. Car si l’offre ferroviaire entre Clermont et Béziers sera ainsi maintenue, la ligne de l’Aubrac sera, elle, « pérennisée sur quarante ans sur les zones traitées », assure Nicolas Majcherczyk. Et la vitesse des trains entre Andelat et Loubaresse, limitée actuellement à 55 km/h, pourra être revue à la hausse pour atteindre les 75 km/h.
VictoireLe viaduc de Garabit nécessite, selon Amiga, une remise en peinture urgente. Photo Francis Campagnoni. L’association des Amis du viaduc de Garabit, mobilisée aux côtés du comité pluraliste, affichent une grande satisfaction, mais n'en oublie pas son cheval de bataille : la remise en peinture du viaduc de Garabit, dont la dernière remonte à 1998.
« La ligne Aubrac n’est plus menacée de fermeture et les travaux qui vont débuter sont un gros investissement. Cette fois-ci, ce n’est pas du rafistolage ».
Jacky Tello, le président du comité pluraliste, savoure, lui aussi, la victoire, et salue « le caractère inédit de l’opération » que SNCF réseau vient enfin de lancer pour réhabiliter les 25 kilomètres de voie ferrée entre Andelat et Loubaresse. Un programme inédit à double titre « car ce sont des travaux d’ampleur, jamais réalisés sur la ligne depuis plus de vingt ans et parce qu’ils sont pris en charge par l’État ».
« C’est une chance historique pour ArcelorMittal, qui permet d’assurer la continuité ferroviaire entre le Midi et le nord et un confort supplémentaire pour les voyageurs ».
Mais le combat n'est pas terminé. Amiga reste mobilisée et en veille, « et surtout force de proposition pour développer l’offre des voyageurs ». « Et puis, insiste Antoine Levesque, il restera encore des sections à double champignon vers Saint-Chély-d’Apcher qu’il faudra traiter. » Le comité pluraliste milite, lui, désormais pour la continuité électrique de la ligne.
Isabelle Barnérias