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Que vaut “Daaaaaalí !”, drôle d’anti-biopic signé Quentin Dupieux ?

Une jeune pharmacienne (Anaïs Demoustier, toujours épatante, désormais sociétaire indiscutable de la Comédie-Dupieux), face caméra, nous explique qu’elle a décroché son caducée et décidé de devenir journaliste. Nous sommes sans doute dans les années 1970, et elle attend justement le grand Salvador Dalí (Édouard Baer, comme chez lui dans le personnage), dans la suite d’un palace, afin de l’interviewer. Le maître catalan finit par arriver (gag hilarant du couloir sans fin – peut-être inspiré par une scène de La Cité de la peur) mais refuse l’interview, car elle n’est pas filmée. Ce n’est que la première étape d’une entrevue ratée qui ne cessera d’être repoussée pour des raisons diverses, farfelues et variées. Dalí est joué (un peu comme Bob Dylan dans I’m Not There de Todd Haynes) par plusieurs acteurs : Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Gilles Lellouche, Didier Flamand (émouvant en Dalí vieux).

Le plus surprenant, dans ce Daaaaaalí !, c’est qu’il n’évoque l’univers de Salvador Dalí que de manière assez superficielle (Dalí peignant Dalí de dos peignant Gala vue de dos éternisée par six cornées virtuelles provisoirement réfléchies par six vrais miroirs, un œuf, etc.), ou drôle (des rêves mis en abyme, des paysans au corps grotesquement déformé, comme dans un tableau de Dalí, posant pour lui au milieu d’un paysage désertique).

Pour les cinéphiles, le film rappelle bien davantage la seconde période française, celle des années 1960-1970, de l’œuvre de Luis Buñuel (La Voie lactée, Le Charme discret de la bourgeoisie, Le Fantôme de la liberté), dont, comme chacun·e sait, Dalí fut un ami de jeunesse avant une rupture violente et définitive dans les années 1940. Le thème même du film, l’empêchement (l’impossibilité répétée, pour Anaïs Demoustier, d’obtenir une interview), est éminemment buñuelien : d’Un chien andalou, son premier film, à Cet obscur objet du désir, son dernier, Buñuel a toujours mis en scène la frustration. Dans Le Charme…, précisément, des ami·es ne parviennent jamais à partager un repas ou une tasse de thé, constamment entravé·es pour des raisons extravagantes. L’évêque de Daaaaaalí ! rappelle l’évêque vengeur que jouait Julien Bertheau dans le même Charme

Comme dans Yannick, notamment, Dupieux s’intéresse à ce qu’est un artiste. Dalí le dit : “Ma peinture ne m’intéresse pas, c’est Dalí qui m’intéresse.” La plus belle œuvre de Dalí, c’est sa vie, son sens de la provocation, sa mégalomanie, son excentricité, son amour de l’argent, ses caprices (Dupieux n’aborde pas ses amitiés franquistes…). Une maquilleuse de cinéma se laisse peloter par lui pendant qu’elle travaille, “parce qu’il est un artiste”, car un artiste, avant MeToo, se permettait impunément ce type d’agissements. Dalí est une figure de la commedia dell’arte, de la comédie humaine. Il n’est pas forcément un grand peintre, mais il est pour Dupieux un personnage, un inoubliable Polichinelle. Une figure du passé.

 

Daaaaaalí ! de Quentin Dupieux, avec Anaïs Demoustier, Édouard Baer, Jonathan Cohen, Romain Duris (Fr., 2023, 1 h 17). En salle le 7 février.

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