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Paris vaut mieux qu’un coup de comm’

En ne mobilisant que 3 % des inscrits en faveur de sa mesure, le score de 54,5 % n’a rien d’un plébiscite. Anne Hidalgo doit admettre son échec.

Une fois de plus, Anne Hidalgo a transformé deux bonnes idées en un échec cinglant. Les Parisiens expriment depuis longtemps leur souhait d’être écoutés par leurs élus sur des enjeux locaux au cours du long mandat municipal de six ans. C’est particulièrement vrai pour les enjeux de densification et de mobilité qui sont au cœur du dynamisme d’une ville comme le rappelle Alain Bertaud, urbaniste de renommée mondiale et directeur de recherche à l’Université de New York. Il n’était a priori pas absurde de solliciter les Parisiens sur ces sujets.

La consultation sur le coût du stationnement des véhicules lourds a pourtant fait un flop avec 78 000 votes sur 1,3 million d’inscrits, soit 30 % de suffrages exprimés en moins que pour la consultation sur les trottinettes. 42 415 voix en faveur de la proposition, c’est presque deux fois plus de bulletins que pour Anne Hidalgo à la présidentielle. Ce nombre de votes reste néanmoins ridicule à l’échelle de la capitale. Chaque bulletin dans l’urne a coûté plus de cinq euros au contribuable parisien dans ce scrutin à 400 000 euros.

Rappelons-nous que cette idée de consultation est sortie du chapeau municipal en pleine tempête du Tahiti Gate. Malgré la tragédie du 7 octobre libérant une vague effrayante d’actes antisémites à Paris, la maire de Paris était partie en Afrique, puis en catimini à l’autre bout du monde, le tout pour quasiment quatre semaines (du 11 octobre au 6 novembre). Son service de comm’ avait tenté de maquiller son absence par la reprise d’une vieille vidéo sur les berges. Il avait ensuite déroulé des justifications confuses, variant les versions au fil de révélations sur cette odyssée à six pour un coût de 60 000 euros se terminant par des vacances familiales pour la maire. Il est probable que la formulation de la question a été improvisée dans l’urgence sur un coin de table pour détourner de toute urgence l’attention des médias.

La mairie n’avait évidemment pas eu le temps de réaliser une étude d’impact préalable, ni de réfléchir à une proposition pertinente et conforme à la loi. Il fallait communiquer fort et vite. Les habitants se sont sentis floués par l’ineptie de la question. Dans le viseur se trouvait le poids des véhicules (ce qui semble illégal, au passage) et pas du tout les émissions de CO2 ou les seuls SUV, comme annoncé. Le surcoût punitif prévu, jusqu’à 225 euros de stationnement pour six heures, visait aussi les véhicules hybrides et électriques. Le débat, réduit à quelques semaines d’échanges sur les réseaux sociaux et son lot d’intox, a tout de même révélé que la mesure allait faire mal aux familles possédant ces fameux véhicules disposant de cinq, six ou sept sièges, souvent lourds (monospaces ou SUV).

La gauche espérait réactiver la lutte des classes en opposant les riches aux classes populaires, et ajouter une dimension d’écologie punitive également clivante. Elle a très partiellement atteint son but en soulignant l’opposition entre l’ouest parisien majoritairement opposé, et l’est favorable à ce triplement tarifaire. Mais en ne mobilisant que 3 % des inscrits en faveur de sa mesure, le score de 54,5 % n’a rien d’un plébiscite. Anne Hidalgo doit admettre qu’elle s’est plantée.

Après avoir ignoré le résultat de sa consultation du 17 avril au 28 mai 2023 sur la fermeture d’une voie du périph’ qui avait révélé 85 % d’opposition, elle gâche une fois de plus un bel outil de démocratie directe. L’enjeu de la mobilité méritait mieux qu’une mesure gadget pour un simple coup de communication.

Nous sommes plusieurs à réfléchir à l’instauration d’un outil de vote en ligne pour consulter les Parisiens. Des questions claires concernant Paris et les arrondissements pourraient ainsi être adressées régulièrement aux habitants inscrits sur les listes électorales. Un tel cadre devrait laisser le temps nécessaire au débat entre la question posée et le vote afin que chacun puisse écouter les différents arguments et creuser le sujet pour se constituer une opinion.

La Suisse pourrait nous aider dans la mise en place d’un tel outil de démocratie directe en complément de la démocratie représentative municipale. Le taux de participation à ses votations oscille entre 40 et 60 % selon l’intérêt des sujets soumis à l’appréciation des électeurs.

Cet outil nous semble important pour affiner la politique parisienne de circulation qui nous préoccupe tant. Les habitants sont nombreux à souhaiter une réduction de la place de la voiture, mais tous souffrent des désagréments dus au chaos découlant du dogmatisme de la mairie de Paris et de ses plans infernaux de circulation. Les aspirations contradictoires deviennent explosives par le stress général qu’elles génèrent, par leurs conséquences sur l’activité sociale et économique de la capitale. Des consultations seront probablement nécessaires pour détricoter ces injonctions contradictoires et élaborer un plan de mobilité d’ensemble avant de le dérouler en fonction des exigences dominantes quartier par quartier. Axes circulants, quartiers protégés, rues piétonnisées pour préserver un marché alimentaire ou une école, stationnement en surface articulé avec celui des parkings souterrains, les aspects liés à traiter ensemble sont nombreux.

Bref, l’enjeu de la mobilité ne peut se réduire à des mesures gadgets promises au rejet par la justice administrative, d’autant que le dogmatisme et l’improvisation font très mauvais ménage. L’absence de vision d’ensemble, d’évaluation et de concertation mène la capitale et la petite couronne à la catastrophe. Le seul espoir est de changer de trajectoire aux prochaines municipales en 2026.

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