World News in French

Dans la Creuse, ce nouveau maire siège là où il suivait ses cours d'écolier

Dans la Creuse, ce nouveau maire siège là où il suivait ses cours d'écolier

Il ne voulait pas être calife à la place du calife mais… Secouée par plusieurs démissions successives, la commune du Moutier d’Ahun en a décidé autrement. Rencontre avec Guy Cathelot, élu depuis six mois. Dans la salle du conseil municipal, il n’a pas oublié l’enfant du pays qui avait classe ici.

Le fils de paysans n’a pas oublié d’où il venait. Et sait encore aujourd’hui tout ce qu’il doit à l’école républicaine : « C’était ma salle de classe, ici, dit-il, assis dans la salle de son conseil municipal. La classe des grands. » Élu maire depuis six mois dans la petite commune du Moutier d’Ahun, Guy Cathelot n’envisageait sans doute pas enfant, né dans un hameau du village en juillet 1954, enfiler un jour l’écharpe qu’avait portée son grand-père. Mais « les racines sont là », répète-t-il. Avec, toujours en tête, le souvenir bien vivace de ces instituteurs qui lui ont ouvert la voie. « Monsieur et madame Martin, je ne les remercierai jamais assez. Ce sont eux qui ont dit à mes parents qu’il fallait que j’aille au lycée. Et c’est sur leurs conseils que j’ai choisi allemand en langue vivante : on n’était pas nombreux. »

Une carrière professionnelle grisante mais trop prenante

Sa Creuse, il ne l’a quittée qu’au moment d’entamer ses études supérieures dans une fac d’allemand à Limoges. « Je pouvais devenir soit enseignant, soit passer des concours administratifs. Enseignant, à l’époque, il n’y avait pas beaucoup de places et puis, je voulais un métier qui ne soit pas trop sédentaire. Alors j’ai passé le concours d’inspecteur de police. »

Sa première affectation le conduit en banlieue parisienne. « J’ai découvert la police et la vie, moi qui arrivais de la Creuse. C’était souvent le bureau des pleurs mais je voyais bien que ce n’était pas pour moi. Et c’est l’allemand qui m’a sauvé. Au début des années 80, il y avait beaucoup d’attentats sur Paris mais aussi en Allemagne. Action directe, la bande à Baader… Les effectifs ont été renforcés et, de par ma connaissance de l’allemand, j’ai été muté à la Direction centrale de la police judiciaire. Ma vie professionnelle a complètement basculé. Place Beauvau, j’ai pratiqué l’allemand au quotidien ! D’ailleurs, j’ai toujours dit aux jeunes collègues : “Ne négligez pas les langues”. »Le service est prenant. Très. Trop pour le père de famille ?

"En fonction de l’évènement, surtout pour du terrorisme, on pouvait se retrouver en Outremer, à l’étranger, en commissions rogatoires internationales. On est toujours sur le qui-vive. Il faut que les époux et épouses soient de bonne composition ! C’était grisant, oui, mais pour la vie de famille, il a fallu faire des choix."

L’opportunité d’un poste le rapproche de sa Creuse : à Limoges, il intègre le SRPJ puis la brigade criminelle. Chassez le passé… il se rappelle à vous : à l’époque, le Limousin est la base arrière de l’ETA ! « À Limoges, j’ai eu aussi la chance de partir en mission de police judiciaire pour faire des interpellations en Allemagne, en Autriche. J’ai toujours continué ma formation en allemand. »

Et toujours ce lien maintenu avec la Creuse

Pendant ce temps, l’homme n’était jamais complètement éloigné de ses terres natales. « Je n’ai jamais coupé, j’avais gardé la maison de famille et, en bon paysan dans l’âme, je faisais le bois, les légumes en plein champ. »La retraite, en 2009, lui permet de revenir encore plus souvent. Et son attachement au pays fait que, quand on vient le chercher pour compléter une liste aux municipales, il ne refuse pas. Sans avoir eu jamais l’envie « de devenir calife à la place du calife. J’ai intégré le conseil avec beaucoup de retenue. Et puis, la République, j’avais donné », dit-il en souriant. Sauf que, au Moutier d’Ahun, les démissions de maires s’enchaînent. Celles des conseillers aussi.

"En juin, on n’était plus que six conseillers, la Chambre régionale des comptes avait pris la main. Et il a fallu désigner un maire par intérim en attendant les élections. C’est là que j’ai été élu. J’ai assumé."

Un intérim de trois mois, « seul, sans adjoint. L’agent technique et la secrétaire avaient aussi démissionné. Ce qui m’a permis de tenir, c’est qu’Isabelle Depeige, l’ancienne maire, était restée au conseil. Elle m’a beaucoup épaulé. Sans elle, je n’en serais pas là ».

Moutier-d'Ahun : Guy Cathelot désigné maire intérimaire

L’intérim s’achève en septembre… pour se prolonger sur un CDD. « Au moment des élections, pour mes collègues, c’était évident que je continue. Alors, j’ai fait comme dans ma carrière : j’ai fait face. Être au service de gens, régler les problèmes, je suis un peu formaté pour ça. Et puis, Isabelle Depeige est devenue ma première adjointe. Je suis entouré par une bonne équipe, on a deux jeunes : je voudrais préparer la relève. »

De précieux soutiens pour celui qui s’est employé à remettre la commune en ordre de marche dans la sérénité.

"On a retrouvé un employé communal, c’est le bonheur. Et on a une nouvelle secrétaire que l’on partage avec une autre commune. Mon souci, c’est que la commune fonctionne correctement. On a ici une vraie richesse culturelle, par exemple, que l’on doit préserver."

Alors, tout n’est pas tout rose, non et les journées sont bien remplies dans la mairie qui fait face à la célèbre église. « On a pléthore de réunions. Maire, ça prend de l’énergie et du temps. Moi qui suis un grand lecteur, passionné d’histoire et de géopolitique, je n’ai même plus le temps de lire. Mais bon, je suis là jusqu’en 2026, je ne vais pas capituler en rase campagne ! Et puis, c’est ma commune, mes racines. De voir le travail qui se fait, que ce n’est pas que des discussions, ce qui se concrétise. Et je vis ici de vrais moments d’émotion comme quand je signe sous la signature de mon grand-père qui a été maire ici. Rien que ça, ça justifie. » 

Séverine Perrier

Читайте на 123ru.net