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Droit du sol à Mayotte : entre le gouvernement et LR, la possibilité d’un deal

Entre eux, trop de cadavres dans le placard. Trop de trahisons ou d’accords violés. Les relations entre le gouvernement et Les Républicains (LR) sont marquées du sceau de la défiance depuis les élections législatives. L’exécutif doute de cet insaisissable partenaire. La droite se sent maltraitée par un pouvoir qui souhaite sa mort. La révision constitutionnelle pour supprimer le droit du sol à Mayotte ravive ces sentiments. Le Premier ministre Gabriel Attal a défendu ce mardi 13 février une réforme "nécessaire" et "attendue par les Mahorais", confrontés à une immigration irrégulière massive. Voilà les deux rivaux contraints de danser un nouveau tango. Et si, cette fois, personne ne marchait sur le pied de l’autre ?

Pour supprimer le droit du sol à Mayotte, l’exécutif fait le choix d’une révision de la loi fondamentale. Ce droit a certes été aménagé dans l’île par la loi Collomb de 2018. Le gouvernement craint toutefois que le Conseil constitutionnel ne censure une révocation totale du droit au nom du principe d’indivisibilité de la République. Autant ne pas prendre de risques. L’Assemblée nationale et le Sénat devront voter le texte dans les mêmes termes, avant son adoption par une majorité des 3/5 des parlementaires réunis en Congrès. L’Elysée privilégie la présentation d’un projet de loi constitutionnel dédié à Mayotte, alors que d’autres révisions (IVG, Nouvelle-Calédonie, Corse) sont sur les rails. "Ce sera un Congrès différent pour chaque modification", assure le patron du groupe Renaissance Sylvain Maillard.

"Ça ouvre un acte II de la loi immigration"

La droite réclame cette mesure depuis plusieurs années. François Baroin, alors ministre de l’Outre-mer, l’envisageait dès 2005. Son successeur Christian Estrosi avait esquissé en 2008 une réforme similaire, sans donner suite. La droite est condamnée à la cohérence. Mais elle se montre gourmande en affaires et défendra d’autres propositions constitutionnelles lors des débats parlementaires. Le parti, humilié par la censure partielle de sa loi immigration, souhaite prendre sa revanche. S’offrir une tribune politique… et jouer avec les nerfs de la majorité. "Pourquoi limiter la limitation du droit du sol à Mayotte et pas au territoire national ?, note Eric Ciotti. Il faut aller sur d’autres sujets qui privent notre pays de sa capacité à choisir qui il accueille." Une pluie d’amendements est attendue. "Ça ouvre un acte II de la loi immigration", décrypte un député Renaissance.

Ces initiatives sont vouées à l’échec, faute de majorité à l’Assemblée. La droite pourrait-elle alors faire capoter la révision constitutionnelle ? La direction se montre d’un coup moins diserte. Interrogé par L’Express, le patron des députés LR Olivier Marleix a esquivé cette question lors d’un point presse. "On verra bien…", élude Eric Ciotti dans un sourire. Il serait dommage de jouer au poker les cartes retournées.

"Besoin d’explication"

A droite, personne n’imagine en réalité un tel scénario. Le groupe LR défend cette mesure et compte dans ses rangs le député de Mayotte Mansour Kamardine. La droite serait la première victime d’un coup politique monté sur le dos de Mayotte. "On ne va pas s’amuser à faire du chantage sur la situation mahoraise, prévient le député du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont. On n’est pas sur de la négociation, mais sur de l’urgence." "Ce serait difficile de voter contre", ajoute l’élu du Lot Aurélien Pradié, qui s’est rendu à Mayotte en septembre. La numéro 3 de LR Annie Genevard l’admet : "Ce qu’ils vivent est si grave qu’il faut aboutir." L’examen du texte au Sénat n’est enfin pas un Everest politique. LR n’y dispose pas de la majorité absolue et aura du mal à faire adopter d’autres dispositions migratoires avec son allié centriste.

Le terrain semble dégagé. Mais gare aux cailloux qui traînent. Le droit du sol s’est invité ce mardi au menu de la réunion de groupe des députés Renaissance. Plusieurs députés, comme Sacha Houlié ou Astrid Panosyan-Bouvet, se sont étonnés de l’annonce de cette révision par Gérald Darmanin. La loi immigration a fracturé la majorité, inutile de rééditer l’expérience.

Le patron du groupe Sylvain Maillard souhaite ainsi un temps d’échange avec le ministre de l’Intérieur. "Il y a besoin d’une explication, confie-t-il. Nous voulons être sûrs que cette révision soit efficace. On a déjà restreint le droit du sol à Mayotte, cela n’a rien changé. Il n’y aurait rien de pire de faire une révision et que les Mahorais se disent que rien n’a changé." L’élu parisien prend soin de désidéologiser le débat et de jouer la carte du pragmatisme sur un sujet passionnel. Un député Renaissance analyse : "Certains se disent qu’on aurait pu en discuter avant que cela sorte comme ça. Mais je n’anticipe pas de grosse difficulté à ce stade au sein de la majorité." Les mots sont pesés. Quand il s’agit d’immigration, il ne faut jurer de rien.

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