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Le "G7 cancer", cette coalition de la dernière chance pour les enfants atteints de tumeurs

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C’est toujours le "pourquoi" qui vient en premier. "Pourquoi moi". "Pourquoi lui". "Ne dit-on pas que le cancer et ses ignobles boursouflures sont des maladies de l’âge ?" "Pourquoi mon enfant a-t-il alors ces vilaines bosses en lui ?" Face à ces questions, les premières à jaillir de la bouche des patients et de leurs parents, une fois le choc du diagnostic passé, Véronique Minard-Colin, oncologue à Gustave Roussy, reste bien souvent sans voix.

Car, dans la plupart des cas, les médecins ne savent pas d’où viennent les tumeurs malignes qui touchent chaque année 2 300 enfants et adolescents en France. Rien, pas l’ombre d’une idée. Un poids pour les malades. La faute à la rareté de ces cancers, beaucoup moins nombreux chez les petits. La maladie, que l’on découvre chez plus de 433 000 adultes par an, prend du temps à sévir, ce qui réduit les risques de la déclencher à un jeune âge.

Un partenariat franco-américain

Difficile de conclure, quand on ne recense parfois qu’une trentaine de cas. Avec des nombres aussi petits, les calculs des scientifiques sont faussés. Impossible de vérifier ses hypothèses. Un piège, dans lequel tombent régulièrement certains médias qui voient des épidémies là où il n’y en a pas. Lorsque l’on passe de 8 à 16 occurrences, par exemple, on double, il est vrai, sans pour autant pouvoir dire que les cas sont nombreux.

Pour lever ces inconnues, alors que la plupart des cancers de l’adulte peuvent être mieux étudiés, l’INCa (Institut national du Cancer) travaille depuis plusieurs mois à mettre en place une coalition. L’idée : mettre en commun les données, les équipements et les savoir-faires et ainsi améliorer la surveillance et les traitements. Une urgence, car si ces pathologies sont rares, elles représentent la première cause de mortalité liée à une maladie à cet âge.

Signe que ces efforts commencent à payer, ce jeudi, l’institution française a officialisé un partenariat avec son homologue américain, le National Cancer Institut. L’aboutissement d’âpres négociations, dont une bonne partie d’entre elles ont été menées à l’occasion de la "conférence de Paris". Elle a eu lieu en novembre dernier, en présence des principaux oncologues internationaux.

L’autre conférence de Paris

A l’instar de la conférence de Paris sur le climat, cet événement a été l’occasion de se mettre d’accord sur une feuille de route scientifique et de faire un état des lieux des besoins. L’annonce de ce jeudi fait ainsi office de lancement. Cette œuvre de coopération internationale inédite est pour le moment centrée sur les pays les plus en pointe, le "G7 Cancer" - France, Australie, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, Japon, États-Unis.

Une victoire pour les enfants malades, s’est ainsi félicité le gouvernement américain, en marge de l’accord. "Je suis convaincu que ce partenariat apportera des avancées majeures", a déclaré dans un communiqué Xavier Becerra, secrétaire à la santé. "C’est enfin l’occasion de mettre en place un partage systématique des connaissances, et d’aller bien plus loin que les initiatives locales déjà à l’œuvre", ajoute pour L’Express Thierry Breton, directeur général de l’INCa.

Dans les prochains mois, des tests centrés sur des cas particuliers devraient être lancés pour identifier ce qui marche et ce qui bloque. Nomenclature, mutualisation des outils et des méthodologies, les difficultés sont encore nombreuses. "On a passé les deux dernières années à synchroniser nos langages scientifiques avec les Américains", précise Véronique Minard-Colin, également conseillère scientifique sur le projet.

Parler la même langue

En fonction du vocabulaire utilisé, il est parfois difficile de faire converger les données. "Si on parle par exemple de sarcome de la joue, au lieu de l’hémiface, on peut penser qu’il s’agit de deux tumeurs différentes, alors qu’en réalité, c’est la même chose", illustre la chercheuse, également présidente de vice-présidente de la Société française des cancers de l’enfant (SFCE). Il faudra aussi se mettre d’accord sur les interprétations des résultats : tout le monde n’a pas les mêmes seuils.

Une initiative bien plus politique qu’il n’y paraît, alors que la coopération scientifique est de plus en plus menacée, en raison du regain de tension géopolitique : "Il faut s’assurer d’une confiance mutuelle, de la transparence et de la réciprocité de chaque participant", détaille Véronique Minard-Colin. Ne pas empiéter sur les domaines d’expertise, les prés carrés scientifiques de chaque pays, de chaque équipe. Ne pas froisser ceux qui pour l’instant ne participent pas.

Tenir les vautours à distance, aussi : "Depuis environ cinq ans, nous sommes régulièrement approchés par la Chine, qui voudrait qu’on leur apporte notre expertise, mais qui n’a jamais partagé ses éléments", remarque la spécialiste. Éviter les pièges réglementaires, surtout : "Pendant plus de trois ans, il nous a par exemple été impossible de partager avec les Etats-Unis, en raison de différences sur le RGPD", précise Thierry Breton.

Après les données, le porte-monnaie

Les scientifiques espèrent faire avancer la recherche, alors qu’encore 20 % des cancers pédiatriques n’ont pas de traitement. "L’objectif, c’est guérir plus, et guérir mieux, complète Véronique Minard-Colin. Les enfants gardent souvent des séquelles à vie, à cause de la maladie, et aussi des traitements, très toxiques pour certains." A terme, les institutions du G7 cancer veulent également que la coopération internationale s’ouvre aux autres enjeux du secteur.

Car si de plus en plus de cancers sont guéris, environ 80 % désormais, il reste désormais à s’attaquer aux plus difficiles. La médecine oncologique se complexifie et se personnalise, ce qui demande des investissements qui dépassent bien souvent les portefeuilles nationaux. "On parle de programmes de recherches à plusieurs dizaines de millions d’euros, contre quelques centaines de milliers auparavant", précise Thierry Breton. Après les données, le porte-monnaie.

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