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Congés payés acquis pendant un arrêt maladie : le gouvernement sous pression

Congés payés acquis pendant un arrêt maladie : le gouvernement sous pression

Olivier Dussopt, l’ancien ministre du Travail, se souvient très bien lorsqu’il a, pour la première fois, entendu parler de l’épineuse problématique des congés payés acquis pendant un arrêt maladie. Ce n’était pas le 13 septembre 2023, lorsque la Cour de cassation a rendu un arrêt retentissant sur la question, mais quelques semaines plus tôt, au mois d’août. "La Cour d’appel administrative de Versailles avait alors donné raison à des salariés sur un litige de la même nature", se souvient l’ex-locataire de la rue de Grenelle.

D’après le Code du travail, un employé d’une entreprise arrêté en raison d’une maladie non-professionnelle n’acquiert pas de congés payés pendant son absence. Une disposition qui va à l’encontre de la directive européenne sur le temps de travail de 2003 et de la Charte européenne des droits fondamentaux de 2009, que la France n’a jamais entièrement respectées.

En septembre dernier, la plus haute juridiction française a ainsi donné un coup de pied dans la fourmilière en reconnaissant que le Code du travail était contraire à la législation européenne sur ce point, ouvrant même la voie à une rétroactivité. Panique chez les chefs d’entreprise. Le gouvernement prend conscience de l’urgence à agir pour modifier la loi tout en essayant de limiter la casse. Encore fallait-il attendre la réponse du Conseil constitutionnel du 8 février dernier à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le sujet déposée par une salariée du privé. Les Sages ont finalement estimé que les articles L3141-3 et L3141-5 du Code du travail, relatifs aux règles d’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie, n’étaient pas inconstitutionnels. "Ce récent positionnement ne change strictement rien. Ils renvoient la balle au législateur en lui signifiant qu’il faut désormais agir", juge un fin connaisseur du dossier.

Un projet de loi pas si avancé que cela ?

Les équipes de la nouvelle ministre du Travail, Catherine Vautrin, ont désormais la main. "J’avais souhaité que l’examen du projet de loi soit inscrit à l’agenda de l’Assemblée un peu plus tard pour que la décision du Conseil constitutionnel puisse éventuellement être intégrée afin de faciliter une transposition", explique aujourd’hui Olivier Dussopt. Mais qu’en est-il de l’avancée du projet ? Du côté de Matignon, on promet que les conclusions de l’institution présidée par Laurent Fabius "étaient attendues" et "ne remettent pas en cause l’intention de transposition qui sera examinée au printemps, dans un calendrier que la ministre précisera prochainement aux partenaires sociaux".

Le flou règne cependant sur les intentions gouvernementales en la matière. "La direction générale du travail planchait sur le sujet de manière assez sérieuse ces derniers mois, mais à mon avis, ils n’ont pas encore défini clairement leur position", estime l’ancien membre d’un cabinet ministériel. "Cela ne m’étonnerait pas qu’ils soient surpris de la décision du Conseil constitutionnel. Du côté de l’exécutif, il y avait une conviction qu’il invaliderait les deux articles visés. C’est dans cet esprit-là que ce projet de réforme avait été préparé", assure de son côté Bruno Serizay, associé au cabinet Capstan et spécialiste du droit social. C’est finalement une bonne nouvelle, le gouvernement aura ainsi la possibilité de faire en sorte que la nouvelle loi soit la moins pénalisante pour les entreprises.

Les organisations patronales dans l’attente

Plusieurs points majeurs restent à trancher. A commencer par la rétroactivité. Pourrait-elle courir jusqu’en 2009, soit sur près de 15 ans ? Le Conseil constitutionnel s’est bien gardé de donner des pistes au gouvernement. "Cette question suscite un gros stress chez nos adhérents", témoigne Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des indépendants et des très petites entreprises. Par ailleurs, selon la législation européenne, un salarié en arrêt maladie peut acquérir jusqu’à quatre semaines de congés payés. Les organisations patronales militent actuellement auprès du ministère pour que cette limite soit appliquée aux maladies non professionnelles, la France accordant cinq semaines maximum pour une maladie professionnelle ou un accident du travail. "Sur le contenu, le gouvernement laisse entendre qu’il irait sur une transposition a minima, pour régler les situations pour l’avenir", précise Maud Renaud, responsable du service juridique confédéral de la CFDT. A la Confédération des petites et moyennes entreprises, on réclame une compensation financière de la part de l’Etat. "On ne verrait pas pourquoi les patrons supporteraient seuls le coût de cette décision. Je rappelle qu’on parle ici d’un "non-travail" qui engendre des congés payés", pointe son président, François Asselin.

En attendant, l’Association nationale des DRH a pris les devants pour éviter les catastrophes. "Depuis la décision de la Cour de cassation, il y a une inconnue qui nous engage à dire à nos adhérents : provisionnez les congés en cours pour ne pas vous retrouver avec une charge financière supplémentaire", indique son vice-président Benoît Serre. Le Medef a par exemple chiffré entre 2,5 milliards et 3 milliards d’euros le coût annuel pour les entreprises d’un tel revirement. "Pour faire ses évaluations, il a utilisé une méthode tout à fait rationnelle en demandant à ses différentes fédérations de remonter les données tout en tenant compte des situations différentes, notamment des conventions collectives. Cela me paraît crédible", juge Bruno Serizay.

Olivier Dussopt avait pour sa part estimé la facture à 1,8 milliard d’euros, précisant néanmoins "qu’il s’agit d’une matière très fluctuante". Pour l’instant, le raz-de-marée dans les cours d’appel et dans les conseils de prud’hommes n’a pas eu lieu. "La CGT avait appelé un certain nombre de ses adhérents à lancer des grosses opérations dans les entreprises. Cela ne prend pas. C’est normal que cela inquiète, pour autant, à ce stade, je n’ai pas vu d’explosion des contentieux", assure le dirigeant d’une organisation patronale. Le législateur va dans tous les cas devoir réagir afin que tout le monde puisse y voir plus clair.

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