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Pionnier du jeans "made in France", l'Atelier Tuffery a eu une idée originale pour conquérir l'Auvergne

Pionnier du jeans

Manufacture familiale pionnière du denim en France, l’Atelier Tuffery va installer une boutique éphémère à Clermont-Ferrand, du mardi 20 au samedi 24 février. L’occasion de faire connaître le savoir-faire et les engagements environnementaux et sociaux portés par l’entreprise centenaire basée en Lozère.

En 1892, Célestin Tuffery a ouvert un atelier de confection à Florac, en Lozère, pour fabriquer des "bleus de travail, fonctionnels et robustes", ancêtres du jeans incontournable aujourd’hui.

Après la période faste des Trente Glorieuses où 40 couturières produisent plusieurs centaines de pièces par jour, le début des années 1980 marque un déclin historique de l’industrie textile en France. La maison familiale fait de la résistance et restera longtemps la dernière marque fabricante de jeans en France.

En 2016, Julien Tuffery et son épouse Myriam, tous deux ingénieurs, décident de relancer l’activité. Et l’aventure commence !

Après des études d’ingénieur, pourquoi ce changement de vie ?

J’ai pris beaucoup de plaisir à faire des études qui m’ont mené dans une école d’ingénieur où j’ai rencontré ma femme. Je me suis spécialisé dans l’industrie et le traitement des eaux et Myriam dans l’agroalimentaire et la qualité. Mais en 2012, avec la présidentielle, la réindustrialisation du pays et le "made in France" deviennent des sujets. On a réfléchi avec Myriam puis on s’est lancé. Avoir ce génial savoir-faire dans les années 2010 à Florac sans les réseaux sociaux, c’était un suicide économique pourtant, on y a vu des formidables solutions pour répondre aux défis d’avenir.

En 2016, l’entreprise familiale a été reprise par Julien Tuffery, l’arrière-arrière petit-fils de Célestin, et son épouse Myriam. Photo Atelier Tuffery

Rien ne vous prédestinait à reprendre l’entreprise familiale…

Si on revient en arrière, en l’an 2000, j’avais 14 ans et je faisais mes devoirs sur la table de couture de l’atelier de mon père. À l’époque, c’était le dernier atelier à faire des jeans en France. Personne ne parlait de "made in France", de mode responsable, d’artisanat local, de circuit court, d’empreinte écologique de la mode.

Le rêve de mon père, c’était que je ne fasse surtout pas son métier.

Après la troisième génération, cette pépite de savoir-faire de tailleurs confectionneurs de jeans devait naturellement disparaître. D’ailleurs, entre 1990 et 2010, 90 % des manufactures familiales du textile ont disparu. Il était inenvisageable d’imaginer une quatrième génération.

Tout ce qui a failli faire crever l’entreprise dans les années 2000 est exactement ce qui fait qu’aujourd’hui on brille : l’aberration de faire venir des containers de très loin, la nécessité de sourcer ses toiles localement, de faire peu mais bien, de réparer…

Comment êtes-vous passé d’un petit atelier de deux artisans à une entreprise de 36 salariés ?

On a racheté en 2016 et investi entre 3 et 4 millions d’euros pour structurer, sauvegarder et redévelopper le savoir-faire et la manufacture. Ce qui était un peu à contresens de la tendance des années 2015 où la plupart privilégiaient plutôt la pub Google que la manufacture. On a fait un pari fort malgré des coûts de revient stratosphériques par rapport à un jeans fabriqué à l’autre bout de la planète. Pour s’en sortir, la seule solution c’était que les mains qui fabriquent soient les mêmes que celles qui vendent.

Il faut deux heures environ pour faire un jeans. Photo Atelier Tuffery

Vous voulez dire sans intermédiaires…

La logique économique ne nous permet pas de mettre nos produits chez des revendeurs dont les marges sont trop importantes. Un jeans que je vends 100 € me coûte quasiment 70 € entre la toile et la façon. Chez un revendeur, le jeans que je vends 129 € serait facilement à 250 €.

Pour financer notre éthique de la mode avec le savoir-faire et les matières premières locales, on est obligé d’être malin et de miser sur la vente directe que ce soit à travers le digital, dans notre boutique expérientielle à Florac ou en développant des concepts comme les pop-up stores qu’on va lancer à Clermont.

Un jeans se compose de 15 à 17 pièces de tissu et 44 pièces avec tous les accessoires. Photo Atelier Tuffery

Justement, pourquoi commencer par Clermont-Ferrand ?

Pour répondre à de nombreuses demandes qu’on nous a faites sur le site internet et parce que Clermont est l’un des deux pôles d’attractivité de la Lozère avec Montpellier. C’est un test pour établir le contact, prendre la température et pourquoi pas revenir régulièrement.

L’Atelier Tuffery proposera l’intégralité de ses références (plus d’une centaine), du 20 au 24 février, au cœur du complexe Le Magnetic (Hôtel Aiden, 41 avenue de la République, à Clermont-Ferrand).

Vous avez fait le choix de rester à Florac, commune de quelque 2.000 habitants. Comment arrivez-vous à recruter ?

Quand on a pensé la reprise, on a misé sur un super lieu de travail manufacturier avec le bien-être au travail comme priorité et donc une attention particulière dans la beauté et la clarté des locaux, l’insonorisation, le chauffage. Il faut arrêter la version germinalesque du textile en France, aligner les salaires, que le cadre soit beau… Ici, on propose le diptyque incroyable d’un métier intéressant, qu’on fait de ses mains, dans une entreprise qui a du sens dans un lieu géographique sacrément inspirant. Oui, on est isolé mais est-ce que ce ne sera pas le luxe de demain.

Comment voyez-vous l’avenir du "made in France" en général et de Tuffery en particulier ?

Il y a de la place pour beaucoup mais attention, il faut le faire comme il faut, privilégier le lieu de fabrication plutôt que le compte Instagram même si les deux doivent marcher de pair. Le "made in France" ne doit pas être que de la communication.

En France, l’an dernier, 3 % de la mode achetée a été fabriquée en France. Le "made in France" reste émergeant.

Avec Myriam, on se voit comme des passeurs. Notre mission, c’est de développer la fabrication en gardant nos valeurs et de céder dans trente ans une entreprise à la pointe écologiquement, humainement et économiquement. On est engagé dans un marathon plus que dans un sprint.

3,9 M€ de chiffre d’affaires hors taxe de l’entreprise dont 65 % est assuré par la vente en ligne.40.000 produits ont été vendus l’an dernier.2.000 m2, c’est la surface de l’atelier-boutique ouvert en 2017 à Florac (Lozère).

Maud Turcan

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