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"-20 % sur le tarif réglementé", "prix fixes garantis sur 3 ans"... Comment les concurrents d'EDF électrisent le marché

Les particuliers clients d’EDF ont vu leur facture d’électricité grimper de près de 40 % en l’espace d’un an seulement. Un bond à rebours de la baisse des prix du marché, qui permet aux fournisseurs alternatifs de repasser à l’offensive. Et ils ne s’en privent pas…

La troisième lame est passée au début de ce mois de février. Après deux augmentations déjà significatives – 15 % en février 2023 et 10 % en août 2023 –, les quelque 20 millions de Français abonnés à EDF viennent d’encaisser une nouvelle hausse de 9,5 % en moyenne sur leur facture d’électricité.

L’explication est connue : le gouvernement poursuit la levée du « bouclier » qui avait mis ces mêmes consommateurs à l’abri d’une explosion des tarifs pendant la crise énergétique de 2021-2022. Et ce n’est pas fini, puisqu’une nouvelle marche, de l’ordre de 4 à 5 % supplémentaires, est annoncée début 2025.

Étape après étape, ce rattrapage progressif commence à peser sérieusement sur le portefeuille des ménages. D’après la plateforme Hello Watt, il faut ainsi débourser 2.270 € désormais pour un appartement « tout électrique » consommant 8.500 kWh/an, contre 1.657 € avant février 2023 (+650 €). Pour une maison « tout électrique » qui engloutit 14.000 kWh/an, la note est passée de 2.548 à 3.542 € (+1.027 €). Paradoxal et difficilement explicable, à première vue, alors que les prix du marché sont nettement orientés à la baisse…

Quand la protection devient fardeau

Cette distorsion s’explique par le mode de calcul très particulier du tarif réglementé de vente, fixé et ajusté par la Commission de régulation de l’énergie, qui s’impose – après validation du gouvernement – à l’opérateur historique.

« Historiquement, indique Sylvain Le Falher, directeur général et cofondateur de Hello Watt, ce prix se décomposait de la façon suivante : un tiers pour l’achat d’énergie, un tiers pour le réseau, un tiers pour les taxes. Depuis la crise, la part “énergie” est montée à 50 %. Or, sur ce poste, la Commission de régulation ne suit pas les prix du marché, mais un approvisionnement lissé sur les deux années écoulées. Cela crée donc un décalage avec les fluctuations en temps réel des cours. »

Quand ces derniers flambent, comme en 2021 et 2022, bonne nouvelle, les abonnés d’EDF sont préservés : l’augmentation des tarifs est lissée dans le temps, et donc plus supportable. Mais quand les courbes flanchent sensiblement, comme c’est le cas aujourd’hui, la protection devient vite un fardeau.

Retournement de situation

« Il y a deux ans, reprend Sylvain Le Falher, les concurrents n’étaient pas en mesure de s’aligner sur l’offre d’EDF. Le TRV était alors imbattable et l’opérateur historique voyait affluer les nouveaux clients. Nous avons désormais basculé dans la situation complètement inverse : à cause de ce même tarif réglementé, EDF affiche des prix trop élevés et n’est plus compétitif face à des fournisseurs qui sont capables, eux, de répercuter plus rapidement la baisse des cours. »

Dans ce paysage chamboulé, la contre-offensive des autres fournisseurs – ils sont une vingtaine à se partager le reste du gâteau – a débouché sur une féroce guerre des tarifs. Exemple : sur son site Internet, TotalEnergies, qui se présente comme « premier fournisseur alternatif » de l’Hexagone, avec « 5 millions de clients », promet « un prix du kWh en moyenne 17 % moins cher que le TRV ».

Photo Jeremie Fulleringer

Acteur de taille bien plus modeste, La Belle Energie affiche un alléchant « -20 % sur le prix de l’électricité hors taxes par rapport au TRV » et « des offres à prix fixes garantis de 1 à 3 ans ».

Octopus Energy (*) n’est pas en reste, avec la promesse d’« un kWh hors toutes taxes 15 % moins cher » (soit environ -12 % TTC) et d’« un prix garanti deux ans pour de l’énergie verte et française ».

« Une vraie opportunité »

« Nous procédons à des achats d’électricité à l’avance, par anticipation donc, pour avoir la certitude d’être tout le temps couverts et d’être en capacité d’approvisionner nos clients dans les mois et années à venir. La forte baisse des marchés nous profite forcément : tout en gardant une approche prudente, elle nous permet de proposer des prix très rattractifs aujourd’hui, mais aussi de nous engager à les maintenir au-delà », explique Lancelot d'Hauthuille, le directeur général d’Octopus Energy France.

Ce patron dit débourser aujourd’hui « entre 65 et 85 € » pour chaque nouveau mégawatt-heure. « C’est trois ou quatre fois moins qu’en 2022. Même si l’on n’est pas revenu au niveau d’avant-crise, avec des tarifs qui tournaient plutôt autour de 50-60 €/MWh, la chute est quand même très marquée. La tendance actuelle nous offre une vraie opportunité de marché, c’est certain. »

Dans ce contexte déjà favorable, les ambitions d’Octopus ont connu un sacré coup d’accélérateur : le fournisseur a remporté en octobre 2023 l’appel d’offres lancé par l’UFC-Que Chosir pour un achat groupé d’électricité. Bingo.

« C’est un challenge de croissance énorme pour nous, qui a supposé un très gros effort de recrutement. Nous sommes passés à 175 salariés en France afin d’absorber la demande », détaille Lancelot d'Hauthuille. L’impact espéré est bien au rendez-vous : en moins de cinq mois, Octopus Energy France a quasiment multiplié le nombre de ses abonnés par deux (de 130.000 à 250.000). Un vrai coup de jus.

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Stéphane Barnoin

(*) Créé en 2016, ce groupe britannique est aujourd’hui implanté dans de nombreux pays européens. En 2022, il a racheté le fournisseur Plüm Energie pour en faire sa branche française.

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