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Beyonce, Lana Del Rey, Lil Nas X : vers un retour en force de la country ?

Dimanche 11 février, c’était Super Bowl. Les Chiefs de Kansas City ont remporté le trophée de la National Football League (NFL) 25 à 22 après prolongations face aux 49ers de San Francisco. Mais, comme chaque année, le score importe peu. Le spectacle se joue toujours ailleurs : à la mi-temps, quand débarquent sur le terrain les artistes programmé·es pour faire le show (cette année Usher, Alicia Keys, Lil Jon, Ludacris, Jermaine Dupri, H.E.R.) ; dans les tribunes (l’attraction de cette finale aura été la star interstellaire Taylor Swift, venue soutenir son mec Travis Kelce, tight end chez les Chiefs) ; et à la télévision, où le gratin hollywoodien se presse dans des publicités pour des dizaines de millions de dollars.

L’instant réclame, c’est le moment choisi par Beyoncé pour annoncer la sortie d’un nouvel album le 29 mars prochain, intitulé Act II. Plutôt du genre country, l’album, si l’on en croit le chapeau de cow-boy, le teaser en forme de référence au film Paris, Texas (1984) de Wim Wenders et le banjo bluegrass du single Texas Hold ‘Em. L’artiste la plus populaire du XXIe siècle qui donne dans le genre musical le plus strictement populaire qui soit, quoi de plus normal ?

Retour de hype ?

Le secteur de la musique se tourne vers la musique country. Nous nous tournons vers la musique country”, avait par ailleurs asséné Lana Del Rey début février, au moment de notifier l’arrivée prochaine de son album d’obédience Americana à elle, Lasso, attendu en septembre. Rajoutez à cela le retour en état de grâce de la reine Dolly Parton, les réminiscences du Old Town Road de Lil Nas X et l’ambiance garçon de ranch de la dernière collection homme de Louis Vuitton, pilotée par le pote Pharrell Williams, vous obtiendrez un faisceau d’indices laissant entendre que 2024, année d’élection présidentielle américaine à haut risque, sera résolument western.

D’où cette question : la country est-elle de retour ? Pour cela, il faudrait qu’elle ait un jour foutu le camp. Parce que cette musique protéiforme, mais profondément ancrée, est partout, tout le temps, depuis un siècle. Aux États-Unis, bien sûr (essayez de trouver une station de radio qui ne passe pas de country la prochaine fois que vous entreprendrez le trajet Tallahassee-San Francisco en bagnole), mais aussi en France, dans les guinguettes du bord de Loire (une région où pullulent aussi les clubs de motards sur le modèle des Hells Angels), et même dans les faubourgs de Kinshasa, où, dans les années 1950, des jeunes gens rebelles ont importé la musique, le style vestimentaire et l’attitude de cow-boy, calqués sur la figure de Buffalo Bill.

Pour le meilleur…..et le pire

Dans Country (1977), son bouquin sur les gueules cassées du genre, oubliées ou inconnues au bataillon, le journaliste Nick Tosches se souvient de la sortie du Red Headed Stranger (1975) de Willie Nelson, un album qui va cartonner dans les charts et faire le crossover – comprendre, s’extirper d’un marché de niche pour atteindre un succès populaire : “Le chic redneck fit rage, écrivait-il déjà. Les saloons comme il faut de Manhattan grouillèrent de chapeaux à la noix, de Texans professionnels et de soi-disant vieux de la vieille dorés à point sous le soleil artificiel”. Les motifs stéréotypés as fuck exaltés par Beyoncé, Pharrell et les clubs de danse country en Indre-et-Loire, suscitent chez nous le même type de réflexion.

Que “le secteur de la musique se tourne vers la musique country”, comme le dit Lana, semble être une certitude : pour le meilleur (le carton récent de Zach Bryan, ancien marine à l’aura beat) et pour le pire (le succès de Jason Aldean, trumpiste revendiqué, aux messages conservateurs et bas du front). Mais ce boom, qui raconte quelque chose du repli sur soi de mise aux USA et dont les retombées nous parviennent sous forme de clichés éculés, cache la forêt d’un genre en évolution constante et d’une richesse formelle inouïe, porté par une génération de musicien·nes biberonnée à la fluidité des chapelles. De la grâce d’Esther Rose aux errances instrumentales du kid d’Amarillo Hayden Pedigo ; de la pedal steel de l’Anglais Spencer Cullum expatrié à Nashville au cowboy masqué Orville Peck ; des ballades cosmiques de North Americans aux digressions indie de Faye Webster ; du songwriting de haute volée de Waxahatchee aux débordements anti-folk de Kara Jackson.

Saluons néanmoins une chose : Lil Nas X, comme Beyoncé ou Pharrell sous l’angle de la mode, contribuent à remettre la communauté afro-américaine au cœur du village country, cette musique de Blanc·hes qui n’existerait pas sans les Noir·es. Pas certain que cela suffise à sauver la démocratie aux États-Unis le 5 novembre prochain.

Édito initialement paru dans la newsletter Musiques du 16 février. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !

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