"Il faut que le monde sache" : à La Haye, le cri d’alarme des familles d’otages israéliens
"Bienvenue à bord du vol El Al 131, comme les 131 jours que vos proches ont passé en captivité. Nous utiliserons ce code pour signifier au monde qu’ils doivent être libérés au plus vite." Mercredi 14 février, une centaine de membres des familles d’otages détenus à Gaza, qui ne se connaissaient pas voilà quatre mois, se sont retrouvés à l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, pour effectuer un aller-retour de 24 heures à La Haye. Deux anciens captifs sont aussi du voyage. Le but de la mission : soutenir une plainte déposée contre les dirigeants du Hamas devant la Cour pénale internationale (CPI), qui a ouvert une enquête sur les attaques du 7 octobre.
Un cri d’alarme pour le reste du monde
Epaulés par une équipe de 150 avocats œuvrant pour le compte du Forum des familles de captifs et de disparus, ces proches ont soumis un rapport de 1 000 pages incluant les témoignages d’otages déjà libérés. Il soutient les allégations "de génocides, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre", y compris "les enlèvements, les meurtres et les actes de violence sexuelle" commis par le Hamas. Cette démarche vise à obtenir des mandats d’arrêt contre les dirigeants de l’organisation où qu’ils se trouvent.
Mais pour les familles des otages et les survivants des massacres du 7 octobre qui ont fait le déplacement à La Haye, la procédure est surtout l’occasion de lancer un cri d’alarme. "Le monde ne peut plus rester silencieux. La communauté internationale doit se placer du bon côté de l’histoire", ont-elles martelé, sous une pluie battante, lors d’un rassemblement qui s’est tenu aux abords du siège de la CPI.
"J’effectue ce voyage pour rappeler que lors de ce funeste samedi, nous avons vécu un véritable holocauste", a expliqué Maccabit Mayer, vêtue d’un sweat-shirt noir flanqué du portrait de ses neveux Zvi et Gali Berman, des frères jumeaux âgés de 26 ans. Kidnappés dans leurs habitations du kibboutz de Kfar Aza, en bordure de la bande de Gaza, ils ont été aperçus en vie par d’anciens otages libérés fin novembre lors d’une trêve militaire. Depuis, la famille reste sans nouvelles. "Nous demandons justice, a-t-elle ajouté. Ces exactions peuvent se reproduire partout dans le monde. Les leaders du Hamas doivent être mis hors la loi, au Qatar comme en Turquie."
La Haye, symbole du débat sur la justice internationale
Celle qui s’est déjà envolée pour Berlin, Munich ou Augsbourg afin de "faire entendre la voix de ses neveux", qui sont aussi détenteurs de la nationalité allemande, est une habituée des multiples périples auxquels participent les proches des quelque 130 otages israéliens - dont une trentaine déclarés morts par Tsahal - toujours détenus à Gaza. Rien qu’au sein du Forum des familles des otages et des disparus, une centaine de délégations ont été organisées à l’étranger pour porter leur message sur la scène internationale. Mais la mission effectuée à La Haye, qui a rassemblé un nombre record de participants, revêt un caractère particulier.
"C’est ici, à La Haye, que l’Afrique du Sud a honteusement accusé Israël de génocide devant une autre instance, la Cour de Justice Internationale", s’est indigné lors de ce déplacement Jucha Engel, dont le père a été déporté à Auschwitz. Son petit-fils, Ofir, un joueur de basket âgé de 18 ans, a été libéré fin novembre après avoir passé plus de cinquante jours en captivité à Gaza. Tout comme Raz Ben Ami, enlevée au kibboutz Beeri mais dont le mari Ohad, lui, est resté aux mains du Hamas. Entourée de ses deux filles, elle a rappelé à la tribune du rassemblement de La Haye que "chaque seconde met la vie des captifs en danger", avant de scander à l’unisson de ses camarades d’infortune le slogan "Bring them home now".
A ses côtés, Sharon Kalderon, la belle-sœur de l’un des trois otages franco-israéliens détenus à Gaza, Ofer Kalderon, dont les deux enfants Erez et Sahar ont été libérés, juge essentiel de se battre sur tous les fronts. "Il faut que le monde sache", glisse celle qui, le 7 octobre, est restée enfermée pendant trente-quatre heures dans son abri du kibboutz Sufa. "Quand Ofer et les enfants sont parvenus à s’échapper par la fenêtre de leur maison, pour se dissimuler dans les buissons, ils ont été découverts par un adolescent venu de la bande de Gaza, avant d’être enlevés. Les terroristes du Hamas ont bénéficié de la complicité de civils. Tout le monde doit être puni."
Mais dans le même temps, fait valoir Sharon Kalderon, il est urgent de ne pas relâcher la pression, à l’étranger comme en Israël, afin de faire aboutir un accord de libération de tous les otages. "Seul un accord pourrait nous redonner un peu d’espoir", renchérit Dror Or, dont le frère, un entrepreneur de 49 ans, a été enlevé au kibboutz Beeri, avec ses deux enfants relâchés fin novembre, tandis que leur mère, Yonat, a été assassinée lors des attaques. "Notre armée reconnaît elle-même que les opérations de sauvetage des captifs sont dangereuses, explique-t-il. Il faut continuer à éradiquer le Hamas, mais d’abord tout faire pour faire libérer nos captifs."
A leur retour à Tel-Aviv, nombre des voyageurs de La Haye ont participé le soir même aux manifestations organisées devant la Kirya, le quartier général de Tsahal, pour presser le cabinet de guerre d’accélérer les négociations qui se tenaient cette semaine au Caire. "C’est l’opération de la dernière chance, ont-ils crié, menottés, devant les barricades de la porte Begin. Ne sacrifiez pas les otages !"