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"On n’est pas là pour ramasser des cadavres" : dans le Sancy, le val d'Enfer, symbole de cette moyenne montagne qui tue aussi

Une moyenne montagne qui semble préserver des dangers, malgré un risque d’avalanche de 3 sur 5. Un hors-piste emblématique à portée de tous. Le val d’Enfer a rappelé dramatiquement sa vérité : la montagne tue. Même les plus expérimentés.

Dans les rues de la ville. Dans la station. Des enfants courent. Des parents rient. Sourire à chaque piste. Difficile d’imaginer qu’ici, quatre personnes ont perdu la vie il y a moins de 24 heures. Mais c’est ainsi. La montagne accueille. Parfois tue. Et continue.

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Le fatalisme face aux éléments

Dans une petite pièce, au pied du téléphérique, gendarmes, sapeurs, pisteurs sont réunis autour du préfet. Ici, les visages sont tirés. Les yeux rougis. Le maire, sans écharpe mais dans sa tenue de prof ESF, demande une minute de silence. Un hommage pudique. On préfère parler des trois survivants. Du travail. De la solidarité. Parce qu’ici, entre montagnards, on connaît les dangers. On ne maîtrise jamais les éléments. Même Éric Tabarly le savait.Professionnels avant tout. "Dans deux ou trois jours, les émotions feront surface."Quand Joël Mathurin, préfet, rappelle qu’une cellule psychologique a été ouverte, peu semblent intéressés. « Vous êtes professionnels, mais il faut gérer les émotions. » Nous demandons. Non, personne ne s’y rendra. La fatalité fait tristement partie du décor. « Ils étaient très expérimentés, souligne, à nouveau, Sébastien Dubourg. A priori, ils préparaient une expédition pour septembre. C’était une sorte d’entraînement. Mais il n’y a pas d’entraînement en montagne. » L’édile vit le « pire moment de son mandat » et se réchauffe avec les « 150 messages de soutien reçus cette nuit » et partagés avec les secouristes.

Le maire du Mont-Dore encore sous le choc.

Une miraculée, ensevelie près d'une heure

Joël Mathurin, comme l’exige sa fonction, parle d’opérationnel. « C’est une boucle continue d’amélioration. Mais la réactivité a été effective. » On se concentre sur les personnes sauvées. En particulier cette « miraculée », selon les mots du maire. « Une rescapée qui a passé entre trente minutes et une heure sous la neige », rappelle Thomas Brobeck, commandant du PGHM du Mont-Dore.

Deux personnes étaient ensevelies à moitié, sans obstruction des voies respiratoires. Quatre étaient totalement ensevelies. La rescapée est la troisième que nous avons sortie.

Thomas Brobeck, commandant du PGHM du Mont-Dore.Une enquête est en cours pour mieux connaître les circonstances du drame. Chacun soulignant le professionnalisme du guide, le niveau des accompagnants. Le matériel approprié. Les précautions prises. « Il n’y a pas eu de neige pendant longtemps, donc les passionnés avaient vraiment envie d’y aller, réfléchit Christophe Boivin. Et puis, pendant trois ans, le val d’Enfer a été interdit. Peut-être que la passion a été trop forte. »

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Le val d'Enfer, le piège parfait

Mais surtout, estime le directeur de la station, le val d’Enfer est un piège. « Très proche des pistes. On le voit depuis le téléphérique. Dans des conditions idéales, il est presque facile à faire. Le val d’Enfer, c’est une tentation. »Et comme toutes les tentations, le val recèle aussi tous les dangers. « Pour avoir une avalanche, il faut de la pente et de la neige. Tout ce que l’on a ici », analyse David Tournadre, responsable des pistes. « Très pentu. » Très, jusqu’à 60 %. « On a énormément de vent. » Assez pour interdire à l’hélicoptère de secours d’intervenir. « Et le val d’Enfer termine en entonnoir. Il n’y a pas d’échappatoire. »

Une tentation. Un piège. Même en moyenne montagne. À l’entrée du téléphérique, le panneau de risque d’avalanche brille toujours de son 3 sur 5. Comme le jour du drame. 

Il y a des précautions à prendre : contacter le peloton de gendarmerie de haute montagne pour connaître les conditions?; s’équiper de pelle, sondes, DVA, éventuellement d’airbags, et prévenir de son itinéraire et des horaires de départ.

Un moment de silence et David Tournadre continue : « Et écouter les conseils. Certains nous appellent et font ensuite n’importe quoi. » Suivre les conseils, d’autant que, contrairement aux Alpes ou aux Pyrénées, Météo France n’émet aucun Bulletin d’estimation du risque d’avalanche (BERA) pour le Sancy. « La météo est très, trop, compliquée à prévoir dans cette montagne », estime le préfet. « Le risque zéro n’existe simplement pas. »

En particulier avec le val d’Enfer. Ce plaisir qui tend les bras. Le plus connu et le plus emblématique du massif. « C’est un hors-piste de proximité. Il faut rester humble et vigilant face à la montagne. On n’est pas là pour ramasser des cadavres », se désole David Tournadre. 

Simon Antony

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