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Une bourgade américaine en première ligne du combat anti-avortement

Une bourgade américaine en première ligne du combat anti-avortement

Mais, en avril dernier, alors qu'elle assistait à un conseil municipal bondé, d'une durée de huit heures et extrêmement tendu, elle en a vu à son grand regret les élus voter l'interdiction d'envoi par la poste de pilules abortives, pourtant fréquemment utilisées.

Ces responsables politiques étaient "ivres de l'attention, de l'admiration, de l'adulation de ces gens MAGA qui prétendent être chrétiens", se souvient Mme Smith, en référence à l'acronyme trumpiste pour "Make America Great Again" ("Rendre sa grandeur à l'Amérique").

Le seul membre du conseil qui s'est opposé au projet de loi a été traité de "racaille" et s'est vu promettre de "finir en enfer", ajoute-t-elle.

Depuis l'annulation en juin 2022 du droit constitutionnel à l'avortement, dans une décision retentissante de la Cour suprême américaine, différents Etats ont tenté d'atténuer les effets de cette décision en gravant ce droit dans leur législation.

Ainsi, le Nouveau-Mexique, dirigé par les démocrates, offre l'une des protections du droit à l'avortement les plus solides des États-Unis.

Mais Edgewood, bourgade rurale majoritairement républicaine, a su contourner ce cadre légal, en s'entourant des conseils de juristes connus pour avoir rédigé le "Heartbeat Act" dans l'Etat voisin du Texas.

Cette loi interdit toute interruption volontaire de grossesse dès la détection d'un battement de coeur de l'embryon, habituellement à la sixième semaine. L'un des juristes, l'avocat Jonathan Mitchell, a défendu Donald Trump devant la Cour suprême.

Les dirigeants d'Edgewood "sont tombés sous le charme de ces deux messieurs du Texas qui clamaient plein de choses merveilleuses qu'ils pensaient pouvoir faire", relate Marcia Smith, 57 ans.

Elle a fondé une association, "We Call 4 A Recall", qui a réuni suffisamment de signatures pour bloquer la législation controversée jusqu'à la tenue d'un référendum municipal.

Objectif national

Mais le droit à l'avortement reste menacé, la loi étant conçue pour échapper à toute supervision judiciaire en appelant les citoyens - plutôt que la ville elle-même - à la faire respecter.

En clair, chaque habitant est invité à poursuivre en justice tout voisin qui recevrait des pilules comme la mifépristone, la pilule du lendemain.

Les défenseurs de la mesure s’appuient sur le Comstock Act, une obscure loi fédérale vieille de 150 ans qui interdit l'envoi par courrier des supports "obscènes ou lascifs" comme des documents pornographiques, ou tout matériel "destiné à empêcher la conception ou à provoquer l'avortement".

Bien que la loi ait rarement, voire jamais, été appliquée depuis un siècle, les juristes conservateurs espèrent réanimer sa saisine et son application, et en faire la première arme contre les pilules abortives, qui représentent la moitié de tous les avortements pratiqués aux États-Unis.

"Cela interdirait effectivement l'avortement à l'échelle nationale, ou rendrait très, très difficile l'avortement, même dans les États démocrates comme New York, la Californie et même le Nouveau-Mexique", a récemment déclaré M. Mitchell.

'Pion'

Edgewood va donc devoir se prononcer par référendum. Avec un calendrier encore flou. Le vote était prévu pour le mois prochain, mais les autorités du comté ont refusé d’approuver ce scrutin.

Le maire d'Edgewood, Ken Brennan, trouve ce délai "suspect", lui qui est en faveur de l'interdiction de l'avortement. "Si les gens votent en approuvant, cela la mettra mal pour le gouverneur qui est très pro-avortement", dit-il.

Mais pour beaucoup dans la ville, ce projet de loi sur l’avortement ne relève pas des autorités locales et n’aurait donc jamais dû être adopté.

Selon Marcia Smith, Edgewood est devenue "un pion" dans un combat de société qui divise le pays. Au point que des visiteurs des villes progressistes voisines comme Albuquerque et Santa Fe boycottent désormais ses restaurants et ses festivités.

Elle condamne le rôle des églises locales puissantes, qui sont "davantage des organisations politiques qu'elles ne professent l'amour de Dieu dans notre communauté".

"J'ai deux filles. J'ai grandi dans les années 60, j'ai vu pour quoi les femmes se battaient quand j'étais enfant. Je ne m'attendais pas à ce qu'Edgewood devienne cela", confie Kim Serrano, une autre militante de We Call 4 A Recall.

Selon Filandro Anaya, un responsable municipal opposé au texte, ce projet de loi "n'a fait qu'une seule chose: diviser les habitants".

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