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« Nous n’en resterons pas là » : en Creuse, les syndicats attendent plus du gouvernement

Après les 60 mesures annoncées par Gabriel Attal, après le prix plancher envisagé par Emmanuel Macron, au tour de Bruno Lemaire de tenter d’éteindre l’incendie paysan.

Le ministre de l’Économie a présenté mardi de nouvelles mesures ciblant les agriculteurs les plus en difficultés. Ces derniers pourront bénéficier d’une année blanche, permettant de repousser le paiement de leurs dettes bancaires. Ils auront aussi accès à un prêt à taux préférentiel compris entre 0 et 2,5 %.

Comme prévu dans le projet de loi de finances 2024, les agriculteurs pourront enfin prétendre au prêt garanti par l’État de 2 milliards d’euros dès le mois de mai, soit trois mois avant sa date initialement prévue. Même si certains syndicats saluent un pas en avant du gouvernement, la plupart d’entre eux sont toujours insatisfaits et méfiants. Tour d’horizon des positions des principaux syndicats creusois. 

La FDSEA veut une harmonisation européenne 

Pour le syndicat majoritaire en Creuse, ces mesures vont dans le bon sens. Elles constituent un premier pas, mais elles ne sont pas suffisantes. Elles faisaient d’ailleurs partie des 120 demandes initiales formulées par la FNSEA au gouvernement au début du mouvement de la grogne. 

« Si d’autres mesures ne sont pas prises, nous n’en resterons pas là. Notre priorité c’est que les agriculteurs puissent vivre de leur métier et vendre au juste prix ».

Selon lui, ces mesures ne résolvent pas le problème de fond. C’est un pansement pour certains agriculteurs, qui leur permettra de reprendre un peu d’oxygène.

Christian Arvis demande une de simplification administrative pour retrouver du bon sens. « Cela fait vingt ans qu’on complique tout, assure-t-il. Même le personnel de la Direction départementale du Travail nous dit que nous marchons sur la tête ».

Selon lui, des agriculteurs creusois passent, certaines semaines, deux jours à faire de l’administratif au lieu de s’occuper de leurs bêtes. Il veut une harmonisation européenne sur la réglementation et les taxes. « Le bio en Espagne n’a pas les mêmes critères qu’en France et la main-d’œuvre coûte deux fois plus chère là-bas. C’est de la concurrence déloyale » analyse cet éleveur de Saint-Frion.

La Coordination rurale pour l’arrêt du libre-échange

Pour la Coordination rurale, qui dispose d’un siège à la Chambre d’Agriculture, le gouvernement va dans la bonne direction en accordant une année blanche aux agriculteurs les plus touchés par la crise, ainsi que des prêts à taux zéro. 

« C’est une vraie bouffée d’oxygène pour certains paysans. Cela redonnera un peu de trésorerie à ceux qui en ont le plus besoin. Mais, nous restons prudents face aux annonces de Macron ».

Il est conscient qu’un long travail est nécessaire pour pouvoir réformer en profondeur le modèle agricole français. Cet éleveur est convaincu qu’une évolution d’envergure d’Egalim est indispensable pour que les paysans puissent être rémunérés au juste prix. 

Il demande que la France sorte des traités de libre-échange européens et mondiaux. Florian Tournade pense d’ailleurs que l’instauration du prix plancher proposée par le Président de la République est vouée à l’échec. Les produits importés doivent, selon lui, être fortement taxés pour que la production française reste compétitive.

Florian Tournade se réjouit de l’accompagnement au cas par cas proposé par l’État. Il demande d’ailleurs un rendez-vous avec la préfète de la Creuse pour discuter des modalités et du calendrier de mise en place de ces mesures. (empty)

La Confédération paysanne demande des prix planchers justes

Pour la Confédération paysanne de Creuse, l’année blanche est une disposition positive seulement si elle est associée à un étalement des annuités, sinon la situation des agriculteurs sera pire l’année suivante. Pour la proposition de prêt à taux préférentiel, Olivier Thouret, le secrétaire général départemental, est encore plus sceptique. 

« Un prêt pour rembourser une dette, sert juste à continuer à s’endetter encore plus, dit cet éleveur bio. Cela va juste à repousser le problème à plus tard. Et nous continuerons à aller dans le mur ».

Pour lui, la seule résolution possible de la crise passe par l’attribution d’un revenu digne aux agriculteurs. Il souhaite que l’instauration d’un prix plancher pour les produits français soit harmonisée avec un prix d’entrée minimum des produits étrangers, au travers de clauses miroirs. Olivier Thouret voudrait une harmonisation de la réglementation européenne, mais il ne pense pas qu’elle soit possible à court terme, et préconise donc la mise en place de mesures nationales. Il ne veut pas l’abandon des mesures de protection environnementale qui sont nécessaires face au changement climatique. La Confédération paysanne souhaite continuer à se battre pour protéger la survie des petites exploitations.

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Les JA ne souhaitent pas d’un deuxième Egalim

Pour les Jeunes Agriculteurs (JA) de la Creuse, les annonces gouvernementales ne règlent aucun des problèmes structurels de l’agriculture française. « C’est mieux que rien, concède son leur secrétaire général, Cyril Brigonnet. Mais j’ai peur que le gouvernement cherche juste à nous endormir encore une fois ».

Cyril Brigonnet pense que la mise en place de prix plancher sera aussi inefficace que la loi Egalim, et que les produits français seront toujours plus chers que les autres produits européens. « C’est déjà une base pour nous, reconnait-il. Il vaut mieux que nous soyons payés à la valeur du coût de revient, qu’en dessous comme c’est le cas aujourd’hui ».

Il préconise un travail plus profond au sein de l’Union Européenne, pour que tous les agriculteurs soient traités de la même façon. 

« Il y a encore beaucoup à faire. Si rien ne bouge rapidement, le mouvement de contestation va repartir »

Le Modef veut encadrer les marges des distributeurs

Le Mouvement de défense des exploitants familiaux de la Creuse (Modef 23) espère que les mesures gouvernementales ne sont pas justes des effets d’annonce. « Nous ne pouvons plus nous permettre de perdre des exploitants, assure son président, Pierre Courtet. Il faut sauver les paysans en danger, et l’aménagement des prêts n’est pas une solution viable ».

La mise en place d’une politique d’envergure est indispensable selon lui. L’instauration des prix planchers est aussi une nécessité, pour laquelle son organisation s’est toujours battue. Le Modef 23 demande un encadrement plus fort des marges des grandes surfaces.

Pierre Courtet souhaite une Europe plus sociale et moins économique, dans laquelle l’État français défend pleinement sa souveraineté économique. Il pense que l’UE et l’État ne sont pas les seules responsables. 

« Même si la FDSEA de Creuse est différente, la FNSEA a joué un rôle dans la promotion d’un modèle agricole qui arrive à bout de souffle »

Texte : Victor Fleuryvictor.fleury@centrefrance.com

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