Pourquoi Taylor Swift est le cauchemar des partisans de Trump avant la présidentielle américaine
Même la Fed, la très sérieuse réserve fédérale américaine, le dit. Le « Eras tour », qui a rassemblé l’an passé des centaines de milliers de spectateurs au cours de ses 53 étapes outre-Atlantique, a eu un impact direct sur la croissance américaine. Le retour des touristes et de leur porte-feuille bien garni a même permis aux villes visitées d’effacer d’un coup de baguette magique le manque à gagner de la pandémie de Covid-19. On parle désormais de "Taylornomics" pour illustrer son impact sur la prospérité du pays. C’est dire.
"Elle fait partie du débat"À huit mois de l’élection présidentielle, une autre question brûle les lèvres des observateurs. Taylor Swift peut-elle décider du nom du futur locataire de la Maison Blanche?? Après avoir appelé à voter Joe Biden en 2020, une nouvelle consigne de vote, aujourd’hui probable, en faveur du président sortant peut-elle barrer la route de Donald Trump??
La question n’a rien de fantaisiste. "On ne peut pas savoir si elle aura un impact sur le résultat final. Mais une chose est sûre, elle fait partie du débat puisqu’elle focalise beaucoup les énergies négatives de la droite. C’est quelqu’un, et on le voit par ses réactions, qui a incontestablement du pouvoir. C’est une sorte de soft power musical puisqu’elle est aimée par plus de 50 % des Américains, avec une bonne part de fans purs et durs", décrypte Elsa Grassy.
La relation unique entre la méga star et son public ne doit rien au hasard. "C’est son art d’avoir su se constituer une base de fans fidèles, poursuit la maîtresse de conférences en études américaines à l’université de Strasbourg. Elle s’est beaucoup investie dans sa relation avec ses fans, pour qui elle a de nombreuses attentions. Il y avait un temps où leur elle envoyait des cadeaux de Noël, et il lui arrive de se déplacer pour les rencontrer personnellement ou même de rembourser leurs prêts étudiant. Le fait d’avoir su se rendre accessible explique l’énorme confiance placée aujourd’hui en elle. Une majorité de fans est persuadée qu’elle n’est pas là que pour faire de l’argent. Mais qu’elle a un vrai talent, qu’elle travaille, une qualité appréciée par tout le spectre politique. Et enfin, qu’elle a une réelle authenticité et que sa carrière, c’est sa vie. Voilà pourquoi ses plus grands fans sont prêts à la suivre sur beaucoup de choses."
"À la botte du gouvernement ?"Ces inconditionnels, baptisés « Swifties » et reconnaissables à leurs bracelets constellés des titres des tubes de la star, forment une armée très active sur les réseaux sociaux. « Quand il arrive quelque chose à Taylor Swift, ils sont toujours prêts à se mobiliser pour la défendre sur les réseaux sociaux et inonder de messages ceux qui l’attaquent. Si Twitter était un sport, les Swifties pourraient rivaliser avec les fans de Trump en finale de championnat », image Elsa Grassy.
Une donnée tout sauf anecdotique à l’heure où les partisans du candidat républicain multiplient les théories complotistes autour de la chanteuse. Celle-ci est présentée comme une agente du Pentagone et du supposé État profond démocrate. Le couple glamour qu’elle forme avec le joueur de football américain des Kansas City Chiefs, Travis Kelce, récent vainqueur du Super Bowl, est même présenté comme monté de toutes pièces. Sans parler des récents deepfakes à caractère sexuel la mettant en scène qui ont été mis en ligne. "Il y a un grand thème : Taylor Swift est à la botte du gouvernement et manipule ses fans, avec quelques variations. Ces théories montrent qu’elle fait peur et qu’elle représente une menace", résume la spécialiste des États-Unis.
"Quelque chose d'assez unique"Mais cette peur de voir la pop star de 34 ans peser sur une élection, qui s’annonce très serrée, est-elle pour autant justifiée?? "Avec Taylor Swift, nous avons quelque chose d’assez unique. Certes, la majorité de ses fans est Démocrate. Mais un quart d’entre eux se déclarent Républicains, souligne Elsa Grassy. C’est ce qui instille la crainte dans le camp Trump. Cette particularité vient du fait qu’elle a commencé dans la country, un genre plutôt conservateur dans sa version “mainstream”. Même si, à mon sens, elle va se prononcer en faveur de Joe Biden, croire qu’elle va décider du résultat de l’élection relève plus du fantasme qu’autre chose."
Reste que la composition sociologique de ses fans n’interdit pas un scénario complètement fou. "C’est uniquement possible si ses fans se mobilisent dans les “swing states” et font basculer l’élection pour quelques voix. Il y a quand même assez peu de chances. Cela dit, les zones les plus contestées sont les “suburbs”, les banlieues résidentielles, où ses fans sont très présents. Ce sont aussi surtout des jeunes, une population qui ne se rend pas forcément aux urnes. Si elle arrive à les mobiliser, il existe une marge de progression qui peut faire la différence dans des États très disputées comme on l’a déjà vu en 2020", conclut la spécialiste des États-Unis.
Dominique Diogon