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Julie-Victoire Daubié, le féminisme par le bac

Officiellement, elle était "bachelier", le mot n'étant pas encore décliné au féminin. Car personne n'avait envisagé un seul instant que ce diplôme national mis en place un demi-siècle plus tôt par Napoléon puisse un jour venir récompenser le parcours scolaire d'une femme.

Alors qu'on célèbre le bicentenaire de sa naissance, avec notamment l'émission d'un timbre à son effigie, Julie-Victoire reste une des grandes pionnières de la lutte pour l'émancipation féminine. Reconnue dans toute l'Europe et aux Etats-Unis, traduite en anglais, elle correspondra avec George Sand, Marie d'Agoult, Alexandre Dumas fils...

Un personnage haut en couleurs et aux multiples casquettes: préceptrice, sociologue, conférencière, journaliste économique, pacifiste, européenne convaincue, libre-penseuse...

Elle a compris très jeune qu'en tant que femme, rien ne lui serait jamais servi sur un plateau.
Déterminée
"Nous vivons", écrit-elle dans l'un de ses essais, "dans un milieu social où les femmes n'obtiendront que ce qu'elle seront capables de prendre".

Ca tombe bien, elle est déterminée, patiente et tenace... Et a remarqué que, dans les textes de loi, rien n'interdisait aux femmes de se présenter au baccalauréat. Sa face nord à elle, ce sera cet examen !

Benjamine de huit enfants d'une famille de la petite bourgeoisie, Julie-Victoire Daubié - on l'appellera toujours Victoire - naît le 26 mars 1824 à Bains-les-Bains (Vosges).

Son père, caissier à la manufacture de ferblanterie, meurt alors qu'elle est nourrisson. Elle fréquente assidûment l'école, se perfectionne avec son frère aîné, prêtre, qui lui apprend le latin et le grec, et passe à 20 ans un "certificat de capacité", sésame pour enseigner.

Elle n'a pas sa langue dans sa poche. A 12 ans déjà, elle interpelle le directeur de la manufacture, lui recommandant d'augmenter les ouvrières plutôt que de leur donner du chocolat.

Elle puisera dans ce qu'elle a vu enfant, au contact de la misère des ouvriers de campagne, pour écrire son essai "La Femme pauvre au XIXe siècle". Couronné en 1859 du premier prix du concours de l'Académie des belles-lettres de Lyon.

Encore plus motivée, elle se lance à l'assaut du bac. Premier refus à l'université de Paris. "Vous voulez donc ridiculiser mon ministère!", s'étouffe le ministre de l'Instruction publique. Même opposition du recteur d'Aix. Elle parvient finalement à s'inscrire aux épreuves à Lyon et, le 17 août 1861, est reçue à l'examen... passé dans un local séparé.

Il lui faut encore attendre six mois pour se voir délivrer le diplôme - avec, dit-on, un coup de pouce de l'impératrice Eugénie - mais elle préfère saluer la "bienveillance impartiale" et les "sympathies généreuses" rencontrées dans sa quête du Graal.

Et remercier sa "patrie" et son "siècle". Car celle qui a ouvert la voie aux femmes - le chemin sera long - ne compte pas s'arrêter là. Les cours de la Sorbonne sont toujours réservés aux hommes. Mais pas les examens. La voilà donc aussi première femme licenciée ès lettres en 1871.

Elle se lance ensuite dans une thèse de doctorat sur la condition de la femme dans la société romaine. Restée inachevée car elle meurt à 50 ans le 26 août 1874, emportée par la tuberculose.
Combat pour le droit de vote
Son combat lui vaut d'avoir de son vivant des admirateurs et surtout des admiratrices. L'une d'elles l'incite à mener un nouveau combat: le droit de vote des femmes.

"Si vous pouviez", lui écrit la jeune fille, "nous faire ouvrir la porte des mairies comme vous nous avez ouvert celle de la salle des examens du baccalauréat, quelle victoire vous remporteriez encore! J'ai l'espoir d'ici cinq ans..."

Sitôt la proclamation de la République en 1870, Victoire lance l'Association pour le suffrage des femmes et écrit aux autorités pour demander leur inscription sur les listes électorales.

Las, elles devront encore attendre des décennies avant que ce droit ne leur soit enfin octroyé... en 1944 !

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