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"Je suis trop choquée, j'ai un teint de Barbie !" : pourquoi la mode des "Sephora kids" inquiète les dermatologues

On les appelle les « Sephora kids ». Reprenant une tendance importée des USA, des petites filles de 12 ans, 10 ans, parfois moins, se ruent sur les solutions anti-âge, antirides, anticernes et se mettent en scène sur les réseaux sociaux. Les dermatologues appellent à la vigilance.

Aya a 9 ans et déjà une passion : le skin care, littéralement « soin de la peau » en français. Sur l’une des innombrables vidéos mises en ligne sur TikTok par son influenceuse de mère – 2,5 millions d’abonnés tout de même –, la fillette est assise devant le large miroir de sa coiffeuse pour s’appliquer une multitude de produits sur le visage. « J’ai mis la base, puis le fond de teint et l’anticernes », déclame-t-elle, pas peu fière, sous les rires maternels.

Et ce n’est pas fini : Aya enchaîne en se tapotant les pommettes avec un pinceau chargé de poudre bronzante, avant d’y ajouter une couche de blush (ou fard à joues), de se peinturlurer les paupières en violet et de se couvrir les lèvres de gloss.

Des produits pas adaptés à des peaux aussi jeunes

Les contenus comme celui-là se sont multipliés ces derniers mois sur les réseaux sociaux, au point de cumuler des centaines de milliers, parfois même des millions de vues. On y voit des pré-ados, voire des enfants, distiller leurs conseils de « routine beauté », avec toujours le même but : avoir une peau parfaite. « Je suis trop choquée, j’ai obtenu un teint de Barbie?! », s’extasie l’une de ces (très) jeunes internautes. « Tu mets une tonne, je dis bien une tonne de "bronzer". Ensuite, tu appliques ton anticernes », vante une autre.

Cette mode venue des États-Unis a traversé l’Atlantique pour gagner – entre autres – la France. On lui a d’ailleurs donné le nom d’une enseigne tricolore mondialement connue (*), dont les magasins seraient devenus le principal pourvoyeur de cosmétiques pour ces maniaques précoces de l’épiderme : les « Sephora kids ».

Mais au-delà du sourire attendri ou consterné que peuvent provoquer ces vidéos – se tartiner de crème raffermissante ou de sérum anti-âge à 8 ou 10 ans ne relève pas franchement de l'évidence absolue –, la communauté médicale commence à s’inquiéter des possibles conséquences de cette pratique. Car les produits prisés par les « kids » en question contiennent une foultitude de principes actifs qui ne sont pas adaptés à un public aussi jeune. Rétinol, acide salicylique ou hyaluronique, collagène…

« Les enfants ont une peau beaucoup plus sèche et plus fine. Si on y applique toute une série de produits chimiques, on augmente le risque de développer des allergies et des irritations », explique Marie-Estelle Roux, dermatologue à Paris. Idem pour les peaux « plus grasses » de l’adolescence, notamment sujettes à l’acné : « C'est une période critique, qui nécessite des soins doux et délicats. En faisant du multicouches avec des cosmétiques pour adultes, dont les formulations sont faites pour des peaux matures, non seulement on ne va pas traiter une acné débutante, mais on va même l’aggraver », poursuit-elle.

« On parle quand même de chimie »

La spécialiste dit rester « très prudente » sur l’ampleur réelle de la tendance, forcément difficile à mesurer. Mais elle s’étonne de voir, dans les rayons des magasins, des cosmétiques « conçus pour les adultes et pourtant présentés avec des emballages, notamment au niveau des couleurs, de nature à séduire les ados. Cela contribue à entretenir la confusion. ».

« Je suis assez consternée que des enfants paient cher des produits qui, au mieux, n’ont aucun intérêt pour eux, et qui, au pire, peuvent être nocifs. »

Sur ce dernier point, la question d’un possible « effet cocktail », lié à l’accumulation quotidienne de recettes soi-disant miracles, reste en suspens. « N’oublions pas que l’on parle quand même de chimie. Chaque principe actif contenu dans les cosmétiques vise à traiter une finalité précise, pas à régler toutes les problématiques pour tout le monde. Donc plus on en met, plus on mélange, et plus on prend le risque d’associer des choses non compatibles et de potentialiser des effets négatifs. »

(*) Propriété du groupe LVMH, Sephora emploie plus de 40.000 salariés dans 35 pays, et dispose d’un réseau d'environ 300 boutiques rien qu’en France. Contactée pour réagir, l’enseigne n’a pas donné suite à nos demandes.

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