L’Écosse contre le « monstre de la haine »
Une nouvelle loi limitant la liberté d’expression de tous les citoyens entre en vigueur le 1er avril. Censée encourager la tolérance en interdisant la haine, cette législation est justifiée par une vidéo officielle infantilisante (voir plus bas). Elle parle du « monstre de la haine » qui est tapi à l’intérieur de chacun d’entre nous et qu’il faut éradiquer. Aujourd’hui, Big Brother porte un kilt et il veut entrer dans le cerveau même de tous les membres de la classe ouvrière blanche.
Sous la direction de son Premier ministre Humza Yousaf, le gouvernement wokiste et islamo-gauchiste de l’Écosse emprunte un chemin de plus en plus autoritaire. Le signe le plus visible de cette dérive est une loi, dite Loi relative aux crimes de haine et à l’ordre public, proposée en 2020, promulguée en 2021 et qui doit entrer en vigueur le 1er avril 2024. Pour le malheur des Écossais, il ne s’agit nullement d’un poisson d’avril.
Et la grossophobie ?
Quel est le crime que cette nouvelle loi est destinée à sanctionner ? Celui de la « provocation à la haine » (« stirring up hatred »). Contre qui ? Une loi contre l’incitation à la haine raciale existe depuis 1986. Maintenant, il s’agit de punir tout ce qui provoque à la haine à l’égard de certaines « caractéristiques protégées ». Lesquelles ? L’âge, le handicap, l’orientation sexuelle, l’identité transgenre et – catégorie obscure mais qu’on suppose comprendre toutes les gradations de non-binarité – « des variations dans les caractéristiques sexuelles ». La catégorie du sexe, qui permettrait de sanctionner le sexisme à l’égard des femmes, n’est pas inclue car, selon le gouvernement, ce dernier va préparer une autre loi sur cette question. On devine surtout que la cause des femmes est insuffisamment compatible avec celle des trans pour que les deux figurent côte à côte dans la même loi.
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Qu’apporte cette nouvelle loi par rapport à la législation déjà existante ? D’abord, des peines extraordinairement sévères. La provocation à la haine est punissable – jusqu’à sept ans de prison ! Ensuite, la gamme des situations où on peut fauter est très large. Les publications sur les réseaux sociaux en ligne tombent évidemment dans le périmètre de la loi. Mais on peut aussi être sanctionné pour des paroles tenues dans l’intimité de sa propre maison. Ce qui veut dire que des enfants peuvent dénoncer leurs parents. Retour à la censure d’une autre époque, les représentations théâtrales sont dans le viseur de la justice. En théorie, certaines pièces de Shakespeare et même certains passages de la Bible lus par un prêtre à l’église pourraient attirer des sanctions. Tout indique que les humoristes du stand up – des spécialistes professionnel de la provocation – seront dans le collimateur des forces de l’ordre, bien que les représentants de ces dernières insistent sur le fait qu’ils ne vont pas assister à tous les spectacles pour les évaluer. Dans un passé récent, beaucoup de spectacles d’humoristes ont été annulés à cause de la pression exercée par l’opinion wokiste ; désormais, les comiques eux-mêmes pourront être mis en tôle.
Bienvenue dans l’ère des « incidents de haine non-criminels »
La liste des inconvénients ne s’arrête pas là. La porte sera ouverte à la délation. Des centres seront créés où des individus pourront déposer une plainte contre un autre de manière anonyme. De tels centres sont prévus – sans trop de surprise – sur des campus universitaires. Il y en aura même un dans un sex shop à Glasgow, sous prétexte que les gens se confient plus facilement dans ce genre de boutique. Si la police décide que telle ou telle plainte ne constitue pas un véritable crime de haine, l’incident reste néanmoins sur le casier judiciaire de l’accusé sous le qualificatif absurde d’« incident de haine non-criminel ». La loi sera une véritable invitation à tous les accusateurs vexatoires et abusifs, et les magistrats auront du fil à retordre pour démêler les accusations justifiées et les accusations frivoles.
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Mais peut-être le pire défaut de cette loi, c’est qu’elle ne définit pas le terme fondamental de « provocation à la haine ». Est-ce que c’est la formule utilisée qui est importante, le ressenti de la personne qui se prétend lésée, ou tout autre critère ? La responsabilité est déléguée aux policiers et à leur jugement subjectif. Si la loi n’entre en vigueur que trois ans après sa promulgation, c’est parce qu’il a fallu tout ce temps, non pas pour former la police à cette nouvelle tâche, mais pour concevoir le programme de formation ! À l’heure actuelle, tous les signes indiquent que la préparation en vue de la date du 1er avril a été rudimentaire et axée sur une approche autoritaire et répressive. Selon le secrétaire général de la Fédération de la police écossaise, sont réunis « tous les ingrédients d’une catastrophe ». Les forces de l’ordre disposent-elles des ressources nécessaires pour gérer l’avalanche de plaintes qui risque de se déclencher ? Au mois de mars, la police a annoncé que, faute des ressources, elle allait cesser d’enquêter sur des crimes de « moindre importance », tels que des vols où l’image du responsable n’a pas été enregistrée par une caméra de surveillance. Pourtant, la police écossaise s’est engagée à traiter chaque plainte.
Infantilisation générale
Afin de préparer le public, la police a diffusé une vidéo ridicule et condescendante, un dessin animé de mauvaise facture qui met en scène « le monstre de la haine » qui se cacherait à l’intérieur de chacun d’entre nous et ne demanderait qu’à se libérer. Sauf que, comme l’indiquent clairement la vidéo et d’autres documents publics, il ne s’agit pas de chacun d’entre nous. La cible de cette loi est une catégorie particulière de citoyens. La haine serait surtout le fait de personnes qui se sentent économiquement défavorisées mais qui croient posséder des privilèges parce qu’ils sont blancs. Autrement dit, la loi vise spécifiquement les classes ouvrières blanches, notamment les mâles en colère, les gens que les élites progressistes méprisent plus que toute autre catégorie. Mais la loi semble aussi adaptée à des cas individuels. J. K. Rowling habite à Édimbourg. Dans un cas sur lequel la police s’est entraînée, une femme nommée « Jo » a le tort d’affirmer qu’il n’y a que deux sexes. Il est clair que c’est la créatrice de Harry Potter qui est visée. Comble de la mauvaise foi, cette Jo imaginaire aurait déclaré que les trans devraient être envoyés dans des chambres à gaz…
Non, malheureusement, ce n’est pas un poisson d’avril de mauvais goût. Et pour assombrir encore le printemps qui essaie de montrer le bout de son nez, nous venons d’apprendre que le gouvernement irlandais prépare une loi similaire.
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