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Âgé de 75 ans, un médecin continue d'exercer : "Je fais de l’humanitaire dans le Cantal"

Âgé de 75 ans, un médecin continue d'exercer :

Dans le Cantal, le nombre de généralistes de plus de 65 ans a presque quadruplé ces dix dernières années. Au-delà de l’âge de la retraite, ils permettent à certains territoires de remédier au manque de médecins. C’est le cas du docteur Elias Massoud, à Ydes. À 75 ans, il consulte deux matinées par semaine, bénévolement. Une aubaine dans le nord du département qui a perdu de nombreux médecins ces derniers mois.

« Je fais de l’humanitaire dans le Cantal. » Il est 9 heures. Dans le pôle de prévention et de santé d’Ydes, le docteur Elias Massoud reçoit sa première patiente. Âgé de 75 ans, il est retraité depuis 2012. Après plusieurs missions consacrées à la médecine humanitaire à travers le monde au début de sa retraite, il est revenu à Ydes.

 

Depuis plus de quatre ans, il consulte bénévolement, sans honoraires. Conventionné par la mairie d’abord, par Sumène Artense communauté ensuite, qui lui laisse à disposition les locaux et une assistante, Laurie Flory, infirmière et coordinatrice du projet santé d’Accès santé nord Cantal (ASNC), il reçoit, deux matinées par semaine, les patients pour des soins non programmés.

Originaire de Palestine, il est arrivé en France pour étudier la médecine, puis s’est installé à Ydes, en 1976, où il a exercé toute sa carrière. « Désormais, je paye ma dette à la France qui m’a permis de faire des études de médecine », explique-t-il. Surtout, il aime ce qu’il fait.

Ces quatre dernières années, je fais la plus belle médecine de ma carrière. Je suis soulagé de toutes charges et je peux me concentrer totalement sur la science

Les mardis et vendredis matin, une dizaine de patients défilent dans son cabinet, loin du rythme effréné qu’il avait lorsqu’il était actif. « Quand on est docteur, on l’est toute sa vie. Mais, les vieux médecins, nous ne sommes pas éternels », philosophe-t-il.

Le vieillissement des généralistes

Dans le Cantal, de nombreux généralistes exercent au-delà de l’âge légal de la retraite. Les plus de 65 ans ont bondi en dix ans, passant de 10 en 2013 à 38 l’année dernière, palliant, par endroits, le manque de docteurs, comme en Sumène-Artense. « Depuis 2020, on avait des inquiétudes mais c’est difficile de faire prendre conscience tant que les difficultés ne sont pas là », constate Laurie Flory. Ces derniers mois, le dépeuplement s’est accéléré. À Saignes, le docteur Forestier est en retraite, même si, lui aussi, continue à exercer à mi-temps. Surtout, dans des territoires limitrophes, deux départs imprévus ont privé de nombreux patients de leur médecin traitant, un à Mauriac et l’autre à Bort-les-Orgues.« Ce n’est pas l’avenir. Il faut que des jeunes médecins puissent s’installer » « Depuis le début de l’année, je n’ai plus de médecin traitant. Heureusement qu’on a le docteur Massoud. Je dois être suivie car j’ai fait un rééquilibrage alimentaire. Je dois voir le médecin entre deux et trois fois par mois », explique une patiente dans la salle d’attente. « C’est formidable qu’il continue à exercer, il n’est pas obligé », témoigne une autre femme, sans médecin traitant.

Maisons de santé

« Ce n’est pas l’avenir, tempère le docteur. Il faut que des jeunes médecins puissent s’installer dans des structures adaptées. » Une des clés pour attirer la jeune génération, qui souhaite davantage travailler en groupe, serait les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) ou des cabinets médicaux. « Ils ont besoin d’échanger, de partager les ressources », explique Laurie Flory.

Pour exercer à la campagne, il faut être courageux, assure le docteur Massoud. On est seul face aux patients, seul face aux urgences

L’ASNC constate que la plupart des jeunes médecins se sont dirigés vers des MSP. Un modèle pas si simple à installer. Au-delà de l’investissement immobilier, il faut « deux médecins et un professionnel paramédical » au lancement de l’infrastructure, explique Laurie Flory. « À Condat, elle est restée vide longtemps », remarque-t-elle. Aujourd’hui, elle est opérationnelle avec une dernière arrivée, fin 2022.

« Ici, avec le pôle de prévention et de santé d’Ydes, on a un embryon de maison de santé, mais il en faudrait une à plus grande échelle », estime le docteur Massoud. Car, en Sumène-Artense, la démographie médicale est fragile. « D’ici deux à trois ans, ça va devenir compliqué », reconnaît de son côté Marc Maisonneuve, président de la communauté de communes. « Les deux médecins de Saignes devraient prendre leur retraite d’ici deux ans », précise Laurie Flory. Ce qui ne laisserait, pour Sumène-Artense, que deux médecins généralistes à temps plein, à Ydes et Lanobre.

Dans ce contexte, attirer de nouveaux médecins devient un enjeu majeur. Les habitants le comprennent. La première patiente du jour du docteur Massoud raconte avoir rencontré un jeune médecin qui souhaite s’installer à Bort-les-Orgues ou dans le nord du Cantal. « On l’accueille à bras ouverts », assurent alors le docteur et Laurie Flory. « Dès qu’il y en a un qui s’installe, on lui saute dessus », reconnaît la patiente. 

Mathieu Brosseau

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