“Hyperdrama” : Justice signe un grand retour gorgé de groove et de guests
En 2007, on avait été ébloui·es par le culot, la liberté et la fureur du premier album de Justice, sa faculté à façonner des hymnes générationnels en érigeant un impressionnant mur du son, fait de grosses turbines, de sons saturés et de beats puissamment rock. On découvrait alors le savoir-faire mélodique, parfois à la limite de la pop, de Xavier de Rosnay et Gaspard Augé, qui ne se doutaient probablement pas que ce premier LP alimenterait leur légende naissante.
Pourtant, Justice semble y revenir aujourd’hui. Après les productions épiques d’Audio, Video, Disco (2011) et les arrangements imbibés de soul de Woman (2016), le duo renoue avec ces morceaux tout-terrain, insolents de jusqu’au-boutisme dans des structures pourtant largement exploitées, mais jamais ainsi, avec cette envie inédite de conquérir les sommets de l’entertainment, laissés vacants par la retraite de Daft Punk.
Des nappes de synthés grandiloquentes et des remèdes à la mélancolie
Dans cette quête de hauteur, Justice s’est assuré un joli filet de sécurité avec les participations de Miguel, Kevin Parker de Tame Impala, Thundercat, Rimon, Connan Mockasin ou The Flints. C’est donc aux côtés d’amoureux de la mélodie que Xavier de Rosnay et Gaspard Augé se sont lancés dans leur ambitieuse croisade, sans jamais se reposer à 100 % sur leur présence.
Certes, Kevin Parker fait du Kevin Parker sur Neverender et One Night/All Night, mais cette double collaboration paraît finalement aussi logique que bienfaitrice. Logique, car l’Australien permet au tandem de revendiquer son attachement à un style, le disco. Bienfaitrice aussi, car Justice tient là au moins deux nouveaux tubes au groove aussi arrondi qu’une boule à facettes.
Un duo incapable de choisir entre Giorgio Moroder, Aphex Twin ou François de Roubaix
D’autres morceaux prolongent la même dynamique : Dear Alan avec son rythme bondissant et ses nappes de synthés grandiloquentes ; Explorer, idéal pour soigner sa mélancolie en roulant tard la nuit sur de longues routes désertiques : Moonlight Rendez-Vous, qui donne envie de déclarer ses sentiments avec la même classe que Patrick Dewaere dans un film des années 1970, ou encore Saturnine, sorte de version alternative des derniers singles de The Weeknd, si ce dernier avait davantage pompé Prince et l’electroclash plutôt que Michael Jackson et Depeche Mode.
Mention spéciale à Muscle Memory, peut-être le morceau le plus libre sur le plan formel, celui d’un duo incapable de choisir entre Giorgio Moroder, Aphex Twin ou François de Roubaix, et qui orchestre donc le rapprochement de ces trois légendes dans un élan très cinématographique. Catégorie ? Hyperdrama, forcément.
Hyperdrama (Ed Banger Records/Because). Sortie le 26 avril. En concert à We Love Green, Paris, le 1er juin ; aux Nuits de Fourvières, Lyon, le 17 juin et en tournée française.