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Seulement 17 % des métiers sont mixtes : la faute aux stéréotypes ? Une entrave à la liberté de choix ?

Pascale Borel est enseignante-chercheuse à l’ESC Clermont business school. Elle participe également au baromètre Égalité femmes-hommes de la Conférence des grandes écoles et elle est co-autrice du 3e baromètre « Stéréotypes de genre et valeurs professionnelles : les étudiant·es des Grandes écoles ont-ils les mêmes ambitions ? », réalisé en partenariat par l’Association française des managers de la Ddiversité, la Conférence des grandes écoles (CGE) et l’ESC Clermont business school.

Pour vous, évoquer la mixité des métiers, qu’est-ce que cela veut dire ?

Déjà que l’on ne parle pas de parité. C’est-à-dire moitié-moitié hommes et femmes, mais bien une proportion entre 40 et 60 % d’hommes ou de femmes. Ce n’est pas non plus limiter la question à l’accès des femmes à des métiers dits « masculins », mais également l’accès des hommes à des métiers dits « féminins ».

En fait, cette question de la mixité des métiers renvoie à celle de la liberté de choix, de choisir son orientation professionnelle dès le collège et ensuite, de pouvoir réellement exercer tel ou tel métier, pour un homme comme pour une femme. Cela conduit alors à évoquer les stéréotypes.

Votre travail porte sur les stéréotypes à l’égard des compétences et des qualités professionnelles vus par les étudiants des grandes écoles, pouvez-vous nous en parler ?

Lorsque nous avons commencé cette étude, à 80 %, les étudiants répondaient que les hommes et les femmes ont les mêmes compétences et qualités professionnelles. Mais en affinant le questionnement, seulement un tiers parvient à se détacher des stéréotypes. Pour les autres, des stéréotypes fortement ancrés dans notre société perdurent : les femmes sont plus empathiques, dans l’écoute et les hommes sont davantage dans la confiance en soi, l’autorité, le leadership. Cette jeune génération d'étudiants a une aspiration à l’égalité, mais ne parvient pas à s’affranchir des stéréotypes.

Grâce à ces résultats, vous parvenez à leur en faire prendre conscience ?

Oui, la prise de conscience avance. Pour lutter contre les stéréotypes, il faut commencer par de la sensibilisation. Auprès des étudiants, mais je suis aussi intervenue en entreprise, auprès des managers. Et pour, eux aussi,, la prise de conscience est une étape importante.

Pourquoi est-ce important ?

L’enjeu est de montrer que, derrière cela, il y a des mécanismes qui se mettent en place et jouent dans la prise de décisions professionnelles. Notamment des discriminations et le développement de comportements d’autocensure. C'est l'une des raisons de la progression lente vers une meilleure mixité des métiers. Car réussir à s’affranchir de stéréotypes est un processus long.

D’où viennent ces stéréotypes ?

Les origines sont multiples. Et cela commence tôt, dès le bleu pour les garçons et le rose pour les filles. On les intègre à notre insu. Je suis aussi prof de marketing, je montre des exemples à mes étudiants, dans les publicités notamment. J’ai aussi travaillé avec les représentations dans le monde du jouet. Ou évoqué la question de l’orientation à la fin du collège, à ce moment de l’adolescence où s’opère la construction identitaire de genre.

17 %Seulement 17 % des métiers sont mixtes, c’est-à-dire entre 40 et 60 % d’hommes ou de femmes. En Auvergne-Rhône-Alpes, sur la nomencalture des 87 métiers, 23 métiers sont à dominance féminine, 43 à dominance masculine et 21 métiers sont mixtes.

C’est tout ce bagage que l’on transporte dans notre vie professionnelle ?

Oui, sachant que les stéréotypes n’ont pas que des aspects négatifs. Ils permettent de prendre des décisions rapidement grâce à la manière dont aura été préalablement catégorisée l’information que l’on reçoit. Ce n’est pas nécessairement négatif, mais cela le devient lorsque les préjugés qui en découlent entrainent des discriminations.

Vos élèves sont-ils prêts à faire bouger les lignes ?

J’en suis convaincue ! Il y a un environnement plus favorable pour redéfinir les rôles sociaux. Ils disent également avoir davantage cette liberté de choix par rapport à leur futur travail. Mais l’environnement des écoles de commerce est propice, car on n’entre pas là avec un métier prédéfini en tête. En école d’ingénieur, les choses sont différentes car de nombreuses spécialités comme le BTP, la chimie, le numérique… ne sont pas mixtes, les choix se faisant en amont. Ces écoles font d’ailleurs un gros travail pour attirer les profils féminins. Comme les branches professionnelles d’ailleurs, dans l’industrie par exemple. Améliorer la mixité des métiers, c’est aller dans le sens de plus de richesse. Pour l’entreprise, comme pour la société.

Cet article entre dans le cadre d'un dossier consacré à la mixité des métiers paru dans le supplément économique La Montagne Entreprendre mardi 23 avril. Tous les articles de ce dossier sont à retrouver en cliquant ici et a également fait l'objet d'une newsletter en mars à retrouver en suivant de lien ici.

Cécile Bergougnoux

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