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"Le plaisir du théâtre te fait tenir toute une vie" : Francis Huster se livre avant de jouer Les pigeons à Clermont

Francis Huster magnifique conteur d’une histoire qui relie Molière à Michel Leeb en passant par Jouvet, Guitry, Dussolier, Legros, Lindon, Poquelin, Ionesco et tant d’autres, sera mercredi 24 avril à Clermont-Ferrand pour jouer Les pigeons, de et avec Michel Leeb, ainsi que Chloé Lambert et Philippe Vieux. "Extraordinaires, ils font littéralement exploser la pièce !"Plus encore que cette aventure dont le terme est proche, après une tournée triomphale de quatre mois, c’est du théâtre au sens le plus large dont parle Françis Huster passionné et passionnant ; ce théâtre qui fait vie. "On ne joue pas au football comme on jouait il y a 20 ans. Pour le théâtre, c’est exactement la même chose (...) La grande question c’est : est-ce que théâtre public et le théâtre privé vont enfin s’unir et se respecter ? Le théâtre public a une attitude indécente vis-à-vis du privé. Ça n’a pas changé depuis Molière !"

"Si Montherlant, Anouilh, Ionesco n’avaient pas été créés dans le privé, il se serait passé quoi ?"

FRancis Huster

"Lorsqu’une pièce voit le jour dans le théâtre privé, lequel prend tous les risques, le théâtre public attend que les auteurs soient morts pour les jouer ! On entend oui oui mais c’est du boulevard, de la comédie, oui oui mais voilà.... Si Montherlant, Anouilh, Ionesco n’avaient pas été créés dans le privé, il se serait passé quoi ? Guitry, idem. Lorsqu’il passera dans le domaine public dans quelques années, alors ce sera super, on ne verra que ça ! Et ce sera pareil pour Florian Zeller, etc. La seule solution, c’est une loi - il faut se battre, surtout pour les jeunes - pour obliger tous les théâtres publics à recevoir en province cinq spectacles du théâtre privé par an ! Il n’y a qu’un seul théâtre ! "

Les pigeons, dans le cadre des Théâtrales de Clermont. Tarifs de 35 à 65 euros. Réseaux habituels et arachnee-concerts.com/

"Le cas de Les pigeons est significatif. Nous avons l’image d’un acteur de théâtre public, c’est-à-dire Francis Huster, la Comédie française et tout ça, et de l’autre, Michel Leeb, les comédies, les orchestres, etc.  Lorsque nous avons créé la pièce à Paris, les critiques, le clan du public, a dit Huster va jouer avec Leeb, il est cinglé. Et vice-versa... En fait, il y a eu deux spectacles..."

C’est quand même le public qui décide au bout du bout ? "Exactement. C’est notre fierté de réunir tous les publics. Michel Leeb a justement voulu faire cette pièce avec cette idée ; la première partie est un peu à la Guitry ou à la Anouilh, et tout d’un coup ça pête les plombs ! Le public accepte de passer d’un style à l’autre".

J’en reviens à ce que vous disiez : il y a eu deux spectacles. Deux spectacles parce que le public, parce que... "Parce que Paris, et la province... c’est très simple (rires). C’est pour ça que Bourvil, de Funès, Serrault ont été des stars aimées partout mais prises de haut à Paris... Attend, nous voulons bien donner une récompense à Serrault, mais s’il joue dans un drame... Où sommes nous ? A Paris, Les pigeons ont été mis en cage par la critique et la bien-pensance artistico-publique. Non, ce n’est pas qu’on n’aime pas, non, c’est juste que ce n’est pas pour nous.... Tu parles ! "

"Voilà, je sais : en province, on est de la famille ; et cette famille qui nous reçoit, c’est une vraie récompense !"

Francis HUster

Cela ne se transforme pas en une sorte de fierté au final ? "Le mot fierté, il est exact mais surtout il génére le lien entre le public et ces acteurs-là. Un sondage avait donné Molière en première position et Bourvil troisième parmi les gens les plus aimés. J’ai eu la chance, moi, d’être onzième. C’est extraordinaire. Ça veut dire quoi... Ca veut dire, oui je sais, ça veut dire : en province on est de la famille. On est de la famille !!! A Paris, on est jugé quand on ose être dans la comédie. Et c’est typique. A Londres par exemple, c’est l’inverse..."

"Tout le monde a attaqué Gabin quand il a joué avec Bourvil et de Funès... Alors cette famille qui nous reçoit, c’est une vraie récompense. La différence avec les précieux ridicules de Paris, c’est que ce public de province est au final le plus difficile en quelque sorte, le plus exigeant. Parce qu’il est ouvert à tout. En province, c’est le jugement exact du public par rapport à la pièce."

Justement, le rire, celui du public. Quel rôle, quel impact a-t-il pour celui qui joue ? "Jouer une comédie c’est faire du striptease. Nous nous mettons à nu pour être vraiment dans ce que demande le rôle : ridicule, maladroit, etc. Et le rire qui vient, immédiat, c’est enthousiasmant ou terrifiant. Il y a plusieurs façons de rire. Soit tu te moques, soit tu te libères par exemple. En fonction du rire, de ses différentes couleurs, la pièce prend son rythme."

Il n’y a aucun filtre. "Aucun. L’acteur qui joue un drame, une pièce que l’on dit sérieuse - comme si la comédie n’était pas sérieuse - il joue comme si le public n’était pas là. S’il est sensible au public, il surjoue. L’acteur de comédie, s’il oublie le public, il se ramasse. C’est pour cette raison que le partage est total, d’un bout à l’autre. Le drame, à l’inverse, c’est un face-à-face".

J’en reviens au foot, au coup de sifflet final, lorsque le rideau tombe, quel est l’état du comédien ? Peut-il être compatible avec celui du sportif qui explose de joie, a les boules, etc. ? "Je vais vous dire un secret (sourire) : “c’était mieux qu’hier ?” C’est exactement ce que l’on se dit quand c’est terminé. C’est assez incroyable. Est-ce que l’on a été moins bien ou mieux que la veille. Tu ne peux pas t’en empêcher."

Il n’y a rien de prétentieux ou de définitif à se trouver parfois dans le juste, se dire tiens j’ai été bon ce soir ? "Si tu es content de ce que tu as fait, tu ne peux plus faire ce métier... Ce n’est pas possible."

On a le droit d’être content, conscient d’avoir réalisé une bonne prestation, non ? "Les gens qui disent ça c’est faux-cul. Le théâtre, c’est une cuisine. C’est une cuisine tu sais. Tu as la recette, la pièce, le cuisinier, le metteur en scène, les ingrédients, les acteurs mais midi et soir il faut tout refaire. Pour cette raison, des acteurs détestent faire du théâtre, le recommencer à chaque fois les épuise."

En même temps, l’adrénaline que cela provoque c’est tout le sel. "Le plaisir du théâtre avec les risques de déplaisir que cela comprend te fait tenir toute ta vie. C’est pour cette raison que des acteurs de soixante dix ou quatre-vintg ans sont toujours là !!!"

 

Julien Dodon

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