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"L'héritage" : un film pour sensibiliser à la violence éducative ordinaire et à ses dégâts

« Cette main, c’est mon histoire, celle d’une autre époque, celle de la violence qui se transmet de génération en génération […] Cette main, qui dit d’où je viens, c’est mon héritage. Mais on peut toujours tourner le dos à un héritage. »

Ce film, « L’héritage », qui responsabilise sans culpabiliser, lance la campagne de sensibilisation aux violences faites aux enfants. Il est relayé, depuis ce mardi 23 avril, sur les réseaux sociaux. Et sera diffusé à la télévision à partir du 29 avril, veille de la Journée internationale de la non-violence éducative.

À la veille du cinquième anniversaire de la loi dite « anti-fessée », on aurait pu s’attendre à ce que cette campagne de communication émane des pouvoirs publics. Eh bien non. Elle est l’apanage, pour la quatrième fois, de l’association Stop VEO, qui milite sans relâche, depuis 2016, pour une enfance sans violences et de l’agence Publicis Conseil, qui appuie bénévolement cet enjeu de société et de santé publique.

Une loi… et après

C’est ce noyau associatif militant, soutenu par la députée MoDem Maud Petit, qui a permis à la loi de passer en 2019, la France ayant été l’un des derniers pays à légiférer : elle indique que l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.

Mais est-elle toujours appliquée dans les faits ? Il est permis d’en douter à l’aune d’une décision de la cour d’appel de Metz, dévoilée samedi. La juridiction ne nie pas les violences faites aux deux enfants d’un homme condamné, en première instance, à 18 mois de prison avec sursis et au retrait de son autorité parentale. Mais elle s’est appuyée sur un « droit de correction » qui serait « reconnu » aux parents pour relaxer l’accusé.

Le droit en question, héritage du Code Napoléon, provient de la jurisprudence, fait valoir Maud Petit, et « avec la loi, il tombe automatiquement, comme ce fut le cas, en d’autres temps, avec le droit de cuissage ». « Si l’arrêt n’est pas cassé » – trois pourvois ont été déposés par le parquet mais aussi les avocats des parties civiles –  « nous porterons l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme », annonce le Dr Gilles Lazimi.

« Fermer la porte »

Pour le président de Stop VEO, il ne s’agit plus de mégoter mais de « fermer la porte à double tour » à ces violences ordinaires, véritable cercle vicieux qui abîme l’enfant, son corps et son cerveau, tout autant que l’adulte qu’il sera demain. Pour casser cette spirale infernale de la violence, le médecin attend un tout autre engagement du gouvernement. Le cahier de doléances était prêt hier, lors de la présentation du film, à Paris. Alors que l’actuelle ministre chargée de l’Enfance, Sarah El Haïry, et son prédécesseur, Adrien Taquet, étaient attendus, ils se sont excusés via des messages d’usage.

« Au-delà du déficit de communication des Pouvoirs publics, les mesures d’accompagnement de la loi sont manquantes, stipule Gilles Lazimi. On demande que les termes de la loi soient inscrits sur le carnet de santé, sur tous les documents concernant les enfants. Pas de réponse. On ne voit toujours pas éclore ces maisons des mille premiers jours, ces cafés des parents pour accompagner l’apprentissage de la parentalité, ni les aides à la formation des professionnels pour aider les parents, soutenir les mamans qui élèvent seules leurs enfants. Il faut aussi rendre obligatoire le congé paternité. Pour parvenir à une société moins violente, il est essentiel que tout le monde prenne sa part. »

Pas de laxisme

Car il reste aussi, dans le chemin à parcourir, à changer les mentalités, en informant, en expliquant. « Nous sommes encore confrontés à ce procès en laxisme, l’idée qu’on produirait un enfant-roi qui va “bouffer” ses parents si on ne le corrige pas, remarque Céline Quelen, directrice générale de Stop VEO. Or, nous affirmons que le laxisme, c’est de la violence aussi, car l’enfant a besoin de sécurité, donc de limites et de règles. Ce que nous défendons, c’est une troisième voie en aidant les parents à apprendre et mieux comprendre ce qu’est un enfant. »

Que dit la loi du 10 juillet 2019 ?

Le texte de loi du 10 juillet 2019 met fin au droit de correction et abolit la violence éducative ordinaire (VEO).

Concernant les violences physiques, on parle de châtiments corporels, définis par le Comité des droits de l’enfant comme « tous châtiments impliquant l’usage de la force physique et visant à infliger un certain degré de douleur ou de désagrément, aussi léger soit-il ». Il s’agit de la fessée, la gifle, les bousculades, les coups de pied etc. Les violences psychologiques et verbales sont des formes plus insidieuses, mais tout aussi délétères et préjudiciables pour l’enfant. On y trouvera notamment les punitions humiliantes, le fait de rabaisser, crier, insulter, faire du chantage, priver d’affection.  

Si le texte interdit bel et bien les VEO dans la législation nationale, il ne prévoit pas de sanctions pour les parents.

Nathalie Van Praagh

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