“Back to Black” de Sam Taylor-Johnson : cachez cette noirceur que je ne saurais voir !
Lorsqu’on entend pour la première fois l’Amy Winehouse de Sam Taylor-Johnson chanter sur le lit de sa chambre d’adolescente, elle évoque une noirceur intérieure qui la ronge déjà et quelque chose grince d’emblée en nous. Cette image d’Épinal cadre mal avec l’abîme de souffrance larvée qui habite l’œuvre de la chanteuse de Camden.
Le cinéaste de Cinquantes nuances de Grey en manque pour filmer la chanteuse. Ses zones d’ombre sont systématiquement gommées au profit d’un récit tapissé de lieux communs et qui échoue à saisir les singularités de l’interprète de Back to Black. Il la dépeint d’abord comme une Lolita assez interchangeable, une gentille fille à papa qui a mal tourné à cause de son penchant pour un bad boy avec qui elle vivra une relation toxique lourdement soulignée par la mise en scène.
Un récit indigne de sa protagoniste
Incarnée par Marisa Abela, vue dans Barbie, Amy a ici plus de la poupée déchue que de l’artiste profondément torturée. Refusant de s’intéresser au blues d’Amy Winehouse, ce biopic approuvé par les ayants droit de la chanteuse est d’une superficialité désolante.
Ne sont questionnées ni les origines de son mal-être ni sa relation avec son père qui l’aurait, selon certaines de ses amies, en partie exploitée, comme le révèle le documentaire Amy de Asif Kapadia, sorti en 2015 et justement accusé de mensonges par le père de la chanteuse, qui voit dans la version de Taylor-Johnson une aubaine pour passer la vie de sa fille à la javel. Reste la façon assez élégante dont le film fait d’Amy Winehouse la dernière héritière d’une lignée de grandes divas du blues.