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L'usine de demain sera numérique et décarbonée

La réindustrialisation et la transition écologique, énergétique, environnementale sont toutes les deux au coeur de la stratégie de l'État français. Mais comment faire pour réindustrialiser la France sans augmenter son empreinte carbone ? L'Hexagone doit anticiper l'industrie de demain, ses usines, ses process de production, sa valeur ajoutée, les usages... Afin de contribuer à la réflexion collective autour de la transformation de nos usines, Bpifrance a réalisé une matrice représentant l'usine du futur, décarbonée et numérique.

Une telle usine doit fonctionner à l'électricité, avec un mix d'énergies renouvelables conséquent. Afin d'optimiser ses process et réduire le gaspillage, elle doit être connectée, dotée d'innovations, d'automatisation. Enfin, elle doit s'intégrer localement dans une démarche d'économie circulaire. Quels sont les leviers à activer pour construire une telle usine ?

Vers la transformation de matières bas carbone et recyclables

La matrice ne prend pas en compte l'extraction des matières premières, car cette étape a généralement lieu hors de France. La transformation de ces dernières, en revanche, est concernée. Cette étape est particulièrement carbonée, et nombre de ses acteurs sont d'ailleurs recensés parmi les 50 sites industriels français les plus émetteurs de CO2. Et pour cause, il n'est pas simple d'aller vers une transformation bas carbone, cela soulève un problème économique majeur. " Les technologies sont disponibles, mais ça sera très cher, car cela concerne de très grandes installations ! ", explique Malek Fiouane, référent conseil industrie, startups et PME industrielles chez Bpifrance. Dans les usines de transformation de matières, le recyclage commence en revanche à prendre une place importante. " Arcelor Mittal, par exemple, utilise du minerai de fer mais aussi des aciers usagés pour refaire des nouveaux aciers ", ajoute l'expert.

Les matières transformées devront circuler en boucle courte, dans une chaine d'approvisionnement bas carbone et responsable vers une usine de fabrication électrique et flexible.

L'électricité, une ressource qui nécessite de la flexibilité dans son utilisation

" On est en train de faire sortir de terres de grosses centrales nucléaires pour remplacer une quinzaine de centrales EPR dont l'âge limite arrive à termes. Mais pendant la phase de transition, la France va devoir gérer des tensions sur l'apport d'électricité ", alerte Malek Fiouane. Dans les prochaines années, la France aura une offre d'électricité assez instable, face à demande de plus en plus importante. Il devient alors dès maintenant indispensable de repenser l'utilisation de cette électricité pour l'optimiser. La solution ? La flexibilité.

Pour Laura Parmigiani, responsable d'études à Bpifrance Le Lab, la flexibilité est la " possibilité de déconnecter son usine quand la demande est élevée, d'adapter ses processus et sa production au marché de l'énergie qui sera de plus en plus contraint. Cela revient à pouvoir produire lorsque les prix sont moins élevés et le réseau disponible, par exemple quand il y a beaucoup de vent ou de soleil. "

Cette flexibilité est plus facile à mettre en oeuvre dans les petites usines qui consomment peu d'électricité, et qui peuvent fonctionner avec des solutions de dépannage, comme des groupes électrogènes. Pour les usines électro-intensives, ce n'est pas aussi simple. Dans une fonderie d'aluminium par exemple, une grande quantité d'électricité est nécessaire pour maintenir le four chaud. Afin de généraliser cette flexibilité, les usines françaises pourront alors compter sur l'informatique et l'intelligence artificielle (IA). " On peut le faire si on commence à refondre les process de production en y introduisant de la digitalisation ", complète Laura Parmigiani.

L'informatique et l'IA au service de l'industrie

" On a besoin d'un pilotage le plus intelligent et immédiat possible, qui ne s'appuie pas forcément à chaque fois sur des réorganisations humaines. Plus on aura des usines flexibles, autonomes, plus on pourra piloter des systèmes d'information avec une intelligence programmée ou de l'IA, et plus on aura de chance d'avoir une usine pour laquelle l'adaptation de l'organisation sera simple ", assure Malek Fiouane.

La consommation d'énergie informatique, quant à elle, n'est pas un problème car elle ne représente qu'une part minime de la consommation industrielle, " de 5 à 10 % selon les secteurs, voire moins de 1 % pour l'électro-intensif comme la métallurgie ", d'après l'expert.

Un produit sortant d'un processus de fabrication décarboné suit une idéologie vertueuse. Mais si l'usage de ce produit ne poursuit pas cette même idéologie, à quoi bon... Dans l'usine de demain, l'usage bas carbone de chaque produit est pensé en amont.

L'économie de la fonctionnalité et de la coopération, un modèle à encourager

Beaucoup d'usines françaises génèrent peu de CO2, du moins de manière directe, en utilisant une énergie bas carbone (près de 70 % de l'électricité française est d'origine nucléaire, et par conséquent dite 'décarbonée'). Pour Malek Fiouane, " la plus grande part du bilan carbone d'un produit est due à l'extraction des matières premières et à son usage final. "

Prenons l'exemple d'une pièce automobile en plastique, fabriquée à partir de pétrole puis transportée dans un véhicule qui va rouler des années, émettant beaucoup de CO2. " L'usage de cette pièce conditionne son bilan carbone. C'est la brique essentielle de l'économie de la fonctionnalité et de la coopération ", garantit Malek Fiouane.

Pour Laura Parmigiani, " Les usines du futur ne doivent pas juste fabriquer des produits, mais doivent aussi proposer des services associés à ces produits. C'est toute la conception d'un produit qui devrait changer. " Des produits plus connectés et serviciels, pour développer plus de valeur, y compris économique, au bénéfice des entrepreneurs et des clients finaux. Possible, pour Malek Fiouane. L'équation devient évidente si l'on prend l'exemple d'une automobile ou d'un outil de bricolage. " De l'extraction à la fabrication, la chaine de valeur d'une voiture est complexe, et pourtant sa vente vise un seul acheteur. Cette même voiture ne sera utilisée que 3 à 5 % du temps en moyenne. Un modèle à plus forte valeur ajoutée consistera à concevoir une voiture électrique - voire autonome - partagée pour satisfaire 5, 10 personnes, potentiellement plus (on peut avoir des milliers de personnes sur la vie d'une voiture utilisée comme un taxi). " Un tel modèle pourrait générer des marges bien plus élevées : " 400 000, 600 000 de revenus versus les 30 000 d'une vente classique. On peut réduire par 10 le nombre de produits et multiplier par 10 ou 20 la valeur économique. C'est central sur l'équation climat. " Le modèle, bien que non généralisable, s'adapte bien aux voitures et outils.

Ce même modèle de fonctionnalité et de la coopération est valable pour des places de stationnement. " Plus de la moitié de la population française vit en copropriété. En électrifiant les places de parking on pourrait réduire de 15 à 20 % le parc en augmentant de 10 à 20 % le prix de vente moyen des véhicules ", chiffre Malek Fiouane.Pour les deux experts, le constat est sans appel : mettre le cap sur une économie de la fonctionnalité et de la coopération ne pourra se faire sans le numérique et la connexion des objets. Pour Malek Fiouane, " la raison de l'échec d'Autolib' était un mauvais usage, les gens n'en prenaient pas soin. Mais aujourd'hui, grâce à l'informatique et à l'IA, des solutions de partage de véhicules voient le jour, exigeant un état des lieux systématique. Et c'est un succès ! "

L'usine du futur intègre donc une sobriété de la part des consommateurs, et des solutions l'y encourageant, telles que des plateformes favorisant l'économie de partage.

La réinvention de l'usine de demain est loin d'être finie, comme peut le montrer Laura Parmigiani : " L'usine du futur doit donc être électrique, flexible, mais il faudra aussi réduire les intrants, circulariser, et inclure le scope 3. "

Cet article a été publié initialement sur Big Média L'usine de demain sera numérique et décarbonée

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