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A cause du Cher, la ville de Montluçon fait le pont depuis des siècles

En mai, fait ce qu’il te plaît !, dit le dicton. Pour de très nombreux français en quête de temps libre, il s’agit principalement de "faire le pont". Ça tombe bien, le mois qui débute est très bien fourni en jours fériés. Il y a le 1er, jour de la fête du travail, le 8, date qui célèbre la victoire du 8 mai 1945, le 9, jeudi de l’Ascension, et le fameux lundi de la Pentecôte.

À Montluçon, ce n’est pas seulement une dizaine de jours dans l’année qu’on "fait le pont". C’est 365 jours par an, 24 heures sur 24. Aménagée en bordure du Cher, la ville est ainsi faite qu’il a fallu construire, au fil des siècles, un certain nombre de ponts et de passerelles pour traverser à pied, en calèche ou en voiture la rivière.

Le pont en bois de Ringuet

Le plus ancien pont de Montluçon est le pont Vieux. Vous ne le verrez pas, ses derniers vestiges ont été démolis dans les années 1980 à l’occasion d’une rénovation du quartier Saint-Pierre. Cet ouvrage d’art aurait été construit au XIIe ou au XIIIe siècle. D’importantes fouilles archéologiques, menées en 1984 par Aquae-Nérii sous la responsabilité de Michel Desnoyers, ont permis d’en savoir un peu plus sur son histoire.

Elles démontrent, par l’importance des éperons, que le pont Vieux se trouvait sur le cours principal du Cher au Moyen Âge. "À l’origine, il devait avoir cinq arches et mesurer soixante-dix mètres de long, rapporte Maurice Malleret dans son ouvrage Pour découvrir Montluçon de la meilleure manière qui soit à travers le nom de ses rues. Sa largeur entre les parapets était de 2,75 m".

Le Cher aurait cessé de passer sous le pont Vieux en 1480 où une crue dévastatrice a modifié son méandre pour le faire couler un peu plus au nord. Un nouveau pont est alors construit entre le faubourg Saint-Pierre et l’actuel quartier de la Ville-Gozet. C’est le pont Saint-Pierre autrefois appelé "pont de pierre". Son édification apparaît dans une franchise de la ville de Montluçon en 1268. "Le faubourg était l’endroit le plus animé de la ville. C’est là qu’il y avait le plus d’auberges, le plus de commerçants", avance l’historien local Olivier Troubat pour souligner l’importance de ce pont qui sera à plusieurs reprises emporté par les crues. Six à sept "ponts Saint-Pierre" ont été construits successivement depuis le XIIIe siècle.

La dernière version, celle que l’on connaît aujourd’hui, date des années 1878 à 1880. Les élus de l’époque estiment que les piles sont trop larges et empêchent l’eau de s’écouler en cas d’inondations. « Il va être arasé jusqu’à un mètre sous l’eau et les piles vont être réduites de sept à deux mètres de largeur », précise Olivier Troubat.

Le pont des Isles avec l'usine des Fers creux aujourd’hui disparue.Le pont des Isles est un autre pont emblématique de la cité. Avant de porter le nom d’un quartier, il s’appelait "pont Ringuet". Le sieur Ringuet était un marchand de bois, révèle Maurice Malleret. Dans une délibération du 14 juin 1812, ce notable s’engage à établir à ses frais aux Isles "une planche de cinq pieds et demi de largeur" à condition d’obtenir une concession pour une durée de quarante ans et un droit de péage de cinq centimes pour les hommes et dix pour les chevaux.

Le pont du Châtelet inauguré le 14 juillet 1939

La construction de ce pont en bois est autorisée par décret royal en 1836. La décision de le démolir est prise en 1886, trois ans après une autre décision qui valide la construction d’un nouveau pont en dur destiné à desservir le village des Isles.Les deux autres ponts traversant le Cher ont une histoire plus récente. Situés de part et d’autre du pont Saint-Pierre, ils ont été construits pour fluidifier le trafic entre la rive droite et la rive gauche. Avec ses industries, Montluçon est une ville en pleine expansion et, le 14 juillet 1939, le maire Marx Dormoy inaugure le pont du Châtelet, longtemps appelé le pont Neuf, qui relie le quartier du Châtelet au quartier des Nicauds.

Le pont Saint-Jacques est le dernier né. Construit en béton armé, il a été édifié en 1977. Deux ans plus tard, il modifie profondément le plan de circulation de la ville. Pour bien marquer le souvenir des usines qui ont fait le renom de Montluçon, la délibération municipale met l’accent sur la dénomination "pont de Saint-Jacques".

 

La passerelle des Nicauds a été ouverte aux piétons en 1895. 

Chemin de fer. À Montluçon, les ponts servent également à éviter des voies de chemin de fer. Le plus imposant est le pont de Blanzat dont la première mouture a été mise en service en 1861, puis reprise en 1926 à la place de deux passages à niveau. Cette année-là, il s’agit de répondre à une demande de la Compagnie d’Orléans qui souhaite agrandir la gare d’eau de Montluçon via une fusion des trois fuseaux de triage en un seul. "Dégradé et trop étroit", dixit La Montagne du 23 avril 1998, la municipalité engage la construction d’un nouveau pont pour répondre aux besoins du trafic : 15.000 véhicules/jour dont 700 camions. Parallèlement, la SNCF décide de supprimer neuf de ses treize voies. En structure métallique, le pont est ouvert à la circulation le 12 mars 2002. L’ancien pont est démoli. Sources : Archives municipales de Montluçon. 

Passerelles. Plusieurs petits ouvrages d’art ont une importance particulière dans l’histoire montluçonnaise comme la passerelle des Nicauds construite sur le Cher par l’usine Lassault pour permettre aux piétons de se rendre à la gare. Elle est inaugurée le 11 août 1895 en même temps que le kiosque à musique de la gare. La passerelle de la Glacerie (anciennement Saint-Gobain) a été payée par l’usine et construite en 1902 afin que les ouvriers puissent rejoindre leur lieu de travail. Une nouvelle passerelle en aluminium a été installée à sa place en 2023. La passerelle des Biachets (1885), elle, a été emportée par les eaux en 1940.

Fabrice Redon

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