World News in French

Management : tous les feedbacks sont-ils bons à donner ou à recevoir ?

Management : tous les feedbacks sont-ils bons à donner ou à recevoir ?

"A quoi sert le management ?", interrogeait la Une de L’Express le 10 novembre 1969, alors que "le mot et la chose arrivés d’Amérique après la guerre" en étaient à leurs balbutiements dans les entreprises françaises. Cinquante-cinq ans plus tard, le management, son enseignement et sa pratique sont partout. Dans les open spaces, le sport, l’administration, les écoles de commerce, les librairies et parfois même dans des endroits où on ne l’attend pas, comme ces formations qui proposent "le travail à pied avec un cheval pour renforcer la cohésion d’équipe et la prise de décision rapide". Coaching à gogo, outils gadgets prisés des RH, livres de développement personnel… Jamais les cadres n’ont été autant inondés de discours et pseudo-techniques censés leur faciliter la tâche.

Comme toutes les sciences humaines et sociales, le management ne se prête pas forcément aux sciences dures. Mais les recherches, nombreuses, publiées depuis un demi-siècle - et trop souvent ignorées des entreprises - nous éclairent sur les méthodes qui ont fait leurs preuves ou pas. L’Express en passe quelques-unes en revue. Dans ce quatrième épisode, place au feedback.

EPISODE 1. De Teams à WhatsApp… Les dégâts des notifications sur notre concentration au travail

EPISODE 2. MBTI, Disc, ennéagramme : la grande arnaque des tests de personnalité en management

EPISODE 3. L'écoute active, une technique qui a ses limites

Le feedback ? Les astronautes ne jurent que par lui. Les retours, les échanges, le dialogue, voilà une des clés de la réussite, à en croire ces professionnels qui ne cessent de rendre compte de l’avancement de leurs tâches, de ce qui a marché, de ce qu’il faut améliorer, jusqu’à évoquer leurs humeurs pour s’assurer qu’ils sont en état de fonctionner. Les professions "à haute performance", où la moindre erreur peut s’avérer fatale, ne sont pas les seules à regorger de débriefs. De plus en plus d’entreprises s’y mettent, convaincues elles aussi que cela favorise la performance et renforce la motivation. "C’est essentiel", affirme par exemple Catherine Piral, directrice des ressources humaines de ManpowerGroup Talent Solutions France, 5 000 employés à travers le monde, dont 800 en France.

"L’autoévaluation ne suffit pas, surtout pour les novices"

Rares en milieu professionnel, les études scientifiques menées sur le sujet sont nombreuses à l’école ou à l’université. Réalisées auprès d’étudiants la plupart du temps, elles donnent tout de même un aperçu de l’intérêt de pratiquer le feedback. "C’est un des leviers les plus puissants pour progresser, comprendre, apprendre", résume Eric Jamet, directeur de recherche en psychologie à l’université Rennes II. Seul face à ses tâches, difficile en effet pour un employé de s’améliorer : "L’autoévaluation ne suffit pas, surtout pour les novices. Nous sommes trop biaisés, influencés par l’estime de nous-même. On surévalue ou on se critique trop, même si on a bien en tête les attendus", précise Dominique Duquesnoy, directeur général de PerformanSe, entreprise spécialisée dans les tests psychologiques. Et de citer une étude de l’université Monash, en Australie, publiée en 2013 ("L’impact des émotions dans le feedback", par Molloy et al.).

Mais tous les feedbacks ne sont pas bons à donner ou à recevoir : "L’impact est fortement influencé par le contenu de l’information transmise", constate une méta-analyse parue en 2020 dans la revue Frontiers. Traduction : "Il faut non pas se contenter d’évaluer mais aussi décomposer ce qui a été fait et ce qui peut être fait, si possible en contexte", détaille Franck Amadieu, chercheur en ergonomie. Managers, évitez donc les retours "affectifs", surtout les plus négatifs – "Je suis déçu." Leurs équivalents positifs – "Bravo, c’est super !" – peuvent certes motiver, mais, le mieux, si l’on transpose les études, serait de donner des corrections, franches, élaborées, de manager à subordonné, et inversement. "Il faut amener à réfléchir, s’interroger, mettre en lumière ce qui marche, dans un climat de confiance", poursuit Franck Amadieu. Un atout pour attirer la nouvelle génération. "Les jeunes baignent dans cette culture et recherchent des managers inspirants, des mentors. Ils ne veulent pas d’une autorité qui se contente de commander et de contrôler, comme ça a pu être le cas à une époque", estime Alexandre Stourbe, directeur du Lab RH, un think tank spécialisé dans les questions managériales.

Читайте на 123ru.net