On a testé pour vous le tir sportif à Moulins
« Une arme doit toujours être considérée comme chargée et ne doit jamais être dirigée vers soi-même ou quelqu’un ». La sécurité, la sécurité, la sécurité. Et encore la sécurité ! C’est la première règle à intégrer comme un réflexe, quand on entre dans un des postes du stand de tir. On intègre.« Quand je dis “mettez vos armes en sécurité”, tout le monde s’exécute sans latence », démontre Daniel Guillot, président de l’Association sportive de tir de l’agglomération moulinoise (Astam), 290 licenciés, qui occupe le stand de tir Roger-Dumont, route de Montilly, à Moulins.
« Le chargeur est enlevé, ou le barillet est basculé, et un drapeau est introduit dans le canon. On ne peut alors pas mettre une balle dedans ».Photo Corentin Garault
À Moulins, 290 licenciés, dont 56 nouveaux (38 adultes et 18 jeunes). 55 femmes ; 235 hommes. Le stand dispose d’installations de 10 à 200 m.
École de tir, dès 8 ansPhoto Corentin GaraultSécurité supplémentaire, pour le 25 mètres par exemple, « si quelqu’un veut aller aux cibles, à l’ouverture de la porte, des flashs rouges indiquent à tous de se mettre à l’arrêt, en sécurité et plusieurs pas en arrière. C’est la personne de retour de cible qui va désactiver le flash ».Les débutants commencent par tester des armes à air comprimé, carabine et pistolet, sur des cibles à 10 mètres, en stand indoor. L’école de tir (les mercredis) est accessible dès 8 ans. C’est donc telle une enfant que nous testons la discipline, avec de petits plombs de 4,5 mm.
Ce jour-là, notre prof est Véronique Laurent, chargée de communication du club, licenciée de longue date et reine du pistolet. Cela ne l’empêche pas d’expliquer aussi le fonctionnement de la carabine, sur laquelle on mise en premier.Même si c’est une arme d’apprentissage, elle pèse son poids (les petits ont des supports). On comprend que la position du corps tout entier est importante. Les pieds bien ancrés, jambes écartées de la largeur du bassin. Caler l’arme sur l’épaule, la main gauche (pour les droitiers) en support près du canon, la main droite près de la queue de détente, puis trouver le bon angle de visée en penchant la tête. Et sans cogner ses lunettes. Les cibles de carabine sont toutes petites, mais la visée permet de voir si on est à peu près « dans le noir » ou pas. « À peu près », ça a l’air d’aller.
« 20 % de technique, 80 % de mental »On n’a pas encore tiré et… ça tire dans les bras. Il ne faut pas traîner à s’installer, conseille Véronique. Trouver donc le juste milieu entre la bonne préparation et la tremblote de fatigue qui va inévitablement s’inviter. « Il faut accepter de bouger, de tirer sur un bouger, on le fait tous ». Bon, la posture, on l’a.
Alors, on teste le tir « à sec » : il s’agit de « faire une pression continue sur la queue de détente. On ne se dit pas “j’appuie”, pas de coup de doigt, on est “surpris” par le départ du coup »… tout en restant bien concentré sur ses appuis, sa respiration et bien sûr le regard rivé vers le centre de la cible. Rester « trois à quatre secondes » en visée après le départ du coup. Les yeux qui traînent n’importe où, c’est l’assurance de faire n’importe quoi.
Une fois la carabine armée d’un petit plomb, ça y est, on tire pour de vrai. Argh. Dans le papier, mais carrément en haut à droite. Deuxième fois, dans la cible tout en haut. Puis trop en bas, puis trop à droite. Véronique est sympa : « C’est bien, ça se rapproche ! L’alignement est là ». Hum. Allez, on a tout compris, on retente. On apaise son mental tout excité, on respire lentement du bidon, on descend son ancrage dans les jambes, on tient le bon bout. Oh yeah, 8 points ! Chance du débutant. Puis 4 points. Pas « si pire ».Photo d'illustration Corentin Garault
Voyons ce qu’on vaut au pistolet ! La posture est “inversée”. Si on tire avec la main droite, les pieds sont tournés vers la gauche. On aligne son bras à la perpendiculaire des hanches. Et la visée est tout à fait différente : dans le « cran de mire », le « guidon » doit être aligné. « On vise la marge de blanc sous la cible ». Là aussi, ne pas rester des plombes à s’installer. Un entraînement est nécessaire, « avec des bouteilles d’1 litre tenues à bout de bras ». Comme pour la carabine, il faut bien cinq tirs de calages avant de taper dans le noir. Discipline, vitesse, précision, concentration, respiration, ancrage… On n’est pas au yoga, mais ça aide. Il paraît qu’il faut « 20 % de technique, 80 % de mental ».
11 clubs dans l’Allier. Vaux, Treignat, Montluçon, Quinssaines, Domérat, Commentry, Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bourbon-l’archambault, Moulins, Cusset, Vichy.
« Se vider la tête »Mélanie, restauratrice, l’une des cinquante-six nouveaux licenciés cette saison, acquiesce. « C’est une manière de se détendre et de se vider la tête. J’y ai longtemps pensé et je croyais que c’était réservé aux professionnels. Mais tout le monde peut venir. Je me suis inscrite avec mes enfants de 10 et 13 ans. L’un des deux est anxieux et je remarque que ça le canalise. Quand j’ai le temps, je viens, même si j’ai juste une heure ».Stéphane, soignant en pédopsychiatrie à Yzeure, vient aussi se libérer de la « charge mentale » et de la « violence » qu’il vit au boulot. Pratiquant d’arts martiaux, il trouve dans le tir un « complément » : « Le lâcher prise. Si on vient avec tous ses soucis, on tire mal ! Je viens aussi pour rencontrer des gens nouveaux. On part d’ici assez fatigué et agréablement vidé ».
Passer sa « cible blanche ». La phase d’apprentissage, qui dure six mois, est validée par une « cible blanche » (comme les ceintures au judo). Le licencié doit connaître le pistolet et la carabine, les noms des pièces qui les composent, les règles de sécurité. « Notre objectif est de rendre les licenciés autonomes, avant de leur permettre d’accéder à d’autres stades et d’autres armes », explique Elisabeth de Prigounoff, formatrice fédérale.
Mathilde Duchatelle
L’Astam en argent aux France