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Méga-bassines dans le Puy-de-Dôme : pour le président de Limagrain, les retenues sont "une solution à court terme"

Méga-bassines dans le Puy-de-Dôme : pour le président de Limagrain, les retenues sont

Limagrain est pointé du doigt par les opposants aux projets de retenues de l’ASL des Turlurons, dans le secteur de Billom (Puy-de-Dôme). Par la voix de son président Sébastien Vidal, la coopérative répond.

Vous êtes engagé à titre personnel parmi les 36 agriculteurs de l’ASL des Turlurons. Quels sont les liens entre Limagrain et ce projet de retenues ?

"Ce projet est porté par des agriculteurs à la recherche de solutions face aux évolutions climatiques. J’en fais partie car mon métier, c’est agriculteur ; président de Limagrain, ce n’est qu’une fonction. C’est un projet que la coopérative Limagrain soutient à travers ses agriculteurs, puisqu’il est difficile de dissocier les deux. Il est facile de dire que Limagrain est derrière tout ça. Non, ce sont bien des agriculteurs qui disposent d’un outil de coopérative qui s’appelle Limagrain. Il est vrai, en revanche, qu’on regarde la possibilité de monter un fonds de dotation, dont la mission vise à soutenir une agriculture durable en Limagne et au-delà."

Les retenues sont-elles une solution d’avenir à vos yeux ?

"C’est une solution à court terme. Nos exploitations sont de taille familiale, c’est le modèle Limagrain : on a toujours construit l’ensemble de nos investissements pour maintenir cette population agricole dense. On a des exploitations plutôt petites par rapport à d’autres régions parce qu’on est capable d’apporter de la valeur ajoutée. Celle-ci passe par des productions diversifiantes qui peuvent être sensibles aux aléas climatiques et aux problèmes de sécheresse."

On a aujourd’hui un besoin d’eau pour maintenir ce modèle agricole. Donc oui, les réserves sont dans un futur assez court un bon moyen de répondre à cette attente. Je pense aussi qu’il faut se poser la question du multi-usage de l’eau, entre l’eau potable, l’agriculture pour l’alimentation, l’industrie et l’enjeu énergétique. Je me dis qu’il serait intéressant d’avoir une réflexion globale et de reposer la question des grands ouvrages. C’est le rôle rempli par le barrage de Naussac. L’enjeu est là : comment on sécurise à la fois l’alimentation en eau potable et l’alimentation ?

À propos des retenues, les scientifiques considèrent pourtant, au-delà de leur impact sur l’environnement, qu’elles ne contribuent pas à encourager la nécessaire diminution de la consommation d’eau. Que répondez-vous ?

"Ce n’est pas le million de m3 prélevé dans l’Allier, pour Billom, qui changera le débit et les nappes phréatiques de l’Allier. J’ai envie de répondre que les retenues sont permises et soutenues par l’État, ça veut dire que ce sont des projets extrêmement contrôlés. Aujourd’hui, c’est une solution. Demain, il faudra sûrement en chercher d’autres.

Chez Limagrain, on cherche des variétés plus efficientes en termes de consommation d’eau, on a aussi lancé une expérimentation inédite sur 49 hectares : la « Matrice », à travers laquelle on teste des rotations avec ou sans irrigation, labour, etc. Mais l’agriculture est sur un pas de temps long. On estime avoir une première esquisse de résultats d’ici cinq ou six ans."

Au-delà de Billom, c’est l’impact d’une multiplication des retenues qui fait craindre un impact sur l’environnement…

"Au vu du coût des projets, je ne pense pas qu’ils vont se multiplier comme des petits pains. Ne pensons pas qu’il va y en avoir 200 d’ici dix ans. Par ailleurs, le débit annuel moyen de l’Allier à Vic-le-Comte est de 1,9 milliard de m3 et le projet des Turlurons consiste à prélever 2,3 millions de m3. C’est 0,12 % du volume de l’Allier sur une année."

Le maïs semence, critiqué car très consommateur d’eau l’été, a-t-il un avenir dans le Puy-de-Dôme ?

"Bien sûr qu’il a encore toute sa place en Limagne. Le maïs a besoin d’eau l’été car c’est la période de son cycle de végétation, mais c’est aussi la culture qui stocke le plus de carbone, elle a aussi des avantages. Et si nous n’en produisons pas, ce sera fait ailleurs. Faire rentrer du maïs des États-Unis ou du Brésil, ça gênerait peut-être moins les gens…"

Comprenez-vous l’opposition aux retenues ?

"Je peux comprendre les interrogations de mes voisins, oui. Mais tant que les études ne sont pas terminées, on ne peut pas donner toutes les informations. Pour rassurer, j’ai envie de dire qu’on ne met pas d’eau potable dans les retenues, qu’on ne pompera pas dans les nappes, qu’on prendra de l’eau dans l’Allier quand il y en a suffisamment.

On a beaucoup dit que le Massif central était le château d’eau de la France mais en fait, je considère que c’est la chasse d’eau de la France. On a des précipitations abondantes mais la nature des sols, les cailloux, font que l’eau passe devant nous et est utilisée ailleurs.

Oui, il faut des moyens naturels, avec les sols, pour stocker l’eau. Mais quand il en reste, on peut la stocker d’une autre manière, avec les retenues."

Propos recueillis par Arthur Cesbron

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