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Européennes : l'alerte des Académies des sciences des Vingt-Sept, par le Pr Alain Fischer

L’avenir de l’Europe nécessite la promotion d’une recherche scientifique et d’une éducation de qualité qui soient libres et accessibles à tous. Les Académies des sciences des 27 pays de l’Union européenne ont rendu publique lundi 6 mai, à l’occasion d’une conférence de presse à Bruxelles, une déclaration en ce sens. Ce message des présidents des Académies nationales des différents Etats membres à l’attention des candidats aux élections européennes du 9 juin a pour objectif de rappeler l’importance de la science et de l’éducation pour l’avenir de l’Europe, et les valeurs qui y sont attachées. Pour la première fois, à l’occasion du renouvellement des élus au Parlement européen, l’ensemble de ces Académies a éprouvé la nécessité d’une telle déclaration publique. Pourquoi en est-il ainsi ?

Les connaissances issues de la recherche scientifique représentent un socle essentiel à nombre de décisions politiques dans tant de domaines qui concernent notre vie quotidienne : climat, énergie, intelligence artificielle, alimentation, santé… La recherche pratiquée au sein de l’Union européenne participe pleinement à l’avancée de ces connaissances, qui rappelons-le, sont source d’innovation et de puissance économique, mais aussi d’enrichissement de notre culture scientifique. La compétition est rude, avec les Etats-Unis et les pays émergents d’Asie notamment. Il est indispensable que l’Union européenne préserve et même améliore ces capacités. L’Europe dispose d’un capital humain, qui est son atout principal. Pour ce faire, une série de conditions doivent être remplies. Elles font l’objet de cette déclaration commune.

Les pays de l’Union européenne doivent renforcer leurs investissements dans la recherche scientifique, et ce de façon stable au cours du temps en dépit des aléas de la conjoncture économique. L’objectif fixé par le traité de Lisbonne, il y a déjà vingt-quatre ans, de promouvoir "une économie de la connaissance" impliquant que chaque pays consacre au moins 3 % de ses ressources à la recherche et l’innovation n’est toujours pas atteint par de nombreux Etats membres, dont la France. De son côté, l’Union européenne finance la recherche - c’est son troisième budget - à travers une série de programmes ouverts aux chercheurs de l’Union, dont celui, déterminant pour le soutien de la recherche fondamentale, du Conseil européen de la recherche (ERC). Ces programmes doivent être défendus, et à vrai dire amplifiés. Cela est de la responsabilité du Parlement européen, qui vote ces budgets.

Sentiment commun d’inquiétude

Les questions de principe concernant le fonctionnement du monde académique (universités et organismes de recherche) sont primordiales. Il faut préserver la liberté académique et l’autonomie des institutions, et leur permettre d’exercer au mieux leurs travaux dans un esprit d’ouverture internationale (open science). L’échange d’étudiants, pensons notamment au programme Erasmus, mais aussi la mobilité des enseignants et des chercheurs représentent un atout précieux pour le succès des recherches. Ils concernent bien sûr la mobilité au sein de l’Europe, mais également avec le monde entier. L’accueil d’étudiants et de scientifiques venant de tous les pays représente une richesse humaine et intellectuelle de première importance. C’est ainsi que la recherche s’avère le plus créatrice et que les indispensables collaborations s’établissent. En particulier, l’attractivité de nos universités doit être préservée des tentatives de mise en place d’obstacles imposés à l’entrée dans nos pays. Dans un passé récent, la volonté de certains d’un repli sur soi a montré que ce danger n’est pas que théorique.

Cette déclaration a été transmise à toutes les têtes de liste candidates aux élections au Parlement européen dans chacun des 27 pays avec l’espoir de les voir s’engager à respecter ces principes fondamentaux, éléments constitutifs de nos démocraties. Le fait que les Académies des sciences des 27 pays de l’Union européenne se soient engagées dans cet appel témoigne sans aucun doute d’un sentiment commun d’inquiétude sur la fragilité du respect de ces valeurs, que l’on ne peut malheureusement considérer comme définitivement acquises. Les citoyens des 27 pays de l’Union européenne doivent être alertés et informés des positions de chacun. Il y va de l’avenir de nos démocraties.

Alain Fischer est président de l’Académie des sciences et cofondateur de l’Institut des maladies génétiques

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