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Saint-Jeures condamnée, la construction de cette grande maison qui fait polémique va pouvoir reprendre

Près de deux ans et demi, c'est le temps qu'il aura fallu pour avoir une première décision de justice dans l'affaire qui oppose Yassine F. et la commune de Saint-Jeures. Cet entrepreneur lyonnais avait entamé à l'automne 2021 la construction d'une très grande maison située le long de la RD 47 au lieu-dit Bourrel, juste à la sortie du bourg de Saint-Jeures. Très vite, la polémique avait enflé face aux dimensions de la maison (1.184 m² de surface de planchers) et à la présence d'une "salle de prière" pour cette famille de confession musulmane. Une réunion publique avait même été organisée par le porteur du projet en présence de la mairie.

À l'issue, face à l'opposition d'un certain nombre d'habitants, le maire de la commune avait pris un arrêté municipal le 20 décembre 2021 pour retirer le permis de construire qu'il avait pourtant accordé à Yassine F. le 21 octobre, moins de deux mois avant, pour construire sa maison. Ce dernier avait alors saisi le tribunal administratif, de même qu'un groupe d'habitants qui demandaient eux l'annulation du permis. Après avoir étudié ces deux dossiers à l'audience du 2 mai dernier, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand vient de rendre les deux jugements ce jeudi 16 mai. "L'arrêté du 20 décembre 2021 du maire de la commune de Saint-Jeures est annulé". La commune devra également lui verser 1.500 euros de frais d'avocat.

5.000 euros de préjudice moral

Dans un deuxième temps, le porteur du projet avait réclamé à la commune 253.831,18 euros "en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du maire, dont 163.63,18 euros au titre des dépenses engagées dans le cadre du projet de construction, 15.000 euros au titre du préjudice moral, 50.000 euros au titre de la perte de valeur vénale du terrain et 7.200 euros au titre des frais d'huissier et d'avocats".

Un véhicule et un abri incendiés sur un chantier qui suscite la controverse à Saint-Jeures

Sur cette requête : "la commune de Saint-Jeures est condamnée à verser la somme de 5.000 euros" au titre du préjudice moral. Le tribunal s'en explique dans un communiqué transmis à notre rédaction, rappelant que l'intéressé "avait été invité à participer à une réunion publique devant une centaine d’habitants afin qu’il se justifie sur son projet de construction mais également sur des éléments qui ne relèvent que de sa vie privée. Ainsi, outre le retard pris dans la réalisation de son projet immobilier, l’arrêté de retrait a été adopté dans des conditions qui ont excédé les conditions ordinaires de déroulement d’une procédure administrative.

La commune a été condamnée à lui verser la somme de 5.000 euros en raison du préjudice moral qui en a résulté". Une somme à laquelle s'ajoute là-aussi 1.500 euros de frais d'avocat. Soit au total, une somme de 8.000 euros à la charge de la commune.

"Aucune unité architecturale particulière n'est identifiée"

Dans ces deux jugements, la décision la plus attendue concerne l'annulation de l'arrêté du maire qui retirait le permis de construire de Yassine F. La mairie avait en effet motivé ce retrait par le fait que "cette construction, par son architecture inhabituelle sur le Haut-Lignon, ses dimensions très importantes et l'aspect extérieur des bâtiments qui ne correspond pas à l'aspect extérieur d'un habitat traditionnel, est de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants". Le tribunal a regardé le périmètre tout autour du chantier et en a tiré la conclusion suivante : "aucune identité architecturale particulière n'est identifiée".

Dans son communiqué, le tribunal administratif clermontois résume cette décision : "le tribunal observe que le projet s’implante en périphérie du bourg, dans un secteur dépourvu d’identité architecturale particulière et composé d’un bâti disparate sans harmonie spécifique. Dans cet environnement, le projet ne se distingue pas par une caractéristique architecturale propre. Le tribunal relève que la circonstance qu’un dôme et une verrière, de dimensions très réduites par rapport au reste de la construction, soient implantés à l’angle intérieur de l’habitation est sans incidence sur l’impact que la construction pourrait avoir sur le site.

Par ailleurs, le style de la construction projetée et les matériaux retenus permettent d’identifier plusieurs volumes distincts. De ce fait, la seule importance de sa surface de plancher, supérieure à celles des bâtiments voisins, ne suffit pas à caractériser une atteinte à l’intérêt des lieux avoisinants. Dans ce contexte, le tribunal a prononcé l’annulation de l’arrêté de retrait. Il ne s’est en revanche pas encore prononcé sur la légalité du permis de construire initial qui, du fait de l’annulation du retrait, se trouve rétabli" indique encore le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

"La justice nous a donnés raison, tout a été fait dans les règles"

Pour Yassine F., cette décision du tribunal administratif est "un très grand soulagement. C'est une très grande satisfaction. C'est un dossier complexe que nous avions étudié sous tous ses aspects avec la mairie. Depuis le début, on a voulu me faire passer pour quelqu'un qui n'avait pas respecté le droit, qui avait fait une construction illégale", regrette Yassine F., contacté vendredi matin. "Nous avons aujourd'hui la confirmation que tout a été respecté en matière d'urbanisme " rappelle-t-il. "Tout a été fait dans les règles. La justice nous a donnés raison et j'en suis fier. J'ai mis beaucoup d'énergie et toute cette histoire a laissé des traces, y compris dans les médias. Tous ces préjudices ont été sous-évalués" analyse-t-il.

Désormais  : "Je vais pouvoir mener à bien mon projet" se réjouit Yassine F. La mairie peut encore faire appel du jugement du tribunal administratif. "Mais l'appel n'est pas suspensif" fait remarquer l'intéressé. Yassine F. entend donc "reprendre les travaux très prochainement, le temps de contacter les entreprises et de se préparer".

La mairie peut faire appel

De son côté, le maire de Saint-Jeures peut effectivement faire appel de ce jugement. "Nous sommes étonnés" réagit André Duboeuf ce vendredi. "Nous allons en parler en conseil municipal, une séance est prévue vendredi prochain. Peut-être qu'il faudra se voir avant. Mais il nous faut étudier tout cela avec l'avocat" indique le maire, qui entend rester prudent et réservé sur la suite à donner à cette affaire et ses conséquences. 

Quant à l'enquête sur l'incendie d'un véhicule et d'une cabane de chantier le 24 novembre 2021 au préjudice de Yassine F., l'enquête de gendarmerie n'a toujours pas abouti. 

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