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Mayotte : après la Nouvelle-Calédonie, cette autre bombe à retardement pour l'exécutif

Mayotte : après la Nouvelle-Calédonie, cette autre bombe à retardement pour l'exécutif

Les Outre-mer, terres inflammables. L’exécutif, enlisé dans la crise calédonienne, combat en parallèle sur un autre front. Emmanuel Macron reçoit ce vendredi à 16 heures élus locaux et parlementaires mahorais pour leur présenter le double projet de loi sur Mayotte, frappée par une grave crise migratoire et sécuritaire. Le premier, de nature constitutionnelle, prévoit de supprimer le droit du sol dans le département pour tarir l’immigration illégale en provenance des Comores. Le second, ordinaire, contient une série de dispositions relatives au développement économique de l’île, sa sécurité ou l’immigration. Les élus mahorais auront alors un mois pour échanger autour des textes, avant leur présentation en conseil des ministres en juillet et un examen au Parlement en septembre.

Le volet constitutionnel, à forte valeur symbolique, cristallise déjà les tensions au sein de la majorité présidentielle. "Cela peut fracturer le groupe et être le match retour de la loi immigration", glisse un cadre Renaissance. Le gouvernement déploie toute une stratégie pour éviter cette hypothèse. Il s’emploie à lui ôter toute dimension idéologique et l’érige en réponse pragmatique à une situation d’urgence. Avec un argument clé : la suppression du droit du sol est une revendication de la population locale, partagée par des élus de tous bords politiques. Parmi les 310 000 habitants de l’île, 48 % seraient des immigrés comoriens ou d’autres pays d’Afrique, selon une étude de l’Insee datant de 2019.

"On ne peut pas s’enfermer dans une posture de principe"

Ainsi, la ministre déléguée chargée des Outre-mer, Marie Guévenoux, s’est rendue début mai à Mayotte en compagnie de trois députés : le patron du groupe Renaissance Sylvain Maillard, la députée MoDem Blandine Brocard et le coprésident du groupe Liot Christophe Naegelen. Le premier s’est converti à cette réforme après sa visite sur l’île, malgré quelques réserves initiales. "Qui va sur place sans a priori et sans s’enfermer dans une logique politicienne en constate la nécessité, insiste Marie Guévenoux. On ne peut pas s’enfermer dans une posture de principe."

La ministre a incité les élus mahorais présents à Paris à échanger avec les parlementaires de la majorité. Façon de les mettre face à leurs responsabilités. La crise calédonienne, née d’une insuffisante prise en compte de la situation locale, nourrit le récit gouvernemental. "Il faut faire attention au vivre ensemble, appuie un conseiller de l’exécutif. Si le texte ne passe pas à Mayotte, le retour des barrages ne sera pas le moindre des maux."

"L’aile gauche n’est pas très chaude"

Il y a encore du boulot. "L’aile gauche n’est pas très chaude sur ce texte", note un autre membre du gouvernement. Certains marcheurs historiques rechignent à adouber un projet si symbolique, quelques mois après la tumultueuse adoption de la loi immigration. Le président de la Commission des Lois Sacha Houlié, qui s’est rendu sur place, juge une telle réforme inutile pour enrayer l’immigration irrégulière au regard de l’écart de richesse entre Mayotte et les pays voisins. Le député a échangé avec Marie Guévenoux début avril. Ils se sont quittés sur un désaccord. "Est-ce que le droit du sol résoudra le problème de Mayotte ? A lui tout seul je suis persuadée que non, confie la députée des Yvelines Nadia Hai. Il faut une politique globale qui l’accompagne. Les marcheurs pour certains sont totalement contre et pour d’autres comme moi nous regarderons ce qu’il y a dans le texte."

L’exécutif se veut confiant, anticipant à ce stade des "pertes résiduelles" dans la majorité. Il peut en outre compter sur le soutien des Républicains. La droite porte cette mesure depuis des années. Elle devrait profiter de l’examen de la réforme constitutionnelle pour réclamer la suppression du droit du sol dans tout le pays - cette doléance n’a guère de chances d’aboutir - mais aura du mal à faire obstacle au projet du gouvernement. Mansour Kamardine, l’un des députés du département, appartient au groupe LR. "Ce qu’ils vivent est si grave qu’il faut aboutir", assurait en février la numéro 3 de LR Annie Genevard. Marine Le Pen a enfin obtenu plus de 59 % des voix à Mayotte au second tour de la dernière présidentielle. La formation d’extrême droite aura du mal à infliger un camouflet au gouvernement, sans prendre le risque de se mettre à dos ses électeurs locaux.

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