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[Cannes 2024] “Kinds of Kindness” : le pendant un peu sec de “Pauvres Créatures”

Avec ce récit en trois parties distinctes sur l’impossibilité de la liberté, Yórgos Lánthimos offre un successeur un peu sec à “Pauvres Créatures”, mais un vrai terrain de jeu pour ses acteur·rices.

Dans l’une des premières scènes de Kinds of Kindness, un type pas très à l’aise nommé Robert (Jesse Plemons, acteur formidable repéré dans Friday Night Lights et vu chez Scorsese) fonce, au volant de sa grosse voiture, dans une autre berline. L’accident est volontaire, le souvenir de Crash de David Cronenberg se dessine, mais malgré des sujets communs, Yórgos Lánthimos n’est justement pas David Cronenberg. Les chairs blessées, nombreuses ici, sont plutôt le symptôme d’un dérèglement du monde que le début d’une reformulation des strates du désir. Même quand ils ne sont pas blessés, le cinéaste grec ausculte ses personnages comme un légiste détaillerait les causes de leurs défaillances mortelles. C’est un style.

Le film arrive quelque mois après le multiprimé Pauvres Créatures – quatre Oscars dont celui de la meilleure actrice pour Emma Stone, le Lion d’or au dernier Festival de Venise – et séduit moins que son prédécesseur, qui avait pour lui une forme de drôlerie morbide assez généreuse. Ici, tout est plus mécanique. Kinds of Kindness diffère aussi par sa structure anthologique : trois histoires se succèdent, trois récits séparés par des génériques. Dans le premier, un homme vit selon ce que lui dicte un étrange mentor puis tente de reprendre le contrôle. Dans le deuxième, un couple subit une épreuve insurmontable. Dans le troisième, une secte se met en quête d’une personne capable de ressusciter les morts.

Effet de troupe


Le décor change, les personnages aussi, seul·es les acteur·rices restent. En plus de Jesse Plemons, Emma Stone, Margaret Qualley, Hong Chau et Willem Dafoe notamment, reviennent sous une autre apparence, dans un cadre social et géographique différent. Ils et elles ont l’air de beaucoup s’amuser. C’est le point fort du film, qui joue à plein sur l’effet de troupe, l’envie de passer d’un univers à un autre comme des gosses joueraient à mimer une réalité mutante. Qu’est-ce qui change, qu’est-ce qui reste ? Lánthimos tient à tout prix à montrer à quel point l’ensemble est profond. Dans un moment assez saisissant du deuxième segment, Daniel (Jesse Plemons) retrouve sa femme Liz (Emma Stone) après qu’elle a disparu, et se persuade qu’elle n’est plus la même. La taille de ses pieds aurait d’ailleurs été modifiée. Un plan sur les pieds d’Emma Stone nous interroge aussi : et s’ils avaient vraiment grandis ? Mais le temps du trouble ne nous est pas complètement offert. Il faut que le film, comme une machine huilée, avance.

Ce que tient vraiment à nous dire le cinéaste grec en 2 h 45 bien tassées ressemble à quelque chose comme l’idée que le libre arbitre n’existe pas, que nos corps ne nous appartiennent même pas. Dans Pauvres créatures, l’héroïne vivait avec le cerveau d’une autre. Ici, mutilations, viol et diverses prises de pouvoir physiques se succèdent. On aimerait un cinéaste moins sûr de ses effets pour plonger vraiment dans l’étrangeté de la proposition.

Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos avec Emma Stone et Jesse Plemons (Grèce). En compétition.

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