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Polar : "L'Assassin Eighteen", un livre d'espionnage diablement efficace

Amateurs de phrases joliment tournées, d’atmosphères léchées et d’intrigues impeccables, passez votre chemin, cette chronique n’est pas pour vous. La nouvelle série d’espionnage de Gallimard est de celle qu’on lit lorsque l’on a envie de mettre ses neurones au repos, de céder à un moment de pur divertissement. Mais rien de péjoratif là-dedans, L’Agent Seventeen et L’Assassin Eighteen, signés du britannique John Brownlow, sont des modèles du genre. Efficaces, mais originaux. On les avale en quelques heures, sans même s’en rendre compte, on les referme ravi de s’être amusé à suivre les pérégrinations à 300 à l’heure du héros.

Tout tourne, en effet, autour d’un personnage central qui, dans le premier opus, se définit ainsi : "Vous ne connaîtrez jamais mon nom. Mais vous n’oublierez jamais mon numéro. […] Ma prochaine cible est Sixteen, et, un jour prochain, j’aurai Eighteen sur le dos." L’action se déroule dans le monde impitoyable des tueurs à gages à stature internationale, où Seventeen - 17, clin d’œil (presque trop) évident à 007 - remplace Sixteen en le tuant, et où lui-même peut du jour au lendemain être éliminé par 18. Au début du premier épisode, l’agent Seventeen est en mission à Berlin pour assassiner un vieil homme. A peine a-t-il atteint sa cible qu’on l’envoie sur une nouvelle besogne, qui se révèle être un traquenard. S’ensuivent des aventures rocambolesques qui mèneront à l’assassin Eighteen.

A priori, direz-vous, rien de bien original dans cette histoire d’espion remarquable pris au piège des guerres de pouvoir entre méchants internationaux et qui ne peut compter ni sur ses chefs ni sur ses commanditaires pour s’en sortir. Evidemment, on pense à Jason Bourne et à Matt Damon, figure hollywoodienne indépassable dans ce registre. Ou, en version littéraire plus que cinématographique, au Lee Child des débuts pour sa capacité à accrocher le lecteur avec un héros au parcours original, Jack Reacher, ancien enquêteur militaire, qui parcourt les Etats-Unis sans rien d’autre qu’une brosse à dents, ayant éliminé tout ce qui le rend repérable. On pense aussi à l’univers des Mission impossible pour les cascades et la géopolitique à géométrie variable. Et à James Bond, enfin. La filiation est là. L’auteur a travaillé sur la série Fleming en 2014, version romancée de la vie du créateur de 007. Et Seventeen a remporté le prix Ian Fleming du meilleur thriller en 2023.

Un roman d'espionnage qui se mue en roman d'apprentissage

Mais le héros de John Brownlow ne se résume pas à un condensé de ces déjà-vu, déjà-lu, il a un vrai "petit quelque chose en plus". Son humour d’abord, et cette façon qu’il a d’enchaîner les phrases à toute allure en prenant à partie le lecteur, comme en témoignent les premières pages de Seventeen : "Etre un agent secret, ce n’est pas ce que tu penses. C’est chiant. […] Tous ces trucs que tu voies à la télé et au cinéma, les voyages à fond la caisse dans des contrées exotiques dans des voitures de sport voyantes […], les idylles avec des célébrités glamour aux origines ethniques variées et aux allégeances suspectes […], rien de tout cela n’existe. Absolument rien. Pas même un tout petit peu. A moins d’être moi." Un ton qui pourrait être agaçant si le héros ne prenait de l’épaisseur au fil des pages. Rapidement, le roman d’espionnage se mue en roman d’apprentissage où l’on découvre comment le jeune Seventeen est devenu ce qu’il est et les raisons qui conduisent aujourd’hui un jeune tireur à tenter de le tuer. Puis en roman de la maturité, avec des personnages secondaires, des femmes notamment, qui ne sont ni des prétextes ni des potiches, mais occupent une place centrale et rendent l’espion plus attachant encore.

Ses failles personnelles font oublier le peu de vraisemblance de sa fougue, de son ingéniosité et de son sixième sens, garants de sa survie dans un contexte auquel aucun être humain ne saurait résister. Porté par l’adrénaline que l’auteur sait faire monter avec habileté, on le regarde sans broncher parcourir la nuit polaire, puis nager dans l’eau glaciale. On l’observe, pantelant, écraser ses adversaires et la mort qui rôde au-delà de toute crédibilité. Mais qu’importe, le plaisir est là. Au risque d’agacer la vénérable maison Gallimard, on ne saurait trop conseiller de commencer par L’Agent Seventeen, paru en poche au printemps chez Folio, avant de se lancer dans le plus récent Assassin Eighteen. Certes, le titre de ce dernier ne dévoile pas l’intrigue autant qu’on pourrait le craindre, mais la jubilation n’en sera que plus grande en respectant l’ordre chronologique. Et, aucun doute, si vous aimez le premier, vous vous précipiterez sur le second.

L’Assassin Eighteen par John Brownlow, trad. de l’anglais par Laurent Boscq. Gallimard, coll. Série noire, 594 p., 22 €.

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