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Législatives : comment le RN justifie ses renoncements programmatiques

Qu’il est confortable de n’avoir siégé qu’au sein de l’opposition. Pas de bilan, pas de compte à rendre. Mais toute la latitude d’infliger remontrances à ceux qui sont et ont été aux manettes. Les procès en incompétence faits à Jordan Bardella ? Qu’ils viennent de la gauche, de la Macronie ou de la droite, le jeune président du Rassemblement national les esquive un à un : "Je ne crois pas avoir de leçon à recevoir, de brevets de compétences de la part de gens qui s’apprêtent à nous léguer un pays à plus de 3 000 milliards d’euros de dette", cingle-t-il dans les colonnes du Parisien.

Ainsi, à quelques semaines de signer - peut-être - son bail à Matignon Jordan Bardella martèle : "Je vais hériter d’une situation financière de quasi-faillite mon devoir sera donc de remettre de l’ordre dans les comptes de l’Etat." Une petite musique jouée dès le lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale par l’ensemble des cadres RN dans les médias. Comme pour préparer les électeurs à des renoncements en cascade sur des promesses phares du parti à la flamme. Au premier rang desquelles, les mesures portant sur l’amélioration du pouvoir d’achat, pour la plupart très coûteuses.

La baisse de la TVA sur les produits de première nécessité

La baisse de la TVA sur les biens de première nécessité en est un exemple criant. En 2022, Marine Le Pen, alors candidate à l’élection présidentielle, en avait fait la clef de voûte sociale de son programme, malgré les réserves émises par un florilège d’économistes. Deux ans plus tard, alors que le RN "est aux portes du pouvoir", selon la formule consacrée, la proposition tient toujours, mais adviendra dans un "second temps", élude Jordan Bardella à l’antenne de CNews ce mardi 18 juin.

Mais alors à quand la guillotine de la TVA sur ce "fameux" panier de produits essentiels ? "À la rentrée dans le vote du budget pour l’année 2025, qui aura lieu au mois d’octobre", évacue le tout juste réélu eurodéputé qui s’engage à commander dès sa nomination au poste de Premier ministre, un audit sur les comptes publics réalisé par une commission indépendante à la composition syncrétique : "des magistrats de la Cour des comptes, des économistes, des universitaires", égraine-t-il ce mardi dans le Parisien.

La réforme des retraites abrogée, oui… mais pas tout de suite

Le "second temps" ? Appelez-le "le temps des réformes", prie celui qui se refuserait à devenir chef du gouvernement en cas de majorité relative. Au sein de cet arc narratif du "second temps", bâti par Jordan Bardella, se niche la réforme des retraites, entrée en vigueur en septembre dernier. Ou plutôt, son abrogation. Pour justifier son détricotage, le patron du RN a trouvé la parade, qu’il dégaine désormais à chaque apparition médiatique : la réforme des retraites du gouvernement Borne ? Une loi "injuste socialement" et "inefficace économiquement".

À la place, le Rassemblement national plaide pour l’instauration d’un âge minimum de départ à la retraite à 60 ans pour les "carrières longues", ces personnes ayant commencé à travailler à 20 ans. Pour les autres, le départ serait progressivement étendu jusqu’à 62 ans selon l’entrée sur le marché du travail, et les parcours professionnels de chacun. Des ajustements qui coûteraient aux finances publiques quelque "1,6 milliard d’euros", selon les chiffres donnés par Jordan Bardella ce mardi sur CNews. Des dépenses qui devront s’ajouter à d’autres.

Le flou entretenu sur les pistes d’économies à réaliser

Comme celles engendrées par la suppression de l’impôt sur le revenu pour tous les actifs de moins de 30 ans, promesse de campagne de Marine Le Pen en 2022. "Non", patauge Jordan Bardella. Cette mesure, aussi, sera reportée sine die. Une fois encore, le nouveau chouchou de l’extrême droite française sort la carte de la double temporalité. Celle de l’urgence, et celle des réformes. "C’était le programme de la campagne présidentielle […] je ne vais pas faire en trois mois un projet présidentiel qui était prévu sur cinq ans", se défend-il.

Car "avant de promettre tout et n’importe quoi", l’hypothétique futur Premier ministre veut rétablir de "la raison budgétaire dans les comptes publics". Ce qui ne l’empêche pour autant pas, de signer "dès cet été", la diminution de la TVA de 20 % à 5,5 % sur le carburant, l’énergie, l’électricité, le gaz, et le fioul. Une annonce qui a poussé Bercy à sortir sa calculette. Résultat : cet engagement coûterait près de 17 milliards d’euros.

Mais "rassurez-vous", s’agitent les lieutenants du RN. Le Rassemblement national aurait dans son sac plus d’une piste d’économies "extrêmement sérieuses". L’immigration, en supprimant notamment l’Aide médicale d’Etat (AME). Balayant d’un revers de la main les mises en garde de l’IGAF et de l’IGF qui alertaient en 2019 sur le risque d’aboutir à un "report sur les soins hospitaliers" in fine, "plus onéreux". Mais également la "lutte contre la fraude", pose fragilement Jordan Bardella - sans préciser laquelle. Une chose est sûre, le RN n’aura jamais semblé aussi brinquebalant dans la déclinaison de son programme - qui apparaît soudainement nettement moins performatif - qu’à l’aune de sa plausible installation au pouvoir.

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