État précaire

« Jusqu’ici tout va bien ». Cette phrase, issue du film La Haine , qui bouscula les consciences sur la fracture entre la société française et ses banlieues, fait résonner de plus en plus fort son ironie et sa dénonciation. Depuis quarante ans, les actions gouvernementales successives n’ont pas su empêcher un fossé de naître au sein même du pays, au gré de crises virulentes aux périphéries de nos grandes villes. Laisser-aller, mauvais choix, absence d’investissement, de considération ou de fermeté, les différentes approches de tous bords qui ont jalonné l’action publique se sont brisées sur un mur d’incompréhension, de désintérêt, cimenté par une peur réciproque entre deux sociétés qui se toisent. Un processus de ghettoïsation qui a fait le lit de la rivière RN, et pourrait bien la conduire à Matignon. Quelle notion de France peut demain exister dans ces territoires ? Quel vecteur trouver pour colmater la brèche ? La force, au risque de voir des drames survenir ? Le refus de la réalité, pour laisser la maison finir de brûler ? Plus que jamais, entre ses tours, la France souffre d’un État précaire.

l’éditorial

Charles Vigier